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Incident à Oran : Les greffiers accusent, le procureur général dément

par Houari Saaïdia

Jeudi matin. Palais de justice d'Oran. Des dizaines de greffiers sont rassemblés dans la cour du bâtiment. Tout le personnel est en grève.

Fait assez surprenant dans la mesure où les greffiers ainsi que les corps communs de la Cour d'Oran, avaient stoppé leur action de débrayage, il y a une dizaine de jours, précisément le 11 avril.

En effet, au deuxième jour de la grève de 3 journées, du 10 au 12 avril, à laquelle avait appelé le Conseil national des fonctionnaires de la justice, affilié au syndicat autonome Snapap, Oran enregistrait une reprise totale du service de la part de ces auxilliaires de justice. Une volte-face qui était, en grande partie, le fait d'une démarche «locale» entreprise par le parquet général de cette Cour, à coups de réunions combinant discours sensibilisateur et rappel à l'ordre, à l'endroit des «grévistes». Depuis, la situation était normale au siège de la Cour d'Oran et aux six tribunaux qui en dépendent et le mot d'ordre de poursuivre la grève pour une semaine lancé par le Snapap étant resté sans echo à Oran, en particulier. Quelle était donc la cause de la cessation collective et concertée du travail, jeudi ? Il s'agissait d'une action menée par l'ensemble des greffiers de la Cour et des tribunaux de la wilaya d'Oran, conséquente à un incident survenu la veille au tribunal civil de Yaghmoracen. Selon les protestataires, « mercredi 18, dans l'après-midi, une greffière exerçant au tribunal de Yaghmoracen a été victime d'une agression verbale de la part d'un procureur. Le magistrat de parquet en question a violemment offensé cette employée, proférant des propos injurieux à son encontre, au cours de l'exercice de ses fonctions.» Selon la version des greffiers toujours, « traumatisée par cette violence, la victime, nouvelle mariée, a vu son état de santé se dégrader le lendemain avant d'être hospitalisée après avoir fait une fausse couche.»

C'est surtout la tournure grave qu'a pris l'incident avec le choc psychique qu'il a entraîné pour cette employée qui a poussé ses confrères et consoeurs, des autres tribunaux à manifester leur colère et leur condamnation de cet acte, solidarité corporatrice oblige.

La conjoncture actuelle que traverse ce corps de justice, marqué d'une grève qui continue encore à paralyser plusieurs cours et tribunaux à travers le pays, sur fond de malaise datant de plusieurs années, a eu un effet catalyseur de cet «incident isolé» qui, au-delà de l'exactitude ou non des faits rapportés par «des collèges de travail», aurait pu se passer sans faire de bruit en d'autres circonstances. Bien qu'indépendante l'une de l'autre, dans les faits, l'action de protestation «locale» de jeudi et la grève nationale des fonctionnaires de la justice ne sont pas, pour autant, sans lien dans le fond.

Interrogé jeudi à ce sujet, le procureur général de la Cour d'Oran, Sâadallah Bahri, dément en grande partie, ce récit des faits, lesquels «ont été amplifiés, déformés et dramatisés à dessein». Pour lui, «il y a de l'intox, et de l'excès, dans ce simple fait divers». En voici, selon même chef de Cour, la chronologie exacte des faits réels. «Mercredi après-midi, le parquet est informé sur une tentative de grève au tribunal de Yaghmoracen. Le procureur de la République du tribunal d'Oran, Cité Djamel, s'y rend aussitôt. Là, il apprend que l'action de protestation, mise en branle par le personnel de greffe était en rapport avec un soi-disant incident entre un procureur de la République adjoint et une greffière. Il convoque sur place les deux pour les entendre séparément puis ensemble dans un bureau, en présence du greffier en chef du même tribunal. Il s'est avréré qu'au cours de sa visite de supervision à travers les services du tribunal, le PRA a remarqué l'absence à son poste de la greffière de la section du statut personnel. Quand le magistrat a interrogé l'employée en question sur le motif de son abandon de poste, celle-ci au lieu de s'expliquer poliment a rouspété en lui disant qu'il n'avait pas à lui parler sur ce ton.» Et le Procureur général d'ajouter : «l'incident a été clos sur place, tout le monde, la greffière comprise, étant sorti avec le sourire du bureau où a eu lieu la réunion.» Quant aux informations qui ont circulé le lendemain, faisant état de l'hospitalisation de l'employée en question après avoir fait une fausse couche, le PG a indiqué, en substance, qu'il n'était pas en mesure de confirmer cette mauvaise nouvelle ou d'affirmer qu'il s'aggissait de faux bruit, encore moins d'établir, si c'était le cas, un lien de causalité entre les deux évènements. Il était en revanche catégorique sur le fait qu'il n'y avait aucun rapport de son PR sur ce présumé fait ni de plainte de la personne concernée ou sa famille.

Par ailleurs, l'on apprendra auprès de source proche de la Coordination nationale des fonctionnaires des greffes de la justice, composée des délégués des greffiers issus des 36 cours, que celle-ci est en attente d'une réponse du ministère de la Justice, annoncée pour aujourd'hui, sur deux de leurs principales revendications, à savoir: «l'instauration des primes de panier, de transport, de caisse (pour les agents manipulant l'argent correspondant aux frais de justice et autres), de rôle (pour les greffiers d'audience) et celle de la responsabilité judiciaire, ainsi que le transfert du corps de la Fonction publique à la Justice, au même titre que le corps de magistrature.