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Sortie vers une autre porte

par Bachir Ben Nadji



L'année 2013 a été entamée en Algérie par un climat fébrile, un climat qui va durer près d'une année et demi et qui va aller crescendo. Même si elle date de quinze jours, soit en fin d'année 2012, la lettre de démission de M. Ahmed Ouyahia du poste de secrétaire général du RND, ne peut qu'être mise sous le compte de cette nouvelle année.

La démission du SG du RND a «boosté» l'actualité nationale au point ou elle a provoqué un véritable séisme dans les «Unes» de la presse nationale et aussi dans les états-majors des politiques des partis présents actuellement sur la scène.

Même s'il a voulu s'effacer, Ouyahia vient de relancer la politique nationale qui n'a d'yeux que sur ce qui va se passer en 2014. Il a été un vrai détonateur ce Si Ahmed que tout le monde (et je dirais même lui) considérait comme indémontable. Mais au fait, a-t-il été démonté ou s'agirait-il d'un des jeux que seule la politique a le secret ?

Dans une de ses dernières déclarations à la veille du scrutin du 29 Novembre dernier (les élections locales), il se montrait très serein et la tête froide devant ce qui se passait dans la maison RND depuis que Nouria Hafsi, Tayeb Zitouni, Yahia Guidoum et autres ont voulu secouer le cocotier, au point où il a été traité de dictateur. Il avait dit à la Radio nationale que «le RND a une ligne qui est rectiligne, une ligne qui sème l'espoir, mais aussi une ligne qui invite à l'effort». Il a dit mieux que ça, suivez cela : «qu'il est au service d'une famille politique», ajoutant que «c'est elle qui m'a fait appel, c'est elle qui m'a élu, qui m'a réélu au Congrès, aux instances habilités du parti, je suis à son service tant qu'elle a besoin de moi».

Que diront les analystes de ces phrases ? M. Ouyahia est un vrai serviteur ! «On», il faut comprendre la famille politique bien sûr, lui a fait appel. Est-il arrivé en courant ou en sautillant ? Allez savoir. Si Ahmed semble avoir exécuté ce qu'a voulue la famille politique qu'il a servie jusqu'au bout. De son côté, il nous semble qu'elle en a fait ce qu'elle a voulue de lui, cette famille. Reste à savoir si elle l'a remercié comme il se doit ? Nous ne le savons pas. Le dira-t-il un jour ? Aura-t-il le courage de le dire. Seul l'avenir le dira.

Et qu'a-t-il dit encore lors de cette déclaration à la Radio? Hé bien, il a affirmé qu'il est également «au service» de son pays «tant qu'il a besoin de lui». Il a ajouté réitérant que «depuis 1998, je dois tout à l'Algérie, c'est l'Algérie qui m'a tout donné».

Cependant, ce qui est le plus intéressant et le plus important de cette interview de M. Ouyahia, c'est sa conclusion qui a trait à sa position vis-à-vis du groupe des redresseurs du RND. L'ex patron du Rassemblement soulignera «nous allons vers le Conseil national qui est l'instance de délibérations et conformément à notre statut et à notre calendrier, en 2013, nous tenons notre Congrès, donc il se tiendra durant le premier semestre 2013». Il précisera aussi que «le secrétaire général a été élu par le Congrès», que «le prochain Conseil national aura donc à préparer l'organisation du Congrès» et « qu'au Conseil national il y a un règlement intérieur et un statut qui seront respectés et il y a des membres du Conseil national qui délibèreront».

A vrai dire, ces déclarations ont eu lieu lors de la dernière journée de la campagne électorale et Si Ahmed ne savait pas qu'il allait démissionner ou «se faire démissionner». Pendant cette interview, il avait dit en parlant de son souffle, de ses moyens et de ses capacités à aller de l'avant «si Dieu me prête vie». Parlait-il de sa vie politique ? Non, il parlait de sa vie en tant qu'être humain sur terre. Il ne savait pas que sa vie politique en tant que SG du RND allait prendre fin quelques semaines après. Nul ne peut connaitre la date de sa mort, qu'elle soit politique ou définitive et M. Ouyahia a parlé un peu vite car le destin a été tout autre.

Si Ahmed a transmis une longue lettre aux militants du RND, il leur a dit beaucoup de choses mais pas l'essentiel. Est-ce qu'il est vraiment fini ou est ce le début d'une autre étape pour ce commis de l'Etat, ce fidèle des fidèles, cet exécutant, ce mal-aimé, ce chef de parti, ce chef de gouvernement.

Est-il arrivé à la fin de sa mission ou entame-t-il une nouvelle ? Les yeux de ceux qui s'intéressent à son avenir politique seront braqués sur les travaux du Conseil national du RND. Parlera-t-il avant ou après le Conseil national, avant ou après le Congrès, ou se taira-t-il pour toujours. Il n'y a que lui qui le sait et les décideurs qui l'aurait «poussé à la sortie», quelle sortie ? Celle d'une porte vers une autre porte ou celle d'un tunnel. Est-ce que l'avenir politique de M. Ahmed Ouyahia existe ou c'est sa carrière qui est arrivée «à bon port» ? Hé bien sachons que Si Ahmed est encore jeune et qu'il est arrivé assez jeune aux affaires.

Il faut savoir que les Algériens l'ont découvert à la télévision, aux côtés de M. Mihoub Mihoubi, s'adressant au nom du Président Zeroual sur un sujet brulant du temps ou l'Algérie était à feu et à sang.

Sa carrière a été diplomatique au départ, est devenue administrative par la suite et enfin politique. M. Ouyahia a accepté toutes les missions qui lui ont été confiées. Il les a exécutées comme il se doit (ce n'est pas à nous de le dire mais aux commanditaires qui l'ont chargé du travail à faire). Il n'a jamais rechigné et il a dû tout accepter.

Si Ahmed a été adroit et maladroit, il s'est fait des amis, il s'est fait des ennemis, il s'est fait des fans, des militants favorables. Il était respecté par les uns et les autres, en tant que politique et politicien. Il était également haï par beaucoup de gens, ceux à qui il a touché aux salaires, ceux qu'il a limogé, ceux qu'il a envoyé en prison, ceux et ceux?

M. Ouyahia était aimé par beaucoup de gens, ceux à qui il a rendu des services, ceux qu'il a logé, ceux à qui il a trouvé un emploi, ceux qu'il a placé à des postes importants, ceux à qui il a réglé des problèmes, ceux et ceux?

Si Ahmed était apprécié par les journalistes lors de ses grandes rencontres. Lui aussi les aimaient, il aimait s'adresser à eux et aux masses, il aimait les grands meetings avec salle comble. Il aimait parler, il était un grand orateur, bon trilingue, du français, à l'arabe, au Tamazight. Il savait jouer avec les langues, utilisait les calembours, les phrases directes, indirectes, les messages,?

Hé bien Si Ahmed qui vient de démissionner, vient aussi de donner le « la » du début d'une longue nuit de couteaux tirés, d'une longue période de débats et de batailles politiques qui vont durer jusqu'à Avril 2014, jusqu'à l'élection présidentielle. Qui seront les grands et les petits acteurs de ces débats, qui seront les lièvres, qui seront ceux qui auront le souffle long, ceux qui feront toute la course, ceux qui abandonneront, ceux qui gagneront ou celui qui gagnera. Qui seront ces gens-là ? Est-ce que M. Ouyahia sera parmi eux ? Là est la question, celle du début de 2013 et celle de la fin, c'est-à-dire d'Avril 2014.

Les jours qui viennent, les semaines et les mois seront assez chauds et riches en évènements grâce au «rôle de chef d'orchestre» joué par Si Ahmed avec sa démission de son poste de secrétaire général du RND.