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Un permis au mépris de la loi

par Mohammed Beghdad

Pour une affaire de conduite de son scooter en état d'ivresse le 29 Novembre précédent, le célèbre acteur, désormais franco-russo-belge, Gérard Depardieu, est convoqué ces jours-ci par un juge de son premier pays. Personne, ni dans les médias, ni dans le monde politique, ni l'acteur lui-même, ni aucun de ses proches ou de ses admirateurs n'ont parlé d'une quelconque cabale montée de toutes pièces comme cette notoire personnalité pour avoir échappé au fisc de son pays de la grande taxation que subissent les grandes fortunes pour s'évader vers les pays à paradis fiscaux avantageux. L'artiste a alimenté ces dernières semaines la presse française et mondiale à cause de ses frasques qui ont défrayé la chronique dans les médias et dans le monde politico-judiciaire.

Il faut noter qu'il n'a non plus amassé sa fortune d'une rente pétrolière ou de marchés commerciaux illicites et douteux. C'est le fruit de ses rentrées de ses différentes productions culturelles issues de sa grande carrière cinématographique et qu'il puise aussi que de son vignoble. Sinon la justice l'aurait poursuivi durant le restant de ses jours, le traînant comme un vulgaire criminel et en salissant sa réputation qu'il a bâtie au prix d'immenses efforts de son métier.

Tandis que chez soi, on continue à transgresser la loi par une totale opacité sur l'origine des richesses qu'ont acquises différents acteurs de la politique, de l'économie et du commerce algériens. Alors répondre à la justice pour détournement de biens publics, lorsqu'on ne peut intenter un procès pour une simple affaire de conduite routière à une personnalité, relève de la pure affabulation.

Malgré qu'il ait séché la première séance de sa comparution devant le juge parisien, le gaulois légendaire dit ne pas fuir le tribunal, ni la justice, son voyage en Monténégro était prévu avant qu'il ne soit convoqué par la juge et se dit toujours prêt à se présenter aux juges quand ils veulent à condition qu'il soit là à se défendre. Pourtant, l'enfant terrible du cinéma français et mondial est accueilli en grandes pompes là il passe, la preuve en moins d'une semaine, il est reçu plus qu'un chef d'état par le puissant président russe Poutine à Moscou, le président de la FIFA Blatter à Zurich, par le premier ministre monténégrin à Podgorica ainsi par d'autres personnalités à travers le monde qu'il les a côtoyées lors de son voyage en Russie et en Suisse. Il faut noter qu'il a même été reçu par le président de la république il y a quelques années à l'occasion de sa visite en Algérie.

Cela ne l'ait aucunement épargné d'un fait du prince face à la justice de son pays d'origine ni bénéficié d'une quelconque prérogative grâce à son très riche carnet d'adresses. Que l'on soit une célébrité ou un parfait inconnu, la justice ne lâche point tous ceux qui enfreignent la loi. La question qui vient tout de suite à l'esprit : est-ce qu'une similaire célébrité algérienne aurait été trainé chez nous devant le tribunal pour une même affaire aussi banale ? La réponse paraît tellement évidente qu'on ne peut se poser cette question impensable, j'allais dire tellement impossible à germer dans l'esprit. Le responsable qui aurait le culot de lui ôter son permis serait banni à jamais.

Tout le monde le pense, l'Algérie dispose de batteries de lois qui n'ont rien à envier à celles des autres pays où tous les domaines sont couverts par la réglementation. Parfois c'est presque du copié-collé par rapport à ce qui se fait dans les pays du nord. Malheureusement, il ne suffit pas de pondre des textes mais il faut les répandre de façon équitable et juste dans tout le pays. C'est donc dans l'application de ces législations que cela pose problème, que cela bute et que ça coince. Il y a ceux dont la loi leur est applicable dans toute sa rigueur et il y a des privilégiés qui vivent au dessus des lois qu'on ne pourrait les désigner impudiquement que par le terme d'hors-la-loi. Tant que le pays subit ces contradictions, on serait loin de sortir du cauchemar, du sous-développement en tous points de vue que le pays endure et qui le mine juste dans ses entrailles.

A-t-on entendu un jour dans la presse ou dans la place publique, ne serait-ce que pour donner l'exemple, qu'un permis de conduire ait été retiré à une de ces personnalités (un joueur de foot, un fils d'un wali ou d'un ministre par exemple) pour avoir dépassé la limite de la vitesse annoncée sur le panneau de signalisation d'une route ou le simple fait de garer sa voiture dans une rue à stationnement interdit ? Chacun y doute que les autres lois soient opportunes si le code de la route, qui mesure, à mon modeste avis, le degré de civilité des citoyens, soit foulé aux pieds.

Par contre, je connais plein de mes collègues enseignants universitaires dont le permis leur avait été retiré pour avoir dépassé les 80 km/h d'une seule petite unité. Lorsqu'ils écopent d'une interdiction de conduite de quelques mois et constater leurs passeports restitués sur le champ à d'autres bien situés dans la hiérarchie, leur moral ne pourrait qu'être affecté. Lorsque tu prends ta bagnole sur l'autoroute et tu remarques des bolides arriver à 200 km/h, tu te dis certainement que ces chauffards sont quelque part protégés, qu'ils comptent sur des gens bien placés pour se permettre de conduire de la sorte. S'ils feraient attraper, leur sort devrait être logiquement le retrait à vie de leur permis de conduire avec des amendes conséquentes. Mais là, ce serait une autre histoire à vous faire démoraliser.

Comme on l'enregistre fort bien, il existe une frange d'algériens qui respectent la loi pour le principe de la citoyenneté malgré les restrictions dans son application en n'osant même pas griller un feu rouge, même s'ils se retrouvent en attendant tout seuls le passage au vert, sans la présence d'un agent de la circulation à l'affût, seulement pour ce principe comme disait le chroniqueur du Quotidien d'Oran Kamel Daoud dans une conférence organisée cette semaine à la chambre de commerce et d'industrie de Mostaganem. Par contre, pour ceux qui se considèrent au dessus des lois, aucune morale ne les arrête de piétiner davantage les textes de la république au mépris de tous et des responsables sensés les faire respecter par tous. C'est aussi ça le drame de notre pays.