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La mission Brahimi prise en sandwich : Obama sur le chemin de la guerre contre Damas

par Salem Ferdi

Barack Obama prend prétexte des armes chimiques pour menacer la Syrie d'une intervention directe, sans passer par l'Onu. La mission de Lakhdar Brahimi est prise en sandwich entre des exigences contraires. Derrière les «soutiens», ce sont des conditions qui s'expriment. Et parmi elles, le départ de Bachar Al Assad. Lakhdar Brahimi n'a pas eu le temps de s'échauffer dans sa «mission impossible» de médiateur dans le conflit syrien qu'il a été assailli, fustigé même, par les protagonistes d'un conflit qui a cessé depuis longtemps d'être syro-syrien. Le fait qu'il mette en colère l'opposition, de manière virulente, et Damas, de manière plus courtoise mais ferme, illustre parfaitement le niveau de pression qui s'exerce sur sa mission. Ainsi qu'on l'a noté, ici, l'attaque outrancière et violente du Conseil national syrien (CNS, opposition à l'extérieur) contre Lakhdar Brahimi est bien de nature «préventive». Son but, à défaut d'obtenir son alignement à la «ligne» qatarie-saoudienne, est de le neutraliser. Mais cette attaque portant sur l'exigence d'un départ préalable de Bachar Al Assad, fait partie d'un travail concerté avec les pays occidentaux qui partagent la même exigence. Les Occidentaux savent que cette exigence n'est pas acceptable par Damas, mais derrière le paravent de la demande formulée par les pays arabes, ils sont dans une stratégie de pourrissement, destinée à affaiblir durablement la Syrie, voire à la disloquer. Sur l'exigence d'un départ de Bachar Al Assad, Damas a, sans surprise, opposé un niet absolu. Le ministère des Affaires étrangères syrien qui a critiqué l'expression de «guerre civile utilisée» par Lakhdar Brahimi, a souligné qu'il n'est dans «la prérogative d'aucun Etat, d'une partie ou d'un émissaire onusien de parler de qui doit diriger la Syrie. Le peuple syrien est le seul à détenir ce pouvoir». La réussite de l'émissaire international et arabe en Syrie «dépend de son respect du cadre fixé pour sa mission», précise Damas qui prend les devants, à son tour, dans le cas où Lakhdar Brahimi ferait sienne cette exigence.

UN PREALABLE INSOLUBLE

L'émissaire de l'Onu et de la Ligue arabe paraît enfermé dans un «préalable» insoluble.

D'autant que le CNS, soutenu par le Qatar et l'Arabie Saoudite, ne veut plus d'une issue dans le cadre de l'Onu, mais d'une «action», hors de l'instance onusienne. L'ancien chef de la diplomatie algérienne a choisi d'être extrêmement prudent après avoir été reçu, lundi, par le président français François Hollande. C'est que sous une forme plus policée, l'exigence «préalable» formulée par le CNS a été réaffirmée par le président français. Celui-ci a officiellement demandé au nouveau représentant spécial des Nations unies et de la Ligue arabe pour la Syrie, Lakhdar Brahimi, d'œuvrer pour «obtenir d'abord la cessation des violences» en Syrie. Mais, a précisé le président français, «il ne peut y avoir de solution politique sans le départ de Bachar al Assad».

LE SOUTIEN «CONDITIONNE» DE HOLLANDE

Le communiqué de la présidence française indique que François Hollande a assuré Lakhdar Brahimi de son «soutien» et l'a invité à «tout mettre en oeuvre afin d'obtenir d'abord la cessation des violences». Le soutien est, à tout le moins, très conditionné par le «préalable» du départ de Bachar Al Assad qui rend problématique toute médiation. D'où les commentaires polis et très prudents de Lakhdar Brahimi qui s'est contenté de remercier le président français «d'avoir pris l'initiative de demander à me voir et de m'avoir reçu».

La France «est un pays important dans tout ce qui se passe autour de la Syrie, donc c'est très utile pour moi, pour ma mission», a-t-il ajouté très diplomatiquement. De Washington, Lakhdar Brahimi ne risque pas d'entendre un autre langage. «Il n'y aura pas de paix en Syrie sans le départ de Bachar Al-Assad», a déclaré lundi, la porte-parole du département d'Etat, Victoria Nuland, en indiquant que Washington allait «clairement» le signifier à Lakhdar Brahimi. Le président américain, Barack Obama a surenchéri en indiquant qu'une utilisation ou même un simple déplacement d'armes chimiques par la Syrie entraînera une intervention militaire. «Jusqu'ici, je n'ai pas donné l'ordre d'intervenir militairement, mais si nous commencions à voir des quantités d'armes chimiques déplacées ou utilisées, cela changerait mon calcul», a indiqué le président américain lundi.

OBAMA VA-T-EN-GUERRE

Ces déclarations, fondées sur un risque, théoriquement pourraient constituer un tournant dans le sens d'une intervention rapide, sans attendre les élections américaines. «Nous ne pouvons pas nous trouver dans une situation dans laquelle des armes chimiques ou biologiques tombent entre les mains des mauvaises personnes», a déclaré le président américain. Tout semble indiquer que l'on va vers une action en dehors de l'Onu et que la mission de Lakhdar Brahimi n'est pas souhaitée. L'ancien chef de la diplomatie sait aussi que Moscou ne transigera pas au sujet de la demande d'un «départ» du président syrien. Récemment, le ministère russe des Affaires étrangères a réagi avec vigueur à une information rapportée par le journal saoudien «El Watan» qui faisait dire à Mikhail Bogdanov, vice-ministre des AE russe que Bachar Al Assad était prêt à abandonner son poste de président. «Cette information est un nouveau maillon d'une chaîne de désinformations et de provocations », avait déclaré le ministère des Affaires étrangères de Russie.