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Le débat persiste en Algérie sur la gestion de la cagnotte des réserves de change

par Yazid Taleb

Un peu plus de 205 milliards de dollars fin 2012 et sans doute plus de 220 milliards fin 2013, selon les dernières prévisions du Fonds monétaire international (FMI). Le niveau élevé atteint par les réserves de change entretient un débat persistant sur la manière de les gérer au mieux pour l'économie du pays.

Pourquoi constituer des réserves de change d'un montant aussi considérable ? L'interrogation persistante n'a, pour l'instant, pas reçu de réponse évidente de la part des autorités algériennes. Les explications avancées paraissent circonscrites à une vision de court terme. Comme si les responsables politiques algériens n'avaient pas encore pris acte de l'existence de ces réserves de change en tant que paramètre structurel de la situation financière du pays et doutaient de sa persistance à long terme. L'exemple le plus illustratif de cette démarche reste certainement le discours de présentation du programme de son gouvernement, prononcé en 2009 par M. Ahmed Ouyahia devant les députés. Le Premier ministre s'était, à cette occasion, livré à un intéressant calcul destiné à apaiser les craintes de la représentation nationale face à la baisse des cours pétroliers. Il expliquait en substance que, même avec un baril à 30 dollars, les réserves de change du pays «permettent de financer nos programmes de développement pendant cinq ans». Le propos laissait indiquer que l'éventualité de la consommation des réserves de change du pays en une seule législature n'est pas considérée comme une idée farfelue par les plus hauts responsables algériens. La même tendance est observée dans les déclarations de nombreux responsables politiques nationaux qui, à l'occasion de la récente campagne des législatives, ont regretté de ne pouvoir puiser plus largement dans des réserves «placées à l'étranger».

LA BANQUE D'ALGERIE: PRUDENCE ET PRESERVATION DES RESERVES

A cette approche «politique» de la gestion des réserves de change nationale, s'oppose une conception techno-bureaucratique défendue de longue date par la Banque d'Algérie et le ministère des Finances. Karim Djoudi vantait encore récemment les mérites de la «gestion sécurisée des réserves de change du pays», qui constitue pour l'heure le noyau dur de la doctrine des autorités algériennes en la matière. Le ministre des Finances estime que «les placements de l'Algérie à l'étranger sont sécurisés» et rejette avec vigueur l'option évoquée périodiquement d'un investissement des réserves de change du pays dans des actifs privés à travers la création d'un fonds souverain. Pour Karim Djoudi, ce type de placement est caractérisé par «un couple risque/rendement très important, mais cela reste un choix spéculatif et quand on a la responsabilité de gérer l'argent de la collectivité nationale, on ne spécule pas». Conclusion du ministre algérien : déposer les réserves de change en valeurs d'Etat reste «le meilleur choix pour l'Algérie». Au cours de l'une de ses dernières interventions publiques, M. Laksaci se réjouissait pour sa part que «la politique de gestion des réserves menée par la Banque d'Algérie depuis 2004 ait prouvé son efficacité en 2011». Le gouverneur de la Banque d'Algérie affirme que la stabilité financière externe de l'Algérie à moyen et long terme «repose fortement sur la poursuite de la gestion prudente des réserves officielles de change par la Banque d'Algérie». Celle-ci consiste «à préserver la valeur du capital, en minimisant les risques de perte de la valeur marchande des actifs par le maintien d'un portefeuille diversifié, à maintenir également un niveau élevé de liquidité, avec des actifs revendables à tout moment et enfin à optimiser le rendement».

LE RETOUR DU FONDS SOUVERAIN

La période la plus récente est surtout marquée par des pressions croissantes en faveur de la diversification des réserves et leur utilisation plus active au service du développement économique du pays. Une approche «économique» défendue notamment par des personnalités ayant exercé des responsabilités importantes au premier rang desquelles on peut mentionner Abdellatif Benachenhou ou encore Abderrahmane Hadj Nacer. L'ancien Gouverneur de la Banque d'Algérie est revenu à la charge récemment en critiquant un éventuel refus de l'Algérie de prendre part à l'augmentation des ressources du FMI. M. Hadj Nacer fustige plus largement la gestion des réserves de change par les autorités algériennes qu'il qualifie de «gestion de court terme» animée par le seul souci de «disposer de liquidités permettant de couvrir trois années d'importation». Plus importante et moins anecdotique que la participation à l'augmentation des ressources du FMI, l'option évoquée périodiquement d'un investissement des réserves de change du pays dans des actifs privés à travers la création d'un fonds souverain a refait surface. Les prises de position récentes des autorités algériennes sur ce chapitre n'ont manifestement pas suffi pour clore le débat. Abdellatif Benachenhou plaide en faveur d'un début de diversification des placements à travers la création d'un fonds souverain auquel serait affecté dans une première étape «de 1 à 5% des réserves de change du pays». Mustapha Mékidèche, vice-président du Conseil national économique et social (CNES), résume pour sa part une vision très largement partagée en considérant la création éventuelle d'un tel fonds comme «un moyen pour l'économie algérienne de se moderniser et de s'internationaliser à travers l'acquisition d'actifs industriels et technologiques à l'étranger».