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Algérie-France : Faut-il s'en faire pour si peu ?

par Ghania Oukazi

Les nostalgiques de l'Algérie française constituent la grande majorité des racistes français qui regardent toujours les Algériens en tant que «colonisés, arriérés et incultes».

En pointant un bras d'honneur en direct sur l'écran d'une télévision française, l'ancien ministre de la défense de la république française a manqué de respect à son Etat et à ses institutions, à son peuple et à sa personne. Les Algériens ne sont pas censés regarder une émission sur le sénat français, puisque les débats concernent en premier lieu les Français,en tant que citoyens ayant des droits et des devoirs face et envers leurs institutions. Gérard Longuet, n'a cependant pas innové en la matière. Son geste n'est pas plus grave que les propos haineux et méprisants des nombreux racistes français officiels et autres, qui ne ratent aucune occasion pour les tenir dès qu'il s'agit d'évoquer l'Algérie.

L'on se rappelle des comportements racistes que des Français de souche et aussi d'origine algérienne ont eu tout au long de la tenue du colloque de Marseille sur le thème «Guerre d'Algérie, 50 ans après.» L'organisation d'un tel événement n'a pas été du goût de centaines de Français qui disaient en être scandalisés et avaient tenu à le faire savoir dès les premières heures du matin, à l'extérieur et à l'intérieur des salles de conférences, du théâtre de la Criée, de la ville phocéenne. En fait, ce qu'ils avaient jugé comme étant «un scandale» était que, les organisateurs du colloque invitèrent trois personnes qui ont marqué, chacun à sa manière, la guerre de libération algérienne. «Nous ne comprenons pas pourquoi vous avez invité trois terroristes dans notre pays alors que nous souffrons à ce jour de ce qu'ils nous ont fait subir à nous, et à nos familles, tout au long de notre séjour en Algérie,» a crié un élu de la république française qui avait tenu à se barder le buste des couleurs de son pays. «Les trois terroristes» invités à ce colloque étaient la moudjahida Zohra Drif Bitat, le moudjahid Salah Benkobi et Abdelaziz Belkhadem, pour être le secrétaire général du FLN, sigle et symbole de la révolution algérienne contre le colonialisme français. Il faut noter que c'était la première fois depuis l'indépendance de l'Algérie, que la France invitait officiellement un responsable du FLN.

«QU'EST-QUE LE COLONIALISME ?»

«Donnez-moi, la définition d'une guerre contre des citoyens qui n'avaient pas d'armes,» avait demandé l'élu à Salah Benkobi, qui animait une conférence sur le rôle de la diplomatie algérienne durant la colonisation, aux côtés de l'historien Dominique David, directeur exécutif au CNRS. Les réactions de nombreux français étaient haineuses. Leurs voix s'élevaient de toutes parts «pour dénoncer la mascarade.» Benkobi était resté très calme et répondait avec une grande lucidité à des contradicteurs. «En tant qu'historien, vous êtes appelé à définir clairement les concepts pour écrire l'histoire, pourriez-vous alors nous donner la définition du colonialisme,» avions-nous demandé à Dominique David, un Français doté d'une clairvoyance et d'un discernement exemplaires quand il s'agit de revenir sur le passé entre l'Algérie et la France.

Avant même qu'il ne prenne la parole, Abdelaziz Belkhadem avait été accueilli par un «Dehors terroriste !», «Partez de chez nous, assassin ! FLN terroriste !». C'était un autre élu qui, debout au fond de la salle de conférences, avait brandi le drapeau français et lançait des slogans racistes à l'adresse des Algériens.

Les accusations, menaces et insultes avaient été proférées tôt le matin devant la porte du théâtre de la Criée où se tenait le colloque. Des anciens de l'OAS, des harkis, des Français de droite, et d'autres tout simplement anti algériens, s'étaient regroupés devant les portes du théâtre de la Criée, drapeaux français brandis et criaient «collabos !» aux Français qui voulaient assister aux conférences. «Vous avez oublié la valise ?» les interrogeaient-ils. «FLN Terroriste ! Assassins !», avaient-ils lancé dés l'arrivée de Belkhadem et de Zohra Drif. Belkhadem qui a été ce jour là investi d'une mission bien délicate, celle de passer des messages importants au candidat potentiel à la présidentielle, qu'était alors François Hollande, aujourd'hui président de la république française. «En demandant à la France de reconnaître les crimes de la colonisation, l'Algérie n'avait pas l'intention de blesser ou d'humilier,» avait déclaré le SG du FLN aux invités venus nombreux à sa conférence.

«?DE LA CAUSE DE L'EQUITE ENTRE LES HOMMES»

«C'est le sens du discours prononcé le 15 juin 2000 par le président Bouteflika devant l'Assemblée nationale française,» avait-il rappelé en le reprenant : «De vénérables institutions comme l'Eglise, des Etats aussi anciens que le vôtre n'hésitent pas, aujourd'hui, à confesser les erreurs et les crimes qui ont, à un moment ou à un autre, terni leur passé. Que vous ressortiez des oubliettes du non-dit, la guerre d'Algérie en la désignant par son nom, ou que vos institutions éducatives s'efforcent de rectifier, dans les manuels scolaires, l'image parfois déformée de certains épisodes de la colonisation, représente un pas important dans l'œuvre de vérité que vous avez entreprise, pour le grand bien de la connaissance historique et de la cause de l'équité entre les hommes.» Le SG du FLN avait conclu en paraphrasant un Nobel de la littérature européenne : «il ne faudrait pas que l'histoire qui aura à nous juger un jour dise de nous que nous pouvions tant faire mais que nous avons osé si peu.»

L'on sait même que certains diplomates français en poste à Alger n'en pensent pas moins dès qu'il s'agit de discuter partenariat avec les responsables algériens. L'on raconte que lors de réunions entre Français en poste, toutes les expressions sont permises. «Bicots, sauvages, arriérés,» et autres appellations caricaturales comme «melons, bougnouls,» sont aisément employés dans les discussions françaises en Algérie à propos de coopération avec les institutions et entreprises algériennes. «Elles figurent même parfois dans des procès verbaux de réunions,» nous a dit un responsable algérien.

Sur les deux rives de la Méditerranée, l'on sait certainement qu'il ne faut pas s'en faire pour «si peu» d'indécence face au travail colossal sur le devoir de mémoire qui est fait sans complexe par les esprits libres et modernes, qu'ils soient Algériens, Français ou les deux réunis.