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Lendemains libyens incertains: Un Premier ministre, des armes et des «anciens combattants»

par Salem Ferdi

Abdel Rahim Al-Kim. C'est le nom de l'universitaire spécialisé en génie électrique qui a été choisi lundi par les membres du Conseil national de transition libyen pour assumer les fonctions de Premier ministre. Il remplace Mahmoud Djibril, qui a démissionné après la «libération totale« de la Libye proclamée le 23 octobre, au lendemain de la chute de Syrte et de la liquidation physique de Mouammar Kadhafi. Mahmoud Djibril était très contesté au sein du CNT et notamment par les islamistes, les plus actifs dans les combats armés contre les loyalistes. Signe qu'il fait preuve d'un certain consensus Abdel Rahim Al-Kim a été élu au premier tour parmi cinq candidats et a recueilli 26 voix sur 51 votants. Il y avait initialement 10 candidats avant que le chiffre ne tombe à cinq à la suite de désistements. Outre Abdel Rahim Al-Kim, les autres candidats étaient Ali Tarhouni, chargé du pétrole et des finances au sein de l'exécutif provisoire, Idriss Abou Fayed, ancien opposant emprisonné sous le régime de Kadhafi, Ali Zidane, représentant du CNT en Europe, et Moustapha Al-Rojbani, un universitaire installé à l'étranger. La feuille de route du nouveau Premier ministre de transition est tracée. Il doit constituer avant le 23 novembre prochain un gouvernement et préparer des élections constituantes dans huit mois et, un an plus tard, organiser des élections générales. Petit symbole, Al Kib a été désigné le jour même où les activités de l'Otan ont officiellement pris fin. Le nouveau chef de gouvernement s'est engagé à «bâtir une nation respectueuse des droits humains, qui n'accepte pas les violations des droits de l'homme». «Mais nous avons besoin de temps», a-t-il précise dans une conférence de presse.        L'un des premiers enjeux est bien de démanteler les milices et de récupérer les armes. Face à ces déjà «anciens combattants », le nouveau Premier ministre fait dans la diplomatie en indiquant que ce démantèlement des milices sera fait avec «respect». «Nous sommes conscients que nos frères, les combattants révolutionnaires, partagent notre opinion. Ils pensent aussi que la stabilité du pays est extrêmement importante.»

L'HYPOTHEQUE SEÏF AL ISLAM

La question des armes et des milices va constituer une urgence immédiate. Il y a beaucoup d'armes et les milices sont organisées par villes, par régions voire par tribus. La lutte, inévitable pour le pouvoir se nourrit aussi de rancœurs diffuses qui risquent d'éclater au grand jour maintenant que «l'unificateur» par la haine qu'était Kadhafi n'est plus là. Entre les gens de Benghazi qui se voient comme les «initiateurs» et ceux de Misrata, auréolé d'une résistance farouche de 4 mois aux forces loyalistes, la confiance ne règne pas. D'autres prétendants à l'auréole révolutionnaire sont également présents avec les rebelles de Zentan et les Berbères du djebel Nefoussa, dans l'ouest. Ce qui rend les choses compliquées est que les arsenaux ont été pillés et que chacun s'est constitué son stock en prévision des «explications» pour le pouvoir. La tâche est ardue. D'autant que va commencer, sans aucun doute, une sorte d'inventaire des parcours des membres du CNT. Le président du CNT Mustapha Abdeljalil, par exemple, a longtemps été ministre de la Justice et il passait pour être un proche de Seif-Al-Islam? Lequel se trouve dans la nature et négocierait avec la CPI? Une perspective gênante. Si le fils de Kadhafi arrive vivant à la Haye, il pourrait causer de nombreux dégâts par le «nouveau» personnel de la nouvelle Libye tout comme d'ailleurs chez les ex-amis de Kadhafi. L'insistance du CNT à juger Seïf-Al-Islam en «Libye d'abord» n'a rien d'un geste souverainiste. Le fils du «guide» était un acteur central dans les tractations avec les Occidentaux durant le processus de «normalisation» de la situation de la Libye sur la scène internationale. Il était de ce fait aux premières loges et on peut penser qu'il a conservé de la «documentation» sulfureuse. C'est d'ailleurs ce qui fait pronostiquer qu'il est déjà un homme mort.