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Bras de fer entre Frères musulmans et Salafistes, en Tunisie : La bataille de Kairouan

par Salem Ferdi

Après plusieurs jours de tension où les Salafistes tunisiens ont multiplié les déclarations menaçantes, le gouvernement tunisien a tranché : le congrès annuel des salafistes d'Ansar Al Charia, prévu pour aujourd'hui, dans la ville de Kairouan, est interdit.

C'est un choix de fermeté face aux dirigeants de l'organisation salafiste qui affirment ne pas avoir à demander une autorisation de l'Etat pour un rassemblement «autorisé par Allah». Kairouan, où les forces de sécurité se déployaient avec force hier, sera aujourd'hui, le théâtre d'un pic dans la confrontation entre les salafistes et le gouvernement tunisien, dominé par les Frères musulmans du mouvement «Ennadha». Les Salafistes avaient multiplié les déclarations fracassantes et très menaçantes, à l'égard des autorités. Ces derniers jours, dans plusieurs régions du pays, les Salafistes ont tenté de placer des tentes sur des places publiques, sans demander l'autorisation des autorités et ils en ont été empêchés par les services de sécurité. Le même sort a été réservé à des convois caritatifs organisés par eux. Face à la détermination des autorités de faire respecter la loi, et donc l'obligation de demander une autorisation préalable pour organiser une manifestation, les Salafistes ont choisi une démarche de défiance. Le porte-parole d' «Ansar Al-Charia», Seif Eddine Raïs, a affirmé qu'il est, hors de question, de demander une « autorisation du gouvernement pour prêcher la parole de Dieu et nous le mettons en garde contre toute intervention de la police pour empêcher la tenue du congrès».

UN CONGRES «AUTORISE PAR ALLAH»

Le tout assorti d'un appel aux adhérents du mouvement à ne pas «céder aux tawaghit (les tyrans) au pouvoir et à leurs lois civiles » et à venir à Kairoun pour la tenue d'un congrès «autorisé par Allah». Le mouvement salafiste est surtout implanté dans les quartiers populaires où il est servi par les frustrations économiques et sociales des jeunes. Leur chef, Abou Ayad, toujours recherché par les autorités qui l'accusent d'être l'instigateur de l'attaque contre l'ambassade des Etats-Unis, le 14 septembre dernier, fait dans le maximalisme, en affirmant que les jeunes « sont prêts à se sacrifier pour leur religion dans la terre de Kairouan». Le 12 mai dernier, dans une adresse directe au mouvement Ennadha «des tawaghits qui pensent être des islamistes» Abou Ayad, les a accusés d'aller vers la guerre et de « commettre des absurdités, présageant d'une accélération de la bataille..». Ensuite vient la menace directe, sous forme de rappel, que « nos jeunes qui ont montré des actes héroïques dans la défense de l'Islam en Afghanistan, en Tchétchénie, en Bosnie, en Irak, en Somalie et en Syrie, n'hésiteront pas à se sacrifier pour leur religion, en terre de Kairouan...». Des «chouyoukh» salafistes sont intervenus pour convaincre Ansar Al-Charia' de faire une demande, en bonne et due forme, au gouvernorat de Kairoun, ce qui a été fait le 15 mai. Mais le respect formel de la légalité n'est intervenu qu'après un discours violent et plein de défiance. Le ministère de l'Intérieur a, très logiquement, décidé d'interdire le rassemblement prévu, aujourd'hui.

GHANNOUCHI APPROUVE LA FERMETE DU GOUVERNEMENT

Dans un communiqué, il souligne que « toute personne qui s'avise de porter préjudice à l'Etat et à ses appareils, de semer le chaos et le désordre, de déstabiliser le pays ou d'inciter à la violence et à la haine, assume sa pleine responsabilité». Le ministère de l'Intérieur a averti, par ailleurs, que « toute tentative d'agression contre les forces de l'ordre ou d'attaque aux postes de police sera sévèrement réprimée». Le ministère de l'Intérieur s'est engagé « à défendre le droit de manifester pacifiquement, la liberté d'expression et l'accomplissement des rites religieux, conformément aux réglementations en vigueur ». Le ministère de l'Intérieur a annoncé qu'un individu a été arrêté, mercredi, dans la délégation de Hafouz (Kairouan), « en possession de deux pistolets, en plus d'un autre revolver démonté et de 120 balles trouvées dans son domicile». Il aurait eu l'intention d'attaquer les forces de l'ordre. Pour les autorités tunisiennes, il s'agit très clairement, de ne pas paraître «faible» face au défi ouvert des salafistes qui se sont dit déterminés à tenir le congrès «même sans autorisation», selon la déclaration du porte-parole «d'Ansar Al-Charia», Seif-Eddine Raïs. Le chef du mouvement «Ennahda», Rached Ghannouchi a approuvé la fermeté du gouvernement tunisien, à l'égard des salafistes. Les «autorités doivent appliquer la loi sans distinction, nous soutenons la fermeté du gouvernement à faire appliquer la loi, pour tous». L'attaque contre l'ambassade des Etats-Unis, le 14 septembre dernier, a été le début d'une confrontation entre les Frères Musulmans d'Ennahda et les Salafistes. Cette confrontation est en train de tourner au bras de fer. C'est dans ce contexte que se déroule, aujourd'hui, la «bataille de Kairouan».