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Le syndrome du premier match

par Adjal Lahouari

Deux matches, de l'ambiance, de nombreux spectateurs, deux favoris, deux faire-valoir, mais zéro but. Qu'on s'entende bien, il est souvent arrivé qu'un match qui se termine sur un score vierge soit attractif par le niveau de jeu et les occasions de buts. Mais là, franchement, tout ceux qui s'attendaient à deux belles rencontres auront été pour leurs frais, et tout le monde est resté sur sa faim. Sauf, sans doute, l'entraîneur des «Lions de l'Atlas» Taoussi qui a déclaré texto : «Je suis satisfait de ce résultat qui est positif. Le prochain match, nous allons essayer d'être plus efficaces devant les bois adverses». On se permettra d'avoir des doutes à propos de cette déclaration, car le Maroc était considéré comme le favori de ce groupe, alors que l'Afrique du Sud était un peu en retrait en dépit de son statut de pays organisateur. A divers degrés donc, les quatre formations nous ont quelque peu déçus. Des observateurs sur place ont évoqué le «syndrome du premier match» où personne ne veut se livrer, de peur d'encaisser un but et de courir après une hypothétique égalisation.

Commençons par l'Afrique du Sud, une formation qui nous avait laissé une bonne impression lors du match amical contre les Fennecs. Cette fois, les atouts présumés de cette équipe, à savoir l'explosivité et le jeu en profondeur, ont été inexistants. Les Bafana Bafana ont paru lourds et ont multiplié les maladresses, preuve d'une technique quelconque. Quant au jeu en profondeur, on a plutôt vu de longs dégagements vers l'avant évidemment voués à l'échec. Il est indéniable que l'entraîneur Gordon est animé d'intentions louables, cherchant a instaurer dans son équipe un «football type» spécifique à ce pays et qu'il dénomme pompeusement «philosophie qu'on doit appliquer, même après mon départ». Mais, des paroles aux actes, il existe à notre avis un fossé difficile à combler. Pour Gordon, il y a du boulot et on lui souhaite bon courage.

Et si l'Afrique du Sud a déjoué, il y a tout une autre explication qui a pour nom Cap-Vert. Considéré comme le petit poucet de cette 29ème édition de la CAN, les Capverdiens ont fort bien rempli cette première partie de leur contrat. Après leur prestation, on comprend pourquoi ils ont éliminé l'Egypte, pourtant grandissime favori. Composée de joueurs évoluant en Afrique du Sud, au Portugal, en Roumanie et à Chypre, l'équipe nationale a fait preuve de solidarité à défaut d'être brillante. Certes, les coéquipiers de Platini ont souffert en première période mais, se rendant compte des limites de leurs adversaires, ils ont repris confiance et ont failli créer la surprise en prenant en considération leur statut de néophytes face à un adversaire qui a tout de même un vécu footballistique. Finalement, les actions les mieux construites ont été enregistrées du côté capverdien où les Nivaldo, Mendes, Majoro se sont montrés plus entreprenants au cours de la seconde période au terme de laquelle les supporters sud-africains ont été déçus, et par la prestation de leurs favoris et par le résultat. On a même vu certains d'entre eux en train de faire des évocations, mais ces dernières n'ont pas été exaucées. Si le débat Angola-Maroc aura été tout de même d'un niveau plus acceptable, ce «verdict» est tout à fait relatif par rapport à la faiblesse du match d'ouverture. Globalement, les Marocains ont paru plus collectifs avec un taux de possession légèrement supérieur (53% contre 47% pour les Angolais), mais cela n'a pas suffi pour qu'ils remportent la victoire. Pourquoi ? Il y a plusieurs explications. Le coach Taoussi dont le «miracle» réalisé avec le Maghreb de Fès (champion du Maroc et vainqueur de la coupe de la CAF) lui a ouvert les portes de la sélection, a démarré avec une équipe truffée de défenseurs et d'hommes du milieu. Première conséquence, l'essentiel de la force de frappe au niveau de l'attaque était personnalisé par l'ailier gauche Essaîdi qui a fait beaucoup de misères aux défenseurs angolais. Cet excellent joueur a tout tenté, aussi bien les actions individuelles que les centres pour ses coéquipiers. Si le coach marocain a laissé sur le banc deux authentiques chasseurs de but comme Benhenda et El-Arabi, c'est parce qu'ils les a sacrifiés sur l'autel de la prudence.

Certes, El-Hamdaoui, Benattia, Barrada El-Hamadi et Hermach ont développé quelques bonnes actions collectives, mais ils auront péché dans la dernière passe. Cette lacune d'ailleurs a failli leur coûter cher car les Angolais - et à l'instar des Capverdiens - ont osé par la suite, ratant la cible à plusieurs reprises, et notamment lors de la bourde commise par leur gardien Lamghari.

Dominés le plus souvent dans les duels par des Marocains plus athlétiques, les Angolais ont compensé cette lacune par une grande combativité. Gilardo, Airosa, Lunguinha n'ont pas ménagé leurs efforts, et il a fallu que les Marocains multiplient les fautes pour les contenir. A un quart d'heure de la fin, on en a comptabilisé 23 du côté marocain pour 8 du côté angolais. Et encore, l'arbitre sénégalais Diatta a omis de siffler d'autres entorses aux lois du jeu. Les quatre équipes de cette ouverture de la 29e édition de la CAN se sont donc neutralisées à la grande déception de leurs supporters et des amateurs de bon football et de buts. Apparemment, c'est la satisfaction du côté marocain et capverdien, à moins que le coach des «Lions de l'Atlas» ait manié la langue de bois devant une presse interloquée par la prestation de son équipe. Pour le Cap-Vert, en revanche, ça se comprend, car il s'agit d'une équipe d'un petit pays néophyte en Coupe d'Afrique des nations contre le pays hôte infiniment plus peuplé. Quant aux Angolais, ils s'en veulent d'avoir gâché des opportunités. A notre avis, leur capitaine Manucho n'a guère été à la hauteur de sa réputation. Trop lent, il a été neutralisé par les vigilants défenseurs marocains. Au terme de cette première journée, des questions viennent à l'esprit. Qui sortira de ce groupe où il n'y a plus de favori d'après le constat de ces deux rencontres, le Maroc et l'Afrique du Sud sont moins performants qu'on ne le pensait, alors que le Cap-Vert et l'Angola ne sont aussi faibles qu'on ne le supposait. D'où, forcément, l'incertitude qui planera mercredi prochain lors des débats Afrique du Sud - Angola et Maroc - Cap-Vert.