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Organisation sécuritaire des rencontres sportives : Comment éradiquer le phénomène de la violence ?

par M. Benboua

Initiée le mois de février dernier à Alger par le directeur général de la Sûreté nationale, la DGSN, une seconde journée d'étude régionale sur l'organisation des rencontres sportives a été organisée jeudi à Oran avec la participation des différentes parties intervenant dans l'organisation sécuritaire des rencontres de football.

Cette belle initiative, qui vise à trouver les solutions appropriées au problème de la violence dans les stades qui, il faut le dire, est en train de prendre des proportions inquiétantes, a été animée par l'inspecteur régional de la police à l'Ouest, Arezki Hadj Saïd, le directeur de la police judiciaire, Kara, ainsi que le commissaire divisionnaire de la direction de la sûreté publique, Naïli Mohammed. Aussi, plusieurs figures sportives, joueurs, entraîneurs et présidents de clubs, le DJS d'Oran et représentants des différentes ligues régionales, ainsi que des hauts responsables du corps sécuritaire ont assisté à cette rencontre qui a été précédée par la diffusion sonore de l'hymne national.

LA VIOLENCE PREND UNE FORME COLLECTIVE ET STRUCTUREE

Dans son allocution d'ouverture, l'inspecteur régional de la police à l'Ouest, Arezki Hadj Saïd, a indiqué que le phénomène de la violence dans les stades a pris, au cours des cinq dernières années, des «proportions inquiétantes, voire préoccupantes», au regard du nombre d'incidents enregistrés et de la gravité des actes perpétrés. Le «plus préoccupant» pour la DGSN demeure le fait que cette violence prend davantage une forme collective et structurée, se traduisant par la constitution de groupes de jeunes supporters radicaux qui, très souvent, sont animés par le seul désir d'en découdre avec les supporters adverses et de recourir à des actes de vandalisme et de violence. Il a par ailleurs expliqué que cette journée d'étude est une occasion de voir comment coordonner les actions entre les services de sécurité et les dirigeants de clubs, réaffirmant, dans ce sens, la volonté des pouvoirs publics à mettre un terme à la violence dans les stades dans un futur proche.

L'IMPORTANCE D'ENCADRER ET D'ORIENTER LES JEUNES

De son côté, le directeur de la police judiciaire Kara a tenu à réaffirmer l'intérêt des autorités algériennes à combattre la violence dans toutes ses formes, tout en insistant sur l'importance de la répartition des tâches et la responsabilité de chacun dans cette démarche. «La violence dans les stades ressemble de plus en plus à du crime organisé, d'où l'urgence de trouver des solutions radicales à ce problème. Les jours du déroulement des rencontres, surtout celles à grands enjeux, sont devenus angoissants pour les riverains des stades. Il est carrément inadmissible que même après la fin des matches, les pseudo-supporters sortent des enceintes et déversent leur colère sur les citoyens et les biens publics», a-t-il indiqué. Et d'ajouter: «Nous sommes par la plupart issus de quartiers populaires et je suis convaincu qu'il suffit de bien parler aux jeunes, de les orienter vers le droit chemin pour déjà réussir une première approche. Le face-à-face entre le supporter et le policier n'a pas lieu d'exister, sauf en cas d'extrême nécessité».

L'intervenant a par la suite exposé certains facteurs qui sont à l'origine de la violence dans les stades. «Au-delà de sa dimension sociale, la violence est souvent alimentée par des facteurs liés à la non conformité de certaines infrastructures sportives. Des rencontres de football sont quelquefois programmées au niveau des stades non homologués et dépourvus des conditions de sécurité les plus élémentaires, dont notamment la défectuosité des clôtures, l'inexistence des issues de secours, la non séparation entre gradins, tribunes et virages et l'inexistence de structures d'accompagnement comme les sanitaires et les buvettes».

UN BILAN EFFRAYANT

Dans le même contexte, et afin de donner des détails sur les incidents recensés lors de ces cinq dernières années, le commissaire divisionnaire de la direction de la sûreté publique, Naïli Mohammed, est passé par la suite à la lecture du bilan. Des chiffres regrettables et effrayants à la fois, qui ne devraient laisser personne indifférent. En effet, on retiendra que sept supporters ont trouvé la mort depuis 2008 et que 2717 autres ont été blessés, dont 1589 policiers, dans des actes de violence survenus au niveau des stades de football en Algérie. En outre, 567 véhicules, dont 270 appartenant à la police, ont été endommagés lors des matchs derbys ou rencontres décisives pour l'obtention du titre, l'accession ou la relégation. Lors de la phase «aller» de la saison en cours, 51 incidents ont été enregistrés, ce qui a causé la blessure de 140 individus dont 111 policiers. Par ailleurs, 40 véhicules ont été endommagés, dont 22 appartenant à la sûreté nationale. Naïli Mohammed a également donné l'exemple du stade du 20 Août 1955 de Ruisseau, qui dispose normalement d'une capacité d'accueil de 12000 supporters et qui nécessite un déploiement de plus de 300 policiers chaque week-end.

LES POUVOIRS PUBLICS DETERMINES A COMBATTRE LA VIOLENCE

Au cours de cette rencontre, un enregistrement audiovisuel comportant les allocutions du ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, Daho Ould Kablia, le ministre de la Jeunesse et des Sports, Mohamed Tahmi, et le directeur général de la Sûreté nationale, le général major Abdelghani Hamel, a également été présenté. Dans ce document télévisé, chacun des intervenants a mis l'accent sur les modalités d'organisation des rencontres de football et les mesures à prendre pour éviter les troubles au sein et en dehors des enceintes sportives. «La violence dans les stades est un aspect important qui nous préoccupe actuellement et sur lequel nous devons trouver des solutions adaptées», a précisé Ould Kablia soulignant l'urgence de trouver des solutions pour remédier aux «comportements inacceptables» constatés autour et à l'intérieur des stades de football. De son côté, le général major Adelghani Hamel a assuré que les mesures sécuritaires en vigueur dans les stades demeureront les mêmes jusqu'au jour où la violence ne sera plus d'actualité. Il a indiqué également qu'il existe une réelle collaboration avec la FAF qui vise à étudier la possibilité de mettre à la disposition de chaque club deux encadreurs de la police qui apporteront leur aide et soutien dans l'organisation, tout en s'engageant à dispenser des cycles de formation au profit des stadiers. Pour ce qui est du MJS, Tahmi a indiqué que le ministère apportera sa contribution dans l'enrichissement des nouveaux textes de loi sur le sport.

DES MESURES CONCRETES ET URGENTES

Outre la formation des stadiers, d'autres mesures ont été proposées par la DGSN afin d'améliorer le cadre de déroulement des matchs de football et lutter contre la violence. Dans ce sens, un cahier des charges pour l'organisation des matches sera prochainement obligatoire pour la mise en œuvre d'un cadre organisationnel, sous forme de charte qui déterminera les missions et les responsabilités des différents partenaires concernés par l'organisation et la gestion des manifestations sportives. Une autre mesure vise à interdire les stades aux supporters violents, ceux qui ont déjà des antécédents. D'une manière générale, il faut dire que l'approche sécuritaire dans les stades nécessite d'autres mesures beaucoup plus importantes, comme par exemple l'analyse profonde du profil de l'individu violent et le cadre dans lequel il évolue. Ce qui serait également positif dans ce processus, est certainement le fait de limiter carrément la tranche d'âge pour l'accès au stade. Par exemple, un jeune de 12 ans n'a pas le droit d'assister seul à un match de football, sauf s'il est accompagné par un adulte. Une autre mesure qui est à notre sens beaucoup plus importante, consiste à identifier chaque supporter à travers la présentation de sa carte d'identité à l'accès de chaque stade. De telle façon à convaincre les éventuels initiateurs de troubles qu'ils seront vite repérés et identifiés en cas d'incidents.

L'EXPERIENCE FRANÇAISE DE L'OLYMPIQUE DE LYON

Cette journée a permis aux présents et conférenciers de bénéficier d'une expérience présentée par un expert français. Dans ce sens, un enregistrement audio de l'inspecteur général de la sécurité publique à Lyon, Albert Doutre, a été diffusé. Ce dernier a indiqué que la violence ayant touché les stades européens dans les années 80 a amené les services de police à réagir de manière forte. «Chaque club en France est tenu d'engager un responsable chargé de mettre en place un servir d'ordre avant chaque match en définissant, au préalable, le niveau de risque du match». Des mesures ont été ainsi prises pour assurer la sécurité dans les stades, dotés de moyens techniques de surveillance tout en mettant en place un service d'intervention rapide. Les sièges sont numérotés et répertoriés pour chaque supporter à l'achat du ticket. Les services de sécurité mènent aussi un travail de renseignement sur le hooliganisme en interdisant aux supporters violents l'accès au stade, lesquels sont contraints de se présenter le jour du match au commissariat de police pour signer un document de pointage», a-t-il expliqué.