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Les élections du Conseil français du culte musulman boudées: Une structure qui ne représente plus que les Marocains

par Salem Ferdi

Le Conseil français du culte musulman (CFCM), le «bébé» de M. Nicolas Sarkozy depuis la période où il officiait à l'Intérieur, censé aboutir à un «Islam de France», est en crise. L'attitude du ministre français de l'Intérieur qui fait la sourde oreille discrédite une structure de plus en plus réduite à être un relais du gouvernement marocain.

Le boycott des élections du CFCM a une explication simple et compréhensible. Il se résume au rejet d'un système assez bizarre retenu pour désigner les grands électeurs : la surface des mosquées. Ainsi, plus la mosquée est grande - et peu importe sa fréquentation-, plus elle donnera d'électeurs. La communauté turque, relativement peu nombreuse en France, se retrouve ainsi surreprésentée du fait de la taille de ses mosquées. Mais cela n'est qu'un exemple, les Turcs n'étant pas ? pour l'instant du moins ? en compétition pour la représentation du culte musulman.

Le CFCM est d'abord une création du gouvernement français qui cherche, même contre les évidences, à le maintenir tel quel et à favoriser pour des raisons politiques une prééminence des Marocains sur le culte musulman. C'est que «l'Islam de France» ne se décrète pas et les mosquées en France continuent d'être marquées par les appartenances au pays d'origine. Le critère du mètre carré ne permet pas de prendre en compte la représentativité effective. Du coup, les grandes mosquées et les fédérations les plus connues, dont celle de la mosquée de Paris, la mosquée de Lyon, l'Union des organisations islamiques de France (UOIF), vont bouder le vote prévu le 5 juin prochain pour renouveler les Conseils régionaux du culte musulman (CRCM) et le Conseil français du culte musulman (CFCM), qui représentent les musulmans en France. Le refus de la Grande-Mosquée de Paris de participer aux élections était prévisible et il n'est pas nouveau. Celui de l'UOIF (FM) que dirige le franco-marocain Fouad Alaoui a été un peu moins attendue, même s'il ne cachait plus sa déception à l'égard d'un CFCM devenu un «outil pour exacerber les particularismes » ethnico-culturels. «Nous refusons de participer à un processus qui creuse le fossé entre les musulmans et les responsables de mosquées». Lui également critique une représentation au m² qui «sème «la zizanie et les conflits » dans les lieux de culte et crée «un état de division sans précédent» de la communauté musulmane.

Un CFCM marocain

Ces défections des grandes organisations musulmanes qui veulent un changement dans les statuts auraient dû, par souci de crédibilité, entraîner un report des élections. Or, le ministre français de l'Intérieur, Claude Guéant, a assuré qu'il fera l'impossible pour que les élections des instances nationales et régionales du Conseil français du culte musulman (CFCM), prévues les 5 et 19 juin prochain, aient lieu.

«La politique du ministère de l'Intérieur qui est la mienne, est de tout faire pour que cette élection ait lieu même si elle est imparfaite», a-t-il dit, insistant sur le fait qu'«il est extrêmement important que le culte musulman soit représenté d'une façon suffisamment unitaire dans le respect des diversités».

En réalité, la seule organisation en lice est le Rassemblement des musulmans de France (Maroc) et cela semble apparemment avoir les faveurs du gouvernement français. «Ce sera un CFCM croupion?», a déclaré Kamel Kabtane, recteur de la Grande-Mosquée de Lyon. Et il a les chiffres pour lui. Dans la région Rhône-Alpes où résident 600.000 musulmans, seuls 35 lieux de culte sur 225 comptent voter. Autant dire que l'élection du CFCM sera pratiquement réduite aux mosquées marocaines. Cela permettra de reconduire Mohammed Moussaoui (marocain) à la tête d'un CFCM qui pourra difficilement parler au nom des musulmans de France. Le Conseil français du culte musulman (CFCM) devra s'ajouter un autre «M» pour devenir Le Conseil français du culte musulman marocain (CFCMM).

«Ce qui est sûr, c'est que le CFCM va partir à vide et donc il fonctionnera à vide. Par conséquent, il n'aura plus la même force ni la même crédibilité. Partant de là, il risque de mourir de sa belle mort», a souligné Kamel Kabtane dans une déclaration à un journal lyonnais.