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Plus de 80 morts en Libye, selon HRW: Tirs à balles réelles contre les manifestants

par Yazid Alilat

La situation en Libye, qui connaît des manifestations anti-Kadhafi violemment réprimées par les forces de sécurité, était assez confuse samedi, notamment sur le bilan des victimes.

L'ONG internationale Human Rights Watch, basée à New York, a fait état samedi d'au moins 84 morts ces dernières 72 heures, alors qu'Amnesty International parle de 46 tués par balles par les forces de sécurité. Selon Amnesty, qui cite des sources hospitalières à Benghazi, les blessures les plus couramment constatées sont des tirs de balle dans la tête, la poitrine et le cou.

«Cette hausse alarmante du bilan et la nature des blessures des victimes suggèrent clairement que les forces de sécurité autorisent l'usage de la force contre des manifestants désarmés réclamant un changement politique», note l'ONG. »Les forces spéciales qui sont loyales à Kadhafi se battent toujours désespérément pour prendre le contrôle et pour gagner du terrain et les gens se battent contre elles rue après rue», a raconté un habitant de la deuxième ville du pays, à la BBC.

Selon lui, l'électricité est coupée dans plusieurs parties de la ville et des véhicules militaires stationnent devant le palais de justice. Selon d'autres sources libyennes citées par l'agence française AFP, le bilan s'élevait à 41 morts, tandis que des témoins et des médias locaux ont fait état de plusieurs bâtiments publics et véhicules incendiés dans plusieurs villes.

Alors que le nombre de morts fait débat, ainsi que l'autorisation donnée aux forces de sécurité de tirer à balles réelles contre les manifestants, le Guide de la révolution n'a, au 5e jour de ce mouvement sans précédent contre le régime libyen, toujours pas fait de déclaration officielle.

Selon HRW, 49 personnes ont été tuées jeudi (20 à Benghazi, 23 à Al-Baïda, 3 à Ajdabiya et 3 à Derna) et 35 vendredi à Benghazi, la plus grande ville du pays et bastion de l'opposition, située à 1.000 km à l'est de Tripoli. L'ONG, qui se base sur des sources médicales et des témoins, affirme que la plupart des 35 personnes décédées vendredi ont été «tuées par des balles réelles tirées par les forces de sécurité». Un responsable de l'hôpital Al-Jalaa de Benghazi a indiqué à HRW que tous les médecins de la ville avaient été appelés à l'hôpital et que la population avait été invitée à «donner son sang». «Nous n'avions jamais vu quelque chose comme ça».

Par ailleurs, le procureur général libyen Abderrahman Al-Abbar aurait ordonné l'ouverture d'une enquête sur ces violences. «Le procureur a ordonné l'ouverture d'une enquête sur les raisons et le bilan des évènements dans plusieurs villes et appelé à accélérer les procédures pour juger tous ceux qui sont coupables de mort ou de saccages».

A Al-Baïda, les forces de l'ordre avaient investi la ville vendredi et en contrôlaient les entrées et sorties ainsi que l'aéroport, après des informations circulant sur internet selon lesquelles des manifestants auraient pris le contrôle de la ville. «Les forces ont reçu l'ordre de quitter le centre de la ville pour éviter des affrontements avec les manifestants», a indiqué une source officielle. Par contre, la capitale Tripoli restait calme samedi, à l'image des jours précédents, où les partisans du régime étaient descendus dans les rues en brandissant des portraits du Guide de la révolution.

Samedi dans la matinée, les connexions internet étaient difficiles, et il était toujours impossible d'accéder à Twitter et Facebook, par lequel ont transité les appels à la mobilisation, selon des internautes dans la capitale et à Benghazi. Arbor Networks, société spécialisée dans la surveillance du trafic internet, basée aux Etats-Unis, avait indiqué que l'accès à internet avait été «brusquement interrompu» dans la nuit. Alors que l'étranger a jusqu'à présent peu réagi aux évènements, la Turquie s'est déclarée samedi «inquiète» et a appelé les parties à la «paix civile», affirmant envisager le rapatriement de ses ressortissants.