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Des taxes pour la lutte contre le cancer: L'alcool, le tabac et les boissons gazeuses plus chers

par Salem Ferdi

Des taxes nouvelles sur le tabac, l'alcool et les boissons gazeuses ont été instituées dans la nouvelle loi de finances 2012 aux fins d'alimenter en partie le Fonds de lutte contre le cancer. Un choix qui se défend. A condition que l'argent collecté serve à une politique volontariste de prévention et de dépistage.

Une taxe additionnelle de 5% sur les alcools a été introduite et dont le produit sera versé dans le compte d'affectation spéciale n° 302-138, intitulé «Fonds de lutte contre le cancer». Pour les tabacs, une taxe additionnelle de 11 dinars par paquet, bourse ou boîte, est instituée. Deux dinars iront au Fonds de la lutte contre le cancer, six dinars au Fonds pour les urgences et les activités de soins médicaux, 1 DA au «Fonds de la solidarité nationale» et 2 dinars au «Fonds national de sécurité sociale». Il a été institué également une taxe de 0,5% sur le chiffre d'affaires des entreprises de production et d'importation de boissons gazeuses qui aura la même affectation. Et qui a suscité l'ire de l'association des producteurs algériens de boissons qui n'a pas apprécié que les activités de ses membres soient associées à un risque cancérigène qui, selon elle, n'a été établie par aucune étude scientifique. L'Apab n'a pas aimé aussi le fait de ne pas avoir été consultée. Elle a estimé que l'on portait atteinte à la «notoriété» d'un produit de large consommation et que cela devrait se traduire par une augmentation du prix de la bouteille.

LE «GAZOUZE» AUSSI

Il faut cependant remarquer que le législateur n'a pas accusé les boissons gazeuses d'être «cancérigènes» même s'il a décidé d'affecter le produit de la taxe à la lutte contre le cancer. Cela peut se justifier par un principe de solidarité. Sans occulter le fait que la consommation abusive de boissons gazeuses a un impact sur la santé publique avec l'augmentation du phénomène de l'obésité et donc des maladies cardiovasculaires. Même si comparaison n'est pas raison, il faut noter qu'en France, la loi de finances 2012 comprend en partie, pour des raisons de lutte contre l'obésité, une taxe sur les sodas y compris dans les versions light. Il est vrai que cette taxe sur le chiffre d'affaires intervient alors que l'Apab milite ouvertement pour un «un allègement fiscal sur ses entreprises». Mais sur le fond, la nocivité évidente des tabacs et alcools sur la santé et leur caractère cancérigène établi justifient amplement ces taxes qui restent, comparativement à ce qui se passe ailleurs, fort modérées. Dans un pays comme la France - que l'on cite car les chiffres sont disponibles -, l'alcool cause la mort de 10.000 personnes par an. Et le risque dépend de la dose consommée et non du type d'alcool. De ce fait, le vin, la bière sont aussi cancérigènes que les autres boissons. Pour le tabac, première cause des cancers dans le monde, le chiffre est de 60.000 décès par an en France.

LE TABAC ET L'ALCOOL EN ACCUSATION

En Algérie, 90% des cancers du poumon sont causés par le tabac, et on enregistre 3.500 nouveaux cas par an. Une étude a montré que la seule wilaya d'Oran a enregistré 10.225 décès pour cause de cancer entre 2000 et 2009. On détecte chaque année à Oran entre 1.000 et 1.500 nouveaux cas de cancer. Cela donne une idée de l'ampleur du drame sur l'ensemble. Taxer les sources établies de la maladie que sont les tabacs et les alcools n'a rien de surprenant quand on sait les coûts générés par leur prise en charge par la santé publique. Et en Algérie, le drame des cancéreux, insuffisamment pris en charge faute de moyens, indique clairement qu'il faut trouver les ressources nécessaires. Et pas seulement chez l'Etat. Augmenter les taxes sur ces produits sert autant à en dissuader l'usage, sans toucher à la liberté de choisir, qu'à dégager l'argent nécessaire à la prise en charge. Il faut espérer cependant que le Fonds de lutte contre le cancer ne soit pas seulement utilisé pour acheter des équipements. Même s'ils sont nécessaires, cela ne fait pas une politique. Il y a un énorme travail de prévention à faire en Algérie et il n'est pas fait. L'interdiction du tabac dans les espaces publics fermés n'est pas respectée et aucun travail n'est fait en direction des jeunes pour leur éviter de succomber au mimétisme avec les adultes fumeurs. La prise en charge du cancer est certes nécessaire mais une politique active de prévention et de détection précoce la rendrait plus utile et plus efficace.