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Festivités du 49e anniversaire de l'Indépendance: Khaled, une idole désormais loin de ses fans

par Ziad Salah

Est-ce que les quinze mille personnes qui se sont agglutinées au Théâtre de verdure depuis 20h de cette soirée du 4 juillet pour assister au concert de leur idole Khaled ont été satisfaites ? Difficile à dire.

La difficulté de se prononcer sur cette interrogation n'a rien à voir avec la qualité de la prestation du «king».

 Arrivé sur scène vers minuit, c'est-à-dire avec un retard d'au moins deux heures, Khaled est apparu au summum de son métier. Très à l'aise face à un public en ébullition, il a entamé son concert le plus simplement du monde. Tout en lui laissait dégager l'artiste accompli, le pro, le chanteur maître de sa voix et sentant sa musique par les pores de sa peau. Arrivé à ce stade de maturité, Khaled n'est plus cheb Khaled «fils du quartier Eckmühl». Il s'est installé sur une galaxie où ses fans oranais, et peut-être algériens, ne peuvent plus l'atteindre. Musicalement parlant en premier lieu. Charriant derrière une carrière internationale de plus de trente ans, il se permet toutes les fantaisies, tous les mariages musicaux, toutes les hérésies? Ce que les jeunes, dont l'oreille est formatée à cause de la pauvreté artistique des milieux où ils vivent, ne peuvent saisir.

 Apparu sapé en star, simplement mais élégamment, Khaled donne le ton à la soirée qu'il voulait offrir à son public. Une grande composition musicale et une voix chaude qui passe allègrement d'un registre vocal à un autre. Cette entrée en matière a quelque peu refroidi les milliers de jeunes qui ont crié quelques moments auparavant «le peuple réclame Khaled». Il a chanté des morceaux que le public s'est juste contenté d'écouter. Sur scène, il est apparu épanoui et loin de toute angoisse.

 Cette fois, ce sont ses gestes, ses pas de danse, sa façon d'évoluer sur la scène en la dominant, qui ont fait vibrer les foules. Notamment la gent féminine qui apparemment lui voue une adoration sans pareille. Il faut dire qu'en raison de la grande affluence, il n'y avait pratiquement pas d'espace où danser pour les jeunes. En groupes compacts, ces derniers ont reproduit des scènes de stade. Captant les attentes du public, et un artiste est reconnaissable aussi à ce niveau, Khaled décide de donner une autre tournure à la soirée. Il annoncera «changeons d'ambiance». Mais auparavant, il a chanté «Ya dbaïli Zabana» en duo avec Blaoui El-Houari. Le cheikh est apparu fatigué, la voie éteinte. Mais «son élève» a tout fait pour le ménager et par là même sauver la face.

 Dans la seconde partie de son concert, Khaled, pour satisfaire son public, a chanté certains de ses tubes mythiques. Notamment «Ouahran Ouahran», mais en prenant toutes les libertés d'interprétation. Pour mettre de l'entrain, il continuera avec la version arabe de «Zite Rouite» du chanteur Idir. Il interprétera aussi «La liberté». Cependant, le public se sentant enfin en phase avec son idole, commence à réclamer Aïcha. En échangeant des blagues et des calembours avec certains, Khaled finira par satisfaire la demande de ses fans. Très complice avec les membres de la troupe de ses musiciens, il laissera, à tour de rôle, à chacun d'eux d'étaler son savoir-faire. Ainsi, le public a eu droit à un morceau d'un duo du bendir et de la tablette, très rythmé. Son guitariste n'a pas été en reste et s'est livré, sous l'œil admiratif de Khaled, à un solo digne des rockers d'antan. Son organiste prenait toutes les libertés, jusqu'à celle d'abandonner son instrument pour «les claquettes» de gnawas, histoire de faire ressurgir la dimension africaine dans la musique de Khaled.

 Il est à préciser que Kouider Berkane, l'ancien violoniste et complice de Khaled, a figuré dans l'orchestre. Mais il était un peu effacé. Comparativement à ses anciennes productions à Oran, Khaled a cette fois-ci montré qu'il était véritablement une bête de scène. Il a dansé, il s'est livré à des mimiques, il s'est donné du plaisir. Mais il a surtout montré que le spectre de ses inspirations musicales s'élargit de plus en plus. Les connaisseurs ont dû relever ses clins d'œil au blues, au rock et bien évidemment à la musique arabe orientale.

 Dommage que ce concert ait été jalonné par énormément d'incidents. Les forces de l'ordre ramenées des wilayas limitrophes, à bout de nerfs parce qu'elles ne sont pas habituées à ce type de manifestation, n'ont pas lésiné sur l'utilisation de la matraque. Mais il faut dire que le public, qui était en état d'excitation extrême, ne guettait que le moment pour investir l'espace réservé aux invités de marque. Or, parmi ses derniers figuraient le wali, le P/APC et quelques députés.

 Mais au-delà de ces considérations, le concert de Khaled et ceux qui l'ont précédé ont montré la soif des citoyens pour des manifestations artistiques et de détente. Autrement dit, à une véritable industrie culturelle. Parce que le concert de Khaled a failli été capoté par les failles de l'organisation et des improvisations.