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Pour son «acharnement» à défendre les droits humains : Christopher Ross s'attire les foudres de Rabat

par Salem Ferdi

Christopher Ross, l'émissaire de l'Onu au Sahara Occidental, a des «positions acharnées» sur la question des droits de l'Homme !

C'est, entre autres, l'un des motifs avancés par le Maroc pour lui retirer sa confiance et l'accuser de mener un travail «partial et déséquilibré». C'est un début de crise entre Rabat et le secrétaire général de l'Onu. Paris s'empresse de voler au secours de son protégé.

Rabat n'a surtout pas apprécié que le diplomate américain s'en tienne clairement aux termes du mandat qui lui est confié et ne se fasse pas le défenseur «acharné» des thèses marocaines. Le diplomate américain, contrairement à son prédécesseur Van Walsum, ne saute pas, en effet, sur les fondamentaux du dossier sahraoui, ni sur la finalité de l'exercice de l'autodétermination ; et encore moins sur l'impératif de la défense des droits de l'Homme sur le territoire sahraoui. Le procès que Rabat fait à Christopher Ross est lié au rapport qu'il a destiné au Secrétaire général de l'Onu où il soulignait que les autorités marocaines compliquaient la tâche de la mission de l'ONU au Sahara Occidental (MINURSO). Les Marocains reprochent à Christopher Ross d'avoir souhaité étendre le rôle de la Minurso en matière de défense des droits de l'Homme. En un mot, Rabat reproche à Christopher Ross de ne pas suivre sa politique et de s'en tenir un peu trop aux résolutions de l'Onu.

UN ECHEC DIPLOMATIQUE

Rabat, toujours soutenu par Paris, a vécu comme un échec le fait que la résolution du Conseil de sécurité prolonge le mandat de la Minurso pour une durée d'une année. Dans cette résolution, le Conseil de sécurité insiste sur l'impératif «d'améliorer la situation des droits de l'homme» au Sahara Occidental et a souligné l'impératif de mettre en place des «mesures indépendantes et crédibles» pour surveiller le respect de ces droits, en étendant son champ d'action.

Le Polisario a réagi avec vigueur, en dénonçant une attitude marocaine «infondée»,»arbitraire», «grave» et «injustifiée». Le ministère sahraoui de l'Information a souligné que «cette décision, aussi grave qu'injustifiée, est un nouveau défi intolérable et inadmissible du Maroc à la communauté internationale, au Secrétaire général de l'ONU et au Conseil de sécurité qui, dans sa résolution 2.044, du 24 avril dernier, a considéré le statu quo inacceptable et «a réaffirmé son soutien à l'envoyé personnel du Secrétaire général pour le Sahara Occidental, Christopher Ross, et à l'action qu'il mène pour faciliter les négociations entre les parties».

Pour les Sahraouis, le Maroc veut tout simplement s'arroger le «droit de dicter au Secrétaire général de l'ONU, le contenu de ses rapports au Conseil de sécurité et de décider de la conduite que doit suivre son envoyé personnel au Sahara Occidental».

Ils appellent le Conseil de sécurité à prendre les «mesures et décisions nécessaires à même de sauvegarder et protéger l´autorité des Nations unies et la crédibilité de son œuvre de paix au Sahara Occidental des dérives et conséquences de la stratégie de fuite en avant poursuivie par le Maroc».

BAN KI-MOON A «TOUTE SA CONFIANCE EN CHRISTOPHER ROSS»

Le secrétaire général de l'Onu, Ban Ki-Moon a réagi, par la voix de son porte-parole Martin Nesirky, en réaffirmant toute sa «confiance en Christopher Ross». Alger a également affirmé son soutien aux «efforts inlassables menés par l'ambassadeur Christopher Ross pour accompagner les deux parties, le Maroc et le Front Polisario, dans la recherche d'une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable qui pourvoie à l'autodétermination du peuple du Sahara Occidental». Le porte-parole de la diplomatie algérienne, Amar Belani, a estimé que les «défis réels qui se posent à la Minurso et qui ont servi de trame au dernier rapport du Secrétaire général de l'ONU, méritaient assurément un examen lucide et courageux dans la perspective du renforcement du mandat de cette mission, conformément à la résolution adoptée le 24 avril dernier par le Conseil de sécurité».

La diplomatie marocaine, fortement soutenue par Paris, a mené campagne ces dernières semaines contre Christopher Ross, sans grand succès. Le sous-secrétaire d'Etat américain, William Burns a reçu le 11 mai dernier, le ministre marocain des AE Saad-Eddine Al-Othmani, venu se plaindre de Christopher Ross.

La réponse du département d'Etat était claire et sans équivoque, celle d'un soutien franc à Christopher Ross. Les Etats-Unis, a indiqué son porte-parole, appuient les efforts pour une «solution pacifique, durable et mutuellement acceptable au conflit du Sahara Occidental, y compris le processus de négociation des Nations unies dirigée par l'envoyé personnel du Secrétaire général pour le Sahara Occidental, l'ambassadeur Christopher Ross».

«L'ACHARNEMENT DE PARIS»

L'effort mené pour déconsidérer le rôle de l'ambassadeur est un échec. Et c'est sans doute la raison de l'empressement du parrain français à appeler à «un règlement rapide du différend». Le porte-parole du Quai d'Orsay a déclaré que la France «a pris note de la déclaration du Maroc, qui a décidé de retirer sa confiance à l'envoyé personnel du secrétaire général de l'ONU pour le Sahara, Christopher Ross». Il est très probable que la campagne de dénigrement contre Christopher Ross a été fortement appuyée par Paris, d'où d'ailleurs des formulations alambiquées appelant à la «recherche d'un règlement rapide de ce développement qui doit tenir compte des préoccupations légitimes de toutes les parties». En réalité, «l'acharnement» de Paris à soutenir les vues marocaines est réaffirmé. Et on peut s'attendre à ce que la diplomatie française va agir pour essayer d'atténuer ce qui est une crise entre Rabat et le Secrétaire général de l'Onu, Ban Ki-Moon.