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Karim Djoudi : Pas de rigueur mais de la prudence !

par M. Nadir

Pas de rigueur économique mais de la prudence et de la rationalité dans la gestion de la ressource. C'est ce que préconise Karim Djoudi, ministre des Finances, dans la loi de finances 2013 qu'il devait présenter au Parlement en fin de semaine dernière, et qu'il a abordée dans une émission à la radio jeudi matin.

Développant cette vision, Karim Djoudi a expliqué qu'il n'était pas question de revenir sur les dépenses induites par le soutien des prix des produits de base, les dispositifs d'aide à la création d'emploi, les postes budgétaires et les transferts sociaux qui dépassent 1.400 milliards de dinars par an. En revanche, il y aura réduction sur les dépenses de fonctionnement de l'Etat (qui connaîtront une croissance de 3% en raison de la création de nouveaux postes budgétaires accompagnant la réception des nouvelles infrastructures), diminution des dépenses des équipements en conservant la réalisation des programmes engagés et complétés par les projets prioritaires -soit le programme quinquennal d'investissement et les projets inscrits dans le cadre de la loi de finances- et réduction du déficit du Trésor. Si la situation économique du pays est «favorable sur le moyen terme», comme l'illustrent notamment l'épargne publique correspondant à environ 40% du PIB et la réduction de la dette intérieure, il faudra tout de même observer une attitude prudente pour prévenir les situations difficiles. «Rationalité dans l'utilisation de la ressource humaine, plus de rigueur dans l'affectation du soutien de l'Etat au titre des transferts sociaux», a notamment prôné le grand argentier du pays en appelant à réfléchir davantage en «termes d'augmentation des revenus fiscaux hors hydrocarbures, de stabilisation des dépenses de fonctionnement et de surveillance des excès de dépenses», la baisse de la croissance dans le monde, la reconstitution des stocks de pétrole et l'augmentation de l'offre sur le marché augurant d'une baisse des prix des hydrocarbures à court et moyen termes.

PAS DE DISPENSE FISCALE

Au sujet des impôts, dossier sur lequel il est régulièrement interpellé par les opérateurs économiques, le ministre des Finances a estimé que «la pression fiscale» avait fortement diminué grâce aux différentes mesures de facilitation prises par les pouvoirs publics qui ont entraîné un «abandon d'impôts de plus de 450 milliards de dinars par an». Répondant à Réda Hamiani, président du Forum des chefs d'entreprises, qui avait plaidé pour la dispense ou l'allégement fiscal en faveur des producteurs nationaux, Karim Djoudi a souligné que l'impôt doit être payé parce que c'est «un acte de solidarité» et un «instrument de financement de la dépense publique» qui va au bénéfice de la collectivité locale. «Mais il ne faut pas qu'il casse la création de la richesse et on doit trouver un bon niveau d'impôt», a-t-il cependant reconnu en exhortant les opérateurs économiques à reconnaître que les pouvoirs publics ont apporté ces dernières années de véritables mesures de facilitation et à faire ce qui est attendu d'eux, «créer la richesse, générer plus d'emplois et distribuer beaucoup plus d'impôts pour que l'Etat puisse accompagner financièrement des actions de solidarité». Pour le ministre, l'impôt n'est aujourd'hui pas une contrainte dans un marché marqué, depuis une dizaine d'années, par une croissance économique hors hydrocarbures supérieure à 5%. «La part du PIB hors hydrocarbures dans le PIB est passée de 55% à 70%», a-t-il encore indiqué.

Défendant la règle des 51/49%, Karim Djoudi a affirmé que de nombreux projets se réalisent actuellement sous cette règle parce que les opérateurs économiques sont davantage intéressés par l'accès au management et par la politique de distribution de dividendes. Elle permet, d'autre part, à la partie algérienne de bénéficier du transfert technologique et du savoir-faire et d'éponger pour près de 51% les dividendes.

Annonçant que la croissance des crédits est en moyenne de 18% par année, Karim Djoudi a estimé que la banque publique a fait des efforts sur l'offre des services bancaires et assure une bonne collecte des dépôts.

Le ministre des Finances a également réaffirmé la volonté des pouvoirs publics de lutter contre l'informel et le blanchiment d'argent notamment par la création de nouvelles structures dont la cellule du traitement du renseignement financier. Cellule qui, dans le cadre du Gafi (Groupe d'action financière), travaille en collaboration avec des structures analogues d'autres pays dans l'identification des transferts de blanchiments ou issus de la corruption. «Il y a une rigueur dans la lutte contre la corruption, un degré d'efficacité croissant», a-t-il estimé.

L'Algérie acceptera-t-elle de contribuer au renforcement des capacités de prêt du FMI comme le Fonds en avait formulé la demande en avril dernier ? Sans rien révéler de la réponse qui sera donnée cet octobre, à la veille de la rencontre du FMI à Tokyo, Karim Djoudi a précisé que le prêt (direct ou par souscription de titres) ne pourrait se faire que sous trois conditions : «le risque doit être neutralisé, le niveau de rémunération équivalent à ceux que nous obtenons aujourd'hui et que la liquidité du titre soit assurée».

Quant à un éventuel achat par l'Algérie du capital d'Al Watania Télécom, en cas où cette dernière voudrait céder une part de son capital, le ministre a précisé: «J'ai simplement fait une lecture réglementaire en réponse à une question qui m'était posée mais il appartient à l'Etat d'exercer ou pas son droit de préemption».