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Un Parlement «populaire» vide, une présidence bien âgée pour l'APN : Des récriminations, des crises et une réforme improbable

par Salem Ferdi

Un parlement «populaire» de contestations, sans aucun poids, des états d'âmes chez des ambitieux déçus, des crises partisanes latentes et un parlement officiel présidé par le plus âgé des députés. La génération qui a «fait son temps» garde toujours les commandes. Le flambeau est toujours bien gardé. La réforme, jusqu'à preuve du contraire, attendra.

Le «parlement populaire» mis en place par les chefs de 16 partis membres «Front politique pour la protection de la démocratie (FPPD) officiellement «installé» ,samedi, au siège du RPR, a peu de chance de marquer l'histoire politique du pays. Et pour cause, le parti le plus «lourd» de la coalition en termes de députés élus, le FNA (Front national Algérien) s'est, totalement, vidé pour être réduit à son seul président Moussa Touati. Les 9 députés élus du FNA se sont, ostensiblement, démarqués de Moussa Touati en annonçant dans un communiqué, que les «attitudes et les déclarations du président du parti ne nous engagent en rien». Les neufs députés signataires du communiqué de défiance ont indiqué que le FNA «sera présent à l'assemblée populaire nationale comme une force d'opposition pour défendre les droits matériels et moraux légitimes du citoyen algérien par loyauté à tous ceux qui ont voté pour les listes du FNA». C'est d'ailleurs une tendance, la plupart de ceux qui ont été élus parmi les partis représentés dans le FPPD ont choisi, sagement, d'aller assister à la cérémonie inaugurale de l'APN «officielle» en délaissant leur chef de parti. Ce «Front» qui ne risque pas d'ouvrir une quelconque bataille sert surtout de tremplin à Abdallah Djaballah dont les ambitions démesurées ont été déçues avec une maigre récolte de huit députés. Djaballah donne libre court à ses récriminations contre le «théâtre électoral du 10 mai» et la redistribution des «quotas». Et surtout, il s'en prend au FFS et au PT qu'il accuse de jouer le «jeu du régime» et aux observateurs européens. Djaballah que des cadres de son ancien parti El Islah accusent d'être «msserbesse»- c'est-à-dire d'être dans le jeu des services ? fait feu de tout bois. En réalité ? en attendant un éventuel miracle ? Djaballah est déjà perdant sur tous les tableaux. Il n'est agréé ni par l'électorat potentiel du FIS dont les dirigeants ont appelé au boycott et il risque de perdre aussi le «crédit» discret qui lui était accordé par le pouvoir en raison de son attitude «turbulente». Au-delà du FNA réduit à Moussa Touati et du FJD de Djaballah, le reste des «formations» qui composent le FPPD ne pèse rien.

DES VAGUES ET DES CRISES

Le parti des travailleurs (PT) et le Front des forces socialistes (FFS), qui ont vu le nombre de leurs députés augmenter après les recours devant le Conseil constitutionnel, se trouvent dans une situation différente. Le PT, parti fortement centralisé, a laissé sa présidente monter au créneau après les premiers résultats décevants. Le rattrapage de 7 sièges lui permet de constituer son groupe parlementaire. Il n'y a pas de vagues au PT même si Louisa Hanoune a choisi de ne pas être présente à la séance inaugurale en signe de protestation. Contrairement au FFS dont la participation aux élections - soutenues par la majorité des militants mais rejetée par une forte minorité ? continue de susciter une situation de conflit latent. La plus grosse surprise est venue du candidat FFS en France, Samir Bouakouir, qui après avoir soutenu la participation aux élections a décidé, subitement, de «prendre le maquis» et d'accuser la direction du parti de faire dans la «compromission». Certains militants du FFS ne se privent de relever le caractère singulier d'un «retournement» qui n'aurait «sans doute pas existé s'il avait été élu». Mais au-delà de ce cas dont la cohérence n'est pas évidente, il existe un climat de crise latente au sein du FFS - dont l'ampleur ou l'importance reste à déterminer ? qui devra être tranchée d'une manière ou d'une autre. Hocine Aït Ahmed a donné le ton en critiquant des «comportements indignes de la part de responsables ou de figures importantes du parti à l'occasion de ces élections». «Les comportements fractionnels, les chantages à la dissidence et toutes les formes de pressions que des individus ou des groupes d'individus ont menés en direction du parti lors de la campagne électorale ou après doivent faire l'objet de mesures exemplaires» a-t-il indiqué en précisant qu'il faut «veiller à être justes et ne pas confondre erreur d'appréciation ou carence individuelle et faute politique». Le FFS, disent certaines sources, ne s'oriente pas vers une «purge» comme cela a été écrit, il doit surtout poursuivre le débat politique de «manière sereine» tout en refusant toute forme de «chantage» et les «crises d'égo».

LE PRESIDENT DE L'APN A 74 ANS

Au MSP, ce n'est pas la participation aux élections mais le résultat, médiocre au regard des ambitions affichées, qui crée une tension. A la séance inaugurale, les députés de l'Alliance verte se sont retirés de l'hémicycle pour dénoncer «la fraude» à l'exception de l'ancien ministre Amar Ghoul qui a déclaré aux journalistes qu'ils «étaient libre de l'interpréter» comme ils l'entendent. En réalité, il n'y a pas de marge d'interprétation. Amar Ghoul n'a pas suivi ses pairs dans la «contestation». La seule vraie question serait de savoir à quel point son attitude, prête à poursuivre la ligne de la participation, est partagée au sein du MSP. Il reste que ce mouvement d'humeur des députés de l'Alliance verte est sans conséquence puisqu'ils ne démissionnent pas et vont poursuivre en «opposants» leur action parlementaire. En définitive, la «bataille» ne se déroule pas à l'APN mais au sein du MSP lui-même entre un courant participationniste qui a pris goût aux fonctions gouvernementales et un courant oppositionnel qui constate la perte de crédibilité occasionnée par la ligne politique en vigueur depuis ces deux dernières décennies. A l'APN, l'élection du doyen d'âge (74 ans) Larbi Ould Khelifa ,à main levée, par les deux partis du pouvoir, le FLN et le RND, n'est pas un signe d'ouverture, ni même un indice que le «flambeau» est en train d'être transmis. Cela montre bien que la génération qui est censée, selon le discours présidentiel, «avoir fait son temps» est bien décidée à continuer à tenir le flambeau. La réforme, tant annoncée, attendra?