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Libye : Washington prépare l'après-Kadhafi

par Yazid Alilat

Calmement, froidement, les stratèges du renseignement américain préparent minutieusement le départ du colonel Mouammar Kadhafi, en butte depuis trois semaines à une insurrection armée qu'il tente de mater en provoquant autant une guerre civile que le départ de centaines de milliers d'étrangers du pays.

Les Etats-Unis, qui soupèsent actuellement les possibilités d'intervenir pour résoudre la crise en Libye, s'efforcent de mieux cerner la nébuleuse des opposants au régime du colonel Kadhafi. Pour connaître les acteurs et leurs attentes, l'ambassadeur américain en Libye, Gene Cretz, et d'autres responsables ont rencontré au Caire des membres du Conseil national de transition, dirigé par l'ancien ministre libyen de la Justice, Mustafa Abdel Jalil. Rapportant la rencontre, le porte-parole du département d'Etat, Philip Crowley, a dit «ne pas exclure» des contacts entre les Etats-Unis et d'autres opposants libyens, qui se trouveraient eux en Tunisie. «Nous parlons avec un groupe étendu de dirigeants, et avec ceux dont nous pensons qu'ils peuvent, potentiellement, influer sur les événements en Libye», a-t-il expliqué, prenant acte de la situation évolutive sur le terrain. De son côté, la Secrétaire d'Etat américaine, Hillary Clinton, a affirmé que les Etats-Unis souhaitaient que l'Onu prenne la décision d'instaurer une zone d'exclusion aérienne au-dessus de la Libye. Cette mesure, appuyée par la Ligue arabe, l'UE et l'Otan, empêcherait les avions libyens de bombarder les villes aux mains des insurgés, et bloquerait la navigation aérienne dans le ciel libyen. «Nous pensons qu'il est important que l'Onu, et non pas les Etats-Unis, prenne cette décision (de créer une zone d'exclusion aérienne). Et jusqu'à présent, l'Onu ne l'a pas fait», a déclaré Mme. Clinton dans une interview à la chaîne de télévision Sky News. Elle a ajouté que la France et la Grande-Bretagne préparaient un projet de résolution au Conseil de sécurité de l'Onu imposant une telle zone. Par ailleurs, les annonces de soutien à l'opposition s'accélèrent. Ainsi, le Parlement européen a demandé mercredi à l'Union européenne de reconnaître le Conseil national de transition (CNT), après que les chefs des grands groupes politiques du Parlement européen se sont prononcés en ce sens, mais avec des nuances, au cours d'un débat sur la situation humanitaire en Libye «Nous devons commencer le processus de reconnaissance du Conseil national de transition comme représentant du peuple libyen», a réclamé le chef de file des Libéraux et démocrates Guy Verhofstadt, qui a fait venir à Strasbourg deux représentants de l'opposition libyenne. «Nous devons neutraliser le plus rapidement le pouvoir de Kadhafi de tuer les gens», a ajouté l'ancien.

Premier ministre belge

En Libye, les combats font toujours rage entre insurgés et forces pro-Kadhafi. C'est la ville de Ras Lanouf, important port pétrolier sur la côte méditerranéenne, qui subit actuellement le plus fort des pilonnages de l'armée de Kadhafi. Mercredi, une vingtaine d'obus d'artillerie de l'armée libyenne sont tombés à proximité d'une position tenue par des insurgés. Une vingtaine d'obus au total sont tombés à Ras Lanouf. Les insurgés qui tiennent tête à l'armée libyenne ont répliqué par le tir d'une quarantaine de roquettes de type Katioucha montées sur deux camions et de deux missiles antiaériens, dont l'un a touché une antenne relais téléphonique à près de 2 km alors que les tirs d'artillerie intensifs se poursuivaient, selon les mêmes sources.

 «Aujourd'hui, nous avons établi des positions défensives plus en avant. Hier, nos forces ont avancé vers Ben Jawad mais nous avons été repoussés parce qu'il y avait un pilonnage intensif», a dit à des journalistes le colonel Massoud Mohammed, en référence à cette localité située à quelque 30 km plus à l'ouest et reprise dimanche par les forces loyales au colonel Kadhafi. «Les forces de Kadhafi sont à Ben Jawad, ils occupent la mosquée et l'école.    Aujourd'hui, nous n'attaquons pas encore», a-t-il ajouté. Il a également fait état de quatre frappes aériennes près de Ben Jawad mercredi matin, ajoutant que plusieurs insurgés avaient été blessés, sans plus de détails. De son côté, Mouammar Kadhafi continue de voir «la main d'Al-Qaïda» sur ce qui se passe dans le pays et accuse les Occidentaux de comploter contre son régime et de vouloir contrôler le pétrole en Libye. «Si Al-Qaïda réussit à s'emparer de la Libye, alors la région tout entière, jusqu'en Israël, sera la proie du chaos», a-t-il averti dans un entretien à la chaîne publique turque TRT. Il a ajouté que «les pays colonialistes trament un complot pour humilier le peuple libyen, le réduire à l'esclavage et contrôler le pétrole», a-t-il dit à la télévision libyenne, accusant les rebelles d'être des «traîtres» soutenus par Al-Qaïda et appelant «les habitants de Benghazi» à «libérer» la ville.