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Dix-septième anniversaire de sa disparition: Redécouvrir Alloula

par Ziad Salah

Un documentaire a été projeté à la clôture de la cérémonie organisée à l'IDRH pour marquer le dix-septième anniversaire de la disparition d'Abdelkader Alloula. Avant de lancer la projection, Raja Alloula, sa femme, précisera que ce documentaire est réalisé par Kamal Boualam et devait être diffusé sur l'ENTV le quarantième jour de la mort de Si Abdelkader. «Mais pour des raisons que j'ignore, il a été déprogrammé», ajoutera-t-elle. Ce document retrace un peu l'œuvre d'Alloula. On y voit un certain nombre d'extraits des pièces d'Alloula. Aussi, on y trouve des extraits d'entretiens accordés par le dramaturge que le terrorisme a ravi à sa ville et à sa famille. On y découvre un Si Abdelkader, agenouillé à côté des enfants cancéreux, leur racontant des histoires pour leur procurer un rêve d'un instant.

Le documentaire, qui restitue la grande panique qui s'est emparée de la ville avant le départ d'Alloula pour sa dernière demeure, montre l'aisance d'Alloula déambulant dans les ruelles de sa cité, interpellé par le premier venu. Homme de théâtre, il le démontrera quand les jeunes en colère essayeront de s'attaquer à l'Opéra d'Oran, un certain 5 octobre 1988. Seul face à une foule en furie, il arrivera à les dissuader que leur intention n'a aucune portée positive. Le travail de Kamel Boualam révélera aussi qu'Alloula n'a pas hésité à annuler une tournée au Maroc lorsque des émissaires du Palais Royal lui ont demandé de revoir juste un petit détail dans sa pièce de théâtre. Ce documentaire mérite une meilleure diffusion. Mais, comme l'a signalé plus d'un lors de cette cérémonie, «Alloula est assassiné plus d'une fois » Et pas uniquement par le terrorisme. Mohamed Ben Salah, dira que toutes les archives filmées des pièces d'Alloula se trouvent dans un état de déliquescence très avancé. Un autre intervenant n'hésitera pas à lier ce mépris de notre patrimoine avec les problèmes que nous avons avec notre mémoire collective.

La censure n'a pas touché que la production théâtrale d'Alloula. Saïd Kateb, compagnon de lutte d'Alloula, évoquera une série de scénarios réalisés par le défunt ONCIC et qui n'ont jamais vu le jour.

Ces scénarios avaient porté sur les débats de la Charte Nationale au milieu des années 70. Mme Amara, architecte, qui s'était engagée avec Si Abdelkader dans la réalisation du siège de l'association des enfants cancéreux, soulèvera l'implication d'Alloula dans les questions urbanistiques de la ville. Il l'encourageait à prendre contact avec les bureaux d'études les plus sérieux pour les projets concernant Oran.

Mme Dalila Alloula, avec beaucoup de pudeur, s'est souvenue que son grand n'a pas pu répondre à ses interrogations quand Fasla et son fils ont été assassinés par le terrorisme. Lui qui excellait dans l'art de la formule s'est contenté de lui répliquer «là, je ne comprends pas», lance-t-elle. Moins d'une semaine, Alloula a été assassiné. Maître Rahal, très concis, s'est contenté de dire que «Alloula savait faire partager sa passion du théâtre». Raja, sa femme, soulignera que l'Union européenne a financé un Centre de Documentation sur le Théâtre. Malheureusement, les responsables locaux ne lui ont pas « trouvé » un local convenable pour un établissement de cette envergure. Signalons que grâce à elle et à d'autres, les œuvres complètes d'Alloula ont été ramassées et éditées dans un coffret de trois tomes. Mohamed Bahloul, dans son allocution d'ouverture de cette cérémonie, a rappelé la fameuse phrase de la défunte Zoubida Hagani: «Le lion d'Oran est parti ».