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Flagrant délire

par Remmas Baghdad *

«On ne sait pas ce qu'est l'injustice tant que l'on n'a pas été accusé à tort.» Anonyme

Ce principe, «moralement justifiée» de Bernard ?Henri-LEVY à défendre contre vents et marées l'ami Strauss-Kahn nous remet en immersion dans l'Histoire un certain 12 décembre 1957 en Suède «autour de Camus», BHL a choisi qu'entre la justice et son ami, il préfère défendre son ami avant la justice. BHL affirme que ceux qui s'étonnent que l'on ne prenne pas, par principe, le parti de la femme pauvre et immigrée contre l' homme blanc, riche et arrogant censé l'avoir violée, sont en train de réinventer une justice de classe à l'envers [1]. Or, ce principe, «véritable instrument de lucidité» de notre philosophe est plus proche d'une récidive dans la posture pour un autre ami (Roman Polanski). Même raisonnement, et mêmes prémisses sont réinvestis pour la défense d'un droit de «troussage de domestique»[2]. Décidemment BHL a le «diable en tête» dans ces histoires de cuissage qui n'en finissent pas.  

Cette «politique de l'amitié» portée par la philosophie de l'humeur que par l'objectivité l'emporte sur tout. Nafissatou l'immigrée ne peut faire le poids contre le riche DSK et son philosophe avocat. BHL nous édicte qu'il faudrait voir le monde vrai uniquement à travers ses amis. Prendre parti pour la «femme pauvre et immigrée» contre l'«homme blanc, riche et arrogant» ne peut être pris pour principe, c'est une compassion interdite. Normal puisque la fonction de la philosophie pour BHL est d'explorer et non de résoudre ces problèmes humains même s'ils sont redondants. Perdre les pédales et le contrôle de sa libido exubérante est une véritable investigation à long terme sur «la loi et le rebelle» ou «le pouvoir et l'ange».

«Salauds de pauvres, les riches ont toujours raison et salauds de riches, c'est la parole des pauvres qui est sacrée»[3] sont à la fois, pour BHL, deux mêmes axiomes d'un même postulat, les mêmes enseignes d'une même marque.

On se demanderait, si le plus insensé dans cette affaire, pour BHL, ce ne serait pas en réalité la loi en tant que telle.  

Or chaque pays a sa justice, surtout lorsqu'on se maintient dans une sorte d'illusion de l'impunité. Autant DSK est présumé innocent, autant sa victime est présumée dire la vérité. Qui, comme BHL le sait, que le pays de «l'American Vertigo» défend d'abord les droits civiques du plaignant et que la présomption d'innocence est une vaine procédure. Ce pays ne protège pas davantage ses patrons que ses administrés dans ce genre d'ébats judiciaires. L'ex président Bill Clinton en sait quelque chose. Ce sont aussi des questions de principes et cela même pour des faits datant de trente années (dixit BHL dans l'affaire de Roman Polanski). Ce «fascisme à la française»[4] qui serait fondé sur des valeurs de copinage ou du culte de l'amitié tout risque ne renforcera nullement le «viol littéraire» de BHL vis-à-vis de l'interprétation honnête. Ne fallait-il pas se suggérer en ces circonstances le mot qu'Aristote avait très familier: «O mes amis !il n'y a nul ami. ...» Une lecture aussi hâtive et partisane des événements que les réflexions philosophiques du mirage Jean-Baptiste Botul, ne saurait reconfigurer «les pièces d'identités» de ce puzzle de libertinage.  

Une philosophie d'ouverture aux droits de l'autre n'en serait pas amoindrie. Le monde est aussi bien un terrain d'étude que d'intervention pour la philosophie.[5] Les rapprochements hasardeux d'une histoire aussi subjective, telle que l'amitié ne peuvent primer sur des raisonnements construits.

 Le Jugement dernier tend vers celui de la réserve car dans ce combat entre le jour et la nuit, le lys et la cendre, le riche et la pauvre, l'immigrée et le touriste, le FMI et le tiers monde, l'agresseur et la victime, la femme et l'homme, peu de visibilité ou de filet de vérité se perçoit chez le commun des mortels dans la balance en faveur de l'occupant du Sofitel.

 Cette «pureté dangereuse» clamée par BHL à tout bout de champ dans maintes interventions philosophiques soporifiques antécédentes tels la défense controversé de son ami cinéaste Roman Polanski, l'approbation du massacre de l'attaque israélienne du 31 mai 2010 contre des navires transportant de l'aide humanitaire vers Gaza, la réduction macabre du chiffre des victimes du camp de Jénine, la contestation du blocus humanitaire de Gaza ou le soutien à Ronald Reagan dans sa politique au Nicaragua ne servent encore une fois nullement à soutenir cette démarche philosophique échafaudée sur du compagnonnage. L'Histoire est un grand présent et pas seulement un passé [6]

BHL est-il enclin à se soucier des mêmes conditions d'un autre que de ses amis ? Ce qui est sûr c'est qu'au bout de ce visage de femme de chambre venue du fin fond de sa Guinée se reconstruire sa dignité après tant de misère, il y'a le siècle. Le siècle du pouvoir, de l'argent, des passes droits, de l'impunité, de la souffrance, du sacrifice, de l'injustice et de l'oppression. Et cela vaut bien le détour le temps d'une enquête judiciaire et d'un procès.

* Universitair Références bibliographiques:

1- propos tirés de

«questions de principe» consacré à l'affaire Strauss-Kahn

2- propos de J.F Kahn fondateur de la revue «Marianne» comparant la tentative de viol à un troussage de domestique

3- op.cit., questions de principes

4- B.H.L. «L'idéologie française», Grasset, 1981

5- BHL. «Récidives» Editions Grasset & Fasquelle, Paris, 2004

6- Alain Emile Auguste Chartier