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Montée des effectifs engagés, le président de l'UA sollicite l'Otan : La chasse aux «peaux claires» a commencé au Nord-Mali

par Salem Ferdi

Alors que les forces françaises et maliennes avancent en direction du Nord-Mali, les fortes appréhensions des exactions contre les gens de «peau blanche», après le retour de l'armée malienne dans le sillage des troupes françaises, commencent à être confirmées par les organisations humanitaires.

La Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH) a accusé, hier, des militaires maliens d'avoir commis des exécutions sommaires. «La FIDH a pu établir qu'une série d'exécutions sommaires a été perpétrée par des éléments des forces armées maliennes, à partir du 10 janvier, particulièrement à Sévaré, Mopti, Nioro et d'autres localités situées dans les zones d'affrontements». Selon la FIDH, au moins 11 personnes ont été exécutées à Sévaré dans un camp militaire, à proximité de la gare routière, et près de l'hôpital. Elle évoque des informations crédibles sur une vingtaine d'autres cas d'exécutions dans la même localité où les corps auraient été enterrés en toute hâte notamment dans des puits. Deux Touaregs ont été tués par des soldats maliens dans la région de Nioro, ajoute l'organisation qui évoque d'autres allégations d'exécutions sommaires, d'exactions et de pillages contre les Touaregs. «Les victimes de l'ensemble de ces exactions sont des personnes accusées d'être complices des djihadistes ou des infiltrés, des personnes en possession d'armes, des individus ne pouvant justifier de leur identité lors de contrôles de l'armée, ou simplement en raison de leur appartenance ethnique et communément appelés les «peaux claires». Ces éléments d'informations confirment les craintes des populations du nord du Mali de subir, une nouvelle fois, des représailles des militaires maliens. La chasse aux «peaux claires» est déjà une réalité même si le chef d'état-major de l'armée malienne a promis le «tribunal militaire» aux soldats qui commettent des exactions contre les arabes et les Touaregs du Mali. Ces appréhensions s'accroissent à mesure de l'avance des troupes françaises vers le Nord et, dans leur sillage, les troupes maliennes.

BAN KI-MOON «SALUE» ET S'INQUIETE

Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, tout en saluant l'intervention «courageuse» de la France au Mali s'est inquiété des conséquences de l'opération sur les populations civiles et les risques pour les humanitaires et le personnel de l'ONU sur place. Paris a assuré prendre très au sérieux les risques d'exactions qui pourraient être perpétrées pendant les opérations militaires en cours au Mali, tout en assurant ne disposer d'»aucun indice» confirmant de telles pratiques. La France indique avoir frappé plusieurs cibles d'Aqmi dans le nord du Mali dont «un centre de commandement des terroristes» près de Tombouctou. Parmi les cibles attaquées figure un palais construit à Tombouctou par Kadhafi et qui était utilisé par les djihadistes. Les troupes françaises et maliennes menaient, hier, des opérations de déminage et d'évacuation d'armes et de munitions abandonnées par les djihadistes dans les villes qu'ils ont abandonnées. La ville de Diabali, (400 km au nord de Bamako) a été reprise lundi. L'armée malienne affirme que la «libération totale» des régions du nord du Mali sera réalisée dans un délai d'un mois. L'état d'urgence, en vigueur au Mali depuis le 12 janvier, a été prolongé de trois mois supplémentaires. Les effectifs de la Mission internationale de soutien au Mali (Misma), fixés à 3.300 hommes par la résolution 2085 du Conseil de sécurité, pourraient doubler, a déclaré mardi Youssoufou Bamba, l'ambassadeur de Côte d'Ivoire aux Nations unies. La force de la Cédéao (Misma) sera dirigée par un général nigérian, Shehu Abdulkadir, assisté du général nigérien Yayé Garba, et devrait compter à terme quelque 4.000 hommes. Entre 500 et 700 soldats ouest-africains sont déjà présents au Mali. La Misma sera appuyée par 2.000 militaires tchadiens, un contingent qui travaillera en coordination avec la force ouest-africaine. Mais ces troupes restent pour le moment assez théoriques, les problèmes financiers et la faiblesse des équipements rendent le déploiement difficile. En tout cas, des doutes sérieux existent sur sa capacité à prendre le relais des forces françaises engagées au Mali. Le président de l'Union africaine et dirigeant du Bénin, Thomas Boni Yayi, a souhaité, à Berlin, une implication de l'Otan dans l'intervention au Mali. Je suis venu renouveler au nom du continent (africain) en ma qualité de président de l'Union africaine notre volonté de voir s'impliquer tous les Etats membres de l'Otan», a déclaré M. Boni Yayi lors d'une conférence de presse commune avec la chancelière allemande Angela Merkel. La chancelière allemande a exclu l'envoi de soldats allemands au Mali. «L'Allemagne ne songe pas à envoyer des troupes de combat là-bas».

LES DJIHADISTES ONT DES «CAPACITES FORTES»

L'Union européenne a aussi approuvé le déploiement d'une mission destinée à former et réorganiser l'armée malienne, composée de 450 hommes, dont 200 instructeurs, à partir de la mi-février. Cette montée en puissance des effectifs s'expliquerait par les «capacités» des groupes djihadistes. Ces capacités «se sont révélées fortes, car ils étaient mieux équipés et entraînés que ce qui avait été anticipé», a relevé le secrétaire général adjoint à l'Onu pour les Affaires politiques, Jeffrey Feltman. «Il existe un consensus parmi les acteurs principaux réunis à Bamako selon lequel le niveau de la force de la Misma, initialement estimé à 3.300 hommes, doit être revu à la hausse.» 2.150 soldats français opèrent actuellement au Mali. Le nombre de militaires engagés dans l'opération «Serval» pourrait atteindre voire dépasser les 3.000 hommes, a déclaré mardi une source proche du dossier. Selon The Guardian, les forces spéciales britanniques prêtent main-forte aux militaires français dans le cadre de la lutte contre les groupes djihadistes. Le Japon, lourdement affecté par l'attaque terroriste à In Amenas, a décidé de fermer temporairement son ambassade à Bamako, en raison de la dégradation des conditions de sécurité. «Le personnel continuera son travail à partir de l'ambassade de France. Le personnel évacuera dès que les préparatifs seront achevés, soit vers le 27 janvier», indique le ministère nippon des Affaires étrangères.