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Intervention militaire au Nord-Mali : Le Mujao menace Paris

par Moncef Wafi

Devant l'insistance croissante de la France à ouvrir un front au nord du Mali pour chasser les groupes islamistes qui l'occupent depuis six mois déjà, le Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao) a menacé les pays occidentaux, Paris en tête, en cas d'intervention militaire dans la région.

Ramenant l'éventuelle confrontation militaire sur le plan idéologique, Abou Al-Walid Sahraoui, le porte-parole officiel du Mouvement, a estimé ce jeudi que les préparatifs, en eux-mêmes, à la guerre sont une victoire pour les groupes djihadistes qui ont réussi à attirer les troupes étrangères dans le Nord-Mali faisant un parallèle victorieux avec les guerres en Irak et en Afghanistan. Profitant de cette occasion, il assimilera cette prochaine confrontation à une guerre sainte contre les Croisés en appelant le monde musulman à s'impliquer. Ce nouveau front semble déjà passionner les djihadistes, notamment ceux de France, puisque selon le magistrat antiterroriste français Marc Trévidic, des «frémissements de départs» de djihadistes français vers le nord du Mali ont été observés à cause de l'importance de la communauté malienne en Hexagone. Ces conclusions sont étayées par la présence de deux Français, dont l'un connu de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), dans une brigade d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) au Mali. Sur le plan de son offensive diplomatique, la France va proposer prochainement au Conseil de sécurité une résolution pour baliser le terrain en attendant un feu vert ultérieur de l'ONU à une intervention militaire au Mali. Paris ne veut certainement pas perdre du temps, et cherche à se préparer sur le plan militaire, en prévoyant l'entraînement sur place de l'armée malienne, avant même de recevoir le quitus onusien. La France cherche également à forcer la main à Bamako et à la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) à fournir une feuille de route réaliste que le Conseil de sécurité, Washington en premier, réclame pour approuver une intervention militaire dans cette région du Sahel. Par ailleurs, la date du 19 octobre, devant rassembler la Cédéao, l'Union africaine et l'Union européenne, notamment, est présentée comme le début d'une deuxième phase pouvant conduire au déploiement d'une force de frappe. Des diplomates restent pourtant sceptiques sur le délai pour l'obtention d'une résolution donnant effectivement un mandat de l'ONU. «Il faudra encore beaucoup de discussions entre les membres du Conseil eux-mêmes avant de pouvoir en discuter avec la Cédéao», avait estimé Gert Rosenthal, l'ambassadeur du Guatemala, qui préside le Conseil en octobre. Au Nord-Mali, des citoyens continuent toujours de dénoncer les atrocités commises par les groupes islamistes armés, lors d'une rencontre de deux jours qui s'est achevée jeudi soir à Bamako. «Pour nous à Gao, c'est vraiment l'enfer aujourd'hui. On coupe les mains, on coupe les pieds. Personne n'est libre», a déclaré à l'AFP Sorry Maïga, membre de l'association des jeunes de Gao, une des trois grandes villes du Nord qui, avec Tombouctou et Kidal, est occupée par les groupes armés. Appelée «Les assises de l'occupation», la rencontre de Bamako, organisée par la coalition pour le Mali qui regroupe plusieurs associations et partis politiques, a vu des intervenants demander d'instaurer le dialogue avec les djihadistes maliens et de chasser les islamistes étrangers de la région. D'autres se sont prononcés en faveur d'une intervention militaire pour reconquérir le Nord.

Par ailleurs, et selon le site privé mauritanien d'informations, Sahara Médias, généralement bien renseigné sur les activités des groupes armés dans le nord du Mali, l'Algérien Yahya Abou Al-Hammam, commandant de katiba el Forqane, a été intronisé à la tête de la zone du Sahara d'Aqmi, qui s'étend du sud algérien au nord malien, en remplacement de Nabil Makloufi, alias Nabil Abou Alqama, mort, en septembre dernier, le volant entre les mains, dans un accident de voiture à quelque 200 kilomètres à l'ouest de la ville de Gao, en direction de Tombouctou. Yahya Abou Al-Hammam sera secondé par Abdelmajid ou Abdelhamid Abou Zeid. Donné, un certain temps, pour mort lors d'une offensive menée par l'armée mauritanienne, le nouvel émir de la région du Sahara est un ancien du GSPC algérien qui, dit-on, serait impliqué dans la plupart des enlèvements effectués au Sahel.