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TLEMCEN: Les présidentielles françaises au colloque Emir Abdelkader

par Allal Bekkaï

Invité par le Cnrpah en sa qualité de président de l'Association France- Algérie, à l'occasion du colloque international sur l'Emir Abdelkader qui se tient depuis le 25 du mois en cours au palais de la culture de Mansourah, Jean Pierre Chevènement a fait une déclaration à la presse dans laquelle il s'est dit convaincu que François Hollande, candidat socialiste, sortira vainqueur des prochaines élections présidentielles françaises dont le premier tour est prévu en avril 2012. «J'ai une petite préférence. Vous devinez laquelle», a-t-il déclaré dimanche dernier à Imama. Le sénateur et ancien ministre de la Défense français (farouchement opposé à la seconde guerre du Golfe) a estimé que la célébration de cette année du cinquantième anniversaire de l'indépendance de l'Algérie est un tremplin pour «aller plus loin vers l'avenir dans les relations avec la France». «Je regarde l'Algérie avec des yeux que j'essaie de renouveler», a t il dit. Le président de l'Association France-Algérie n'aime pas qu'on parle de «pardon» à propos des crimes commis par le colonialisme français en Algérie. «Le pardon est une notion religieuse. C'est la conscience des erreurs commises qui est importante», a t il noté. D'après lui, la conscience est une notion républicaine qui peut rapprocher les Algériens et les Français. Mais il a reconnu que le colonialisme fut «quelque chose d'insupportable» pour le peuple algérien.

Par ailleurs, outre Jean-Pierre Chevènement, il convient de signaler la présence à ce grand colloque d'illustres personnalités religieuses, politiques et militaires (à titre de communicants pour certains). Citons, entre autres, l'ex-Premier ministre tunisien, El-Hadi Bekkouche, le président de la Fondation Emir Abdelkader, Mohammed Boutaleb, l'archevêque émérite d'Alger, Mgr Henri Tessier, le DG de l'Iccrom (Unesco), Mounir Bouchenaki, le président de l'Académie de la langue arabe, Hadj Salah, les colonels Abdelkader Bourouina et Slimane Mouali (MDN) qui mettront en valeur «Le chef militaire», le directeur du musée central de la police, Aït-Daoud Abdelhamid... A noter l'absence de Driss El-Djazaïri, petit-fils de l'Emir Abdelkader (actuellement ambassadeur d'Algérie en Suisse), représenté à ce colloque hommage par son épouse ainsi que les descendants de l'Emir vivant en Syrie, dont notamment la princesse Badia El-Hassani El-Djazaïri, membre d'honneur de la Fondation Emir Abdelkader, co-organisatrice de ce colloque avec le Cnrpah et l'Uabt. Le président du HCI et celui de l'association des Oulémas algériens ne paraîtront pas eux aussi à cette rencontre. Quant au wali de Tlemcen, Nouri Abdelwahab, il brillera lui aussi par son absence, synonyme de boycott de toute manifestation, quelle que soit son importance, parrainée par le ministère de la Culture (entendez Khalida Toumi). Rallongé d'une journée (avec un surplus de communications), ce colloque pèchera par l'absence de débats, abstraction faite du temps réduit (10 mn) imparti à chaque communication.

La qualité des communicants, notamment ceux invités de l'étranger (et dont certains ont déjà foulé le sol du palais de la culture), fera jaser dans les chaumières de «Abou Bekr Belkaïd». L'affiche du colloque fera elle aussi des vagues du fait de l'»amputation» du titre de Emir (protecteur des croyants): «Abdelkader, homme de tous les temps», est l'intitulé officiel adopté. Les organisateurs expliquent (et justifient) cette «ellipse» en vertu de l'ipséité (identité) de ce personnage hors du commun. La traduction du libellé: «Abdelkader, radjouloun a'biroun li'zaman» (Abdelkader, l'homme qui traverse les âges) fera réagir le chercheur Mohammed Negadi qui rectifiera par: «L'Emir Abdelkader, un homme universel»... En marge du colloque, il est prévu au profit des participants une excursion à Mascara au lieu-dit «Dardar» (frêne) à Ghriss où eut lieu la cérémonie d'Allégeance à l'Emir Abdelkader (27 novembre 1832). A propos d'arbre, la communication inaugurale du Dr Zaïm Khenchlaoui, directeur de recherche au Cnrpah, membre de la Fondation Emir Abdelkader, cheville ouvrière de ce colloque, sera intitulée «Arbre de vie: genèse d'un Etat». «C'est une lecture symbolique et herméneutique sur la consécration de l'Emir sous l'arbre et qui reprend la trame historique et historiographique des saints primitifs; c'est une scène prophétique qui se reproduit et dans cette reproduction, il y a une réflexion, et c'était l'objectif de ma conférence que de donner une méditation, une lecture théosophique et anthropologique de ce rite; c'est de ce rite de passage qu'est né l'Etat embryonnaire de l'Algérie moderne; je redis qu'il faudra maintenant commencer à préparer le deuxième centenaire de la création de l'Etat algérien moderne en 2032, dans vingt ans...», nous fera savoir le Dr Khenchlaoui. «Ce que j'ai fait pour les chrétiens (12.000 sauvés de la mort en 1862 au Cham), je l'ai fait sur la base de ma foi musulmane et des droits de l'humanité, en réponse à une lettre de remerciements envoyée par l'évêque d'Alger de l'époque, Mgr Pavi, car toutes les créatures sont les enfants de Dieu et les plus respectables de ces enfants sont ceux qui sont les plus utiles aux autres enfants, car toutes les religions, depuis le temps d'Adam jusqu'au temps du Prophète, reposent sur deux principes: l'exaltation du nom de Dieu et la compassion pour ses créatures, je pense qu'avec cette lettre, vous pouvez comprendre pourquoi je suis heureux de participer à cet hommage rendu à l'Emir Abdelkader»..., nous dira Mgr Henri Tessier, actuellement président de l'association Dar Es-Salem (monastère St Benoît de Birouana) qui devait donner dans ce cadre une communication intitulée «La sîra dhâtiyya, un manuscrit d'Abdelkader et de son entourage». D'autre part, dans le domaine du cinéma, un nouveau portrait documentaire vient d'être consacré à l'Emir Abdelkader.

Intitulé «Le Rêve des aigles» (52', 2011), on le doit à Mohamed Hazourli. Projeté durant le mois de décembre, le film a été produit dans le cadre de «Tlemcen, capitale de la culture islamique, 2011». Au printemps 2010, le Centre culturel algérien à Paris accueillait une projection de Abdelkader, l'exil et le divin de Florida Sadki. Le film s'attache à l'homme de réflexion et de méditation durant les six mois de captivité de l'Emir au château de Pau, à partir d'avril 1948. Abd El-Kader a également fait l'objet d'un autre portrait documentaire intitulé ?'L'Emir Abdelkader El-Djazaïri'', signé Ali-Fateh Ayadi et diffusé en décembre 2009 par la télévision algérienne. Sur des textes de François Corteggiani et des dessins de Tristan Dupuis, l'Emir s'est enfin vu consacrer une bande dessinée, Abd El-Kader, parue aux éditions Koutoubia. Dans ce contexte, il convient de souligner que le conférencier Ahmed Bouyerdene de l'université de Strasbourg s'est intéressé, à la faveur de ce colloque, au «Portrait d'Abdelkader» en procédant à une analyse sémiologique des différents enjeux de représentation des icônes retenues (gravures en diapositives).

Dans son allocution d'ouverture, le président de la fondation éponyme ne manquera pas de rappeler les insignes baptisations de places et villes à l'étranger, dédiées à la mémoire de l'Emir Abdelkader, à l'instar de Paris, Lyon, Caracas, Iowa...