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Les soldats français et maliens avancent vers le Nord-Mali : Les Targuis de Kidal répudient Ag Ghaly et créent leur mouvement

par Salem Ferdi

Alors que les troupes françaises et maliennes avancent en direction du nord du Mali et que les djihadistes ont détruit un pont près de la proximité du Niger pour entrave le déploiement des troupes de la Cédéao, on enregistre au plan politique une scission au sein d'Ansar Eddine et la naissance d'un Mouvement islamique de l'Azawad.

Le leader du mouvement Ansar Eddine Iyad Ag Ghaly semblait hésiter entre le «groupe de Tombouctou» très lié à Aqmi et les notables de sa région, ceux de Kidal, qui étaient très soucieux de se préserver un appui des voisins, algériens notamment. Avec l'offensive lancée vers le Sud, Ag Ghaly a littéralement brûlé ses vaisseaux et mis hors du coup Ansar Eddine. Les notables de Kidal semblent en avoir tiré la conclusion en créant le Mouvement islamique de l'Azawad. Ils ont annoncé jeudi la création du MIA qui veut une «solution pacifique» et se « démarque totalement de tout groupe terroriste, condamne et rejette toute forme d'extrémisme et de terrorisme et s'engage à les combattre». Le MIA qui est composé «exclusivement de Maliens» a demandé aux autorités françaises et maliennes de cesser les hostilités dans les régions qu'il contrôle « à savoir les régions de Kidal et Ménaka [nord-est du Mali] et (pour) créer un climat de paix qui va nous permettre d'aller vers l'établissement d'un dialogue politique inclusif». C'est Alghabasse Ag Intalla, originaire Kidal et qui avait négocié au Burkina Faso dans le cadre de la médiation de Blaise Compaoré, qui dirige ce nouveau mouvement islamiste targui. Aucune allusion n'est faite dans le communiqué du MIA à Iyad Ag Ghaly, qui est également originaire de Kidal. Mais il semble clair qu'ils ont décidé d'en finir avec un homme qui a mené le mouvement dans l'impasse en collant totalement aux groupes djihadistes. Le premier communiqué du MIA est sans équivoque sur la démarche politique et s'inscrit très clairement dans la démarche politique défendue par le Burkina et Alger.

NOUVELLES EXACTIONS CONTRE DES TARGUIS

Cette option politique n'est désormais plus de mise depuis l'enchaînement des événements qui a abouti à la guerre. Elle pourrait revenir à terme, la reprise des villes par l'armée française et les troupes maliennes ne pouvant suffire pour ramener la stabilité. A plus forte raison quand l'avance des troupes maliennes dans le sillage des troupes françaises s'accompagne d'exactions et de liquidations qui donnent aux populations du nord du Mali qu'ils sont tous ciblés comme des «terroristes». Sur ce chapitre, on enregistre l'assassinat jeudi de deux habitants de la région de Niono, à 370 km au nord de Bamako. Selon un journaliste malien cité par l'AFP, les deux exécutions sommaires ont eu lieu dans le village de Seribala, quartier de Medin, à 20 km de Niono. La première victime est un Targui dont l'assassinat est raconté de manière précise par son cousin : « Deux pick-up de l'armée sont entrés dans le quartier, ils sont partis tout droit au domicile de mon cousin, Aboubakrim Ag Mohamed qui est Touareg. C'était un marabout de 38 ans, marié, vivant à Siribala depuis 5 ans».

«Les militaires ont dit : nous savons que tu es un islamiste. Il s'est levé pour s'expliquer, ils l'ont tiré à bout portant». Son voisin, Samba Dicko, un éleveur peul de bétail, père de 11 enfants, a connu le même sort. Les soldats lui ont dit : «nous savons que toi aussi tu es complice des jihadistes. Ils l'ont abattu et lui ont piqué son argent». La situation humanitaire se dégrade dans les villes du Nord, selon Action contre la faim (ACF), qui évoque «des cas de malnutrition aiguë» à Gao, encore contrôlée par le Mujao, selon l'organisation humanitaire. La situation est également critique à Tombouctou (900 km au nord-est de Bamako), selon des habitants qui indiquent être privés d'eau et d'électricité depuis trois jours. Tombouctou, désertée par les islamistes comme par les populations, est une «une ville fantôme», a indiqué Moctar Ould Kery, conseiller municipal de la région de Tombouctou.

AVANCEE VERS LE NORD, LES ISLAMISTES DETRUISENT UN PONT STRATEGIQUE

Sur le terrain de la guerre, les soldats français et maliens ont repris le contrôle de la localité de Hombori, qui se trouve à un peu plus de 200 km à l'ouest de Gao, ville tenue par le Mujao, qui a été dès le début de l'intervention française l'objet de frappes aériennes. L'avancée des troupes françaises et maliennes vers le Nord a pour but de récupérer les villes du Nord et notamment Gao, Tombouctou et, plus au nord, Kidal. De leur côté, les islamistes ont détruit à la dynamite, dans la nuit de jeudi à vendredi, un pont stratégique à Tassiga, près de la frontière du Niger, sur la route menant vers Gao. C'est l'un des voies que pourraient emprunter les soldats de la force africaine (venant du Tchad et du Niger) qui doit être déployée au Mali. Tassiga se trouve à 60 kilomètres de la frontière nigérienne. Les chefs d'état-major ouest-africains doivent se rencontrer samedi lors d'une session d'urgence à Abidjan, afin de discuter des opérations militaires au Mali, a annoncé la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao). Des soldats de la force africaine, mandatée par l'ONU, ont de leur côté commencé à se déployer au Mali, où 2.500 soldats français sont déjà positionnés: ainsi, 160 militaires du Burkina Faso sont arrivés à Markala (270 km au nord de Bamako) pour prendre la relève des Français qui tenaient un pont stratégique sur le Niger. Quelque 6.000 soldats africains devraient à terme être présents au Mali.