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Sidi Bel-Abbès : Nouvelles révélations dans l'affaire des neuf officiers de police

par Houari Saaïdia

L'acte II du procès des neuf officiers de police, impliqués dans une ténébreuse affaire de trafic de drogue, aura été riche en révélations. Tel un volcan en éruption, le prétoire du tribunal criminel du Palais de justice de Sidi Bel-Abbès a craché de son cratère -la barre- des vérités sulfureuses. Et dans un tel mélange magmatique, vérités et contrevérités se mélangeaient plutôt bien. Une chose est sûre néanmoins : le milieu policier qui avait comme trépied Tlemcen-Maghnia-Ghazaouet à l'époque des faits, 2002-2005, n'était guère en odeur de sainteté. S'il est un sous-titre à donner à ce 2e épisode du procès, c'est : «Règlement de comptes, complots, coups fourrés.» En effet, ces mots, et bien d'autres synonymes, revenaient tel un leitmotiv de tous les anciens officiers de police qui se sont succédés au pied de la tribune. Et à maintes fois, le débat débordait du sujet officiel, c'est-à-dire les faits propres au dossier, pour s'empêtrer dans des dédales et des entrelacements peu claires. Le président d'audience a dû d'ailleurs user de sa pleine autorité pour recadrer la discussion. Si presque tous les accusés qui ont défilé à la barre, présumés trafiquants de kif comme supposés policiers complices, ont fait des déclarations troublantes, indépendamment de la véracité ou non des faits rapportés, c'est bien l'ex-commissaire D. Djillali, qui était aux commandes du commissariat de daïra de Maghnia au temps de l'ex-divisionnaire de Tlemcen, S. Mohamed, qui aura jeté un pavé dans la marre. Cet officier, qui a été rattrapé par cette affaire alors qu'il était au poste de chef de la sûreté de daïra de Ghazaouat, a évoqué un gros et non moins grave sujet à polémique lié à une affaire de restitution (la levée de la confiscation) par la police, d'un camion chargé de marchandises (des moteurs de voitures, de camions et autres engins) à son propriétaire, après que celui ait présenté a posteriori des factures de la marchandise, lesquels documents se sont avérés par la suite falsifiés, selon l'accusé D.Djillali, qui a pointé le doigt dans cette affaire vers le commissaire régional antistupéfiants de l'époque, qui «avait écopé d'un blâme pour faute professionnelle du 3e degré.» Un autre fait saillant de l'audience d'hier : acculés par les questions des avocats de la défense, les deux experts du Laboratoire régional de la police scientifique d'Oran qui ont eu pour mission de décrypter le fameux appel téléphonique volontairement caviardé par un officier de police du commissariat de Maghnia, fait déclencheur de toute cette affaire, se sont un peu déjugés cette fois-ci : «Les numéros figurant sur notre rapport d'expertise ne sont que des probabilités car, en fait, on ne pouvait déterminer, avec les moyens de l'époque, avec exactitude les chiffres biffés». Un (important) point pour la défense. La genèse de l'affaire remonte au 19 novembre 2005. Ce jour-là, à 9h15, un officier du commissariat de daïra de Maghnia reçoit un appel téléphonique faisant état de l'existence d'une voiture remplie de kif près du domicile d'un certain B.B., connu sous le sobriquet de «Ould El-Anzi» (le cabri), situé au fin fond de Maghnia. Munis d'un mandat de perquisition, des policiers investissent les lieux. Dans une Renault 25 rouge, garée près de la maison de B.B. et non fermée à clé, ils trouvent 275 kilos de kif dans le coffre. Sous le frein à main, un extrait de naissance et une copie de la carte d'identité de B.B. étaient posés à portée de vue. Ce dernier est arrêté. Ni la R 25, ni le kif qui était à l'intérieur ne lui appartiennent, selon lui. Il nie tout et crie au complot.

Or, des indices convergents, dont des témoignages de voisins ayant vu la veille deux hommes planter le décor de la R 25 bourrée de kif, seront enregistrés à la décharge d'alias «Cabri», qui ne devra répondre finalement que de la détention illégale d'un fusil de chasse saisi chez-lui.

De qui provenait l'appel ? L'officier qui reçoit le coup de fil mentionne sur le registre des appels un numéro commençant par 071 et le nom de B.F. (faux nom). Mais il biffe ensuite au stylo ces indications. Selon ses dires, il l'a fait sur ordre et sous la pression de ses supérieurs, après que ceux-ci eurent identifié le titulaire de cette ligne téléphonique mobile, H.N, un gros bonnet de la drogue. Pour l'accusation, il y a de forts soupçons que c'est ce dernier qui, depuis sa cellule de prison, a tramé le coup de la R 25 pour régler son compte à B.B. Cette piste est confortée par la découverte, le 24 décembre 2005, de 25,4 quintaux de kif dissimulés dans l'ossature métallique d'une remorque de camion parquée dans un parking à Ghazaouet, véhicule appartenant, selon les investigations, à H.N. L'un des huit compartiments du plateau où était caché le kif était rempli de terre - pour ça sonne pas creux lors des contrôles de barrage -. Son volume coïncidait avec celui des 275 kilos de la R 25 rouge. Un échantillon de cette terre sera expertisé et comparé avec la terre de la propriété familiale, une ferme à Maghnia, de H.N. L'expertise, récusée par la défense, met en évidence des «similitudes».