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Syndrome autoritaire

par De Notre Bureau De Bruxelles : M’hammedi Bouzina Med

Quand les bruits de couloirs ne sont plus audibles, nous nous faisons un plaisir de vous les faire parvenir. Musique.

Nonobstant les effets économiques et sociaux de la crise financière internationale, l’Union européenne développe, depuis, des tentations dirigistes, antidémocratiques dans le fief de son fonctionnement. Un comble pour l’Union dont la raison de sa naissance est la défense de la liberté et le renforcement des principes démocratiques. L’exemple de cette dérive antidémocratique est illustré par « l’isolement », par le Conseil des chefs d’Etat et de gouvernement, du Parlement européen (PE) dans la gestion financière et économique de l’Union. Le Conseil a toujours le dernier mot et impose ses décisions. La Commission est réduite, sans le vouloir, à un rôle d’arbitre et finit, elle aussi, par se ranger sur la ligne du Conseil. Les débats sur l’élaboration du budget de l’UE pour 2011 ont montré la suprématie, sans partage, du Conseil sur les deux autres institutions.

 Aucune proposition du PE n’a été retenue par le Conseil. Pourtant, la Commission avait soutenu, au départ, la proposition du PE d’augmenter le budget de l’UE de 5,6% par rapport à 2010. « Niet » avait rétorqué le Conseil, qui a fixé l’augmentation à 2,9%, pour atteindre les 134 milliards d’euros. Certaines sources laissent entendre que le montant réel du budget ne dépasserait pas, en réalité, les 121 milliards. Là encore demeure une certaine confusion dans le montant exact qu’aucune institution ne précise officiellement. Et lorsque la Commission et le PE, après des nuits blanches, proposent de laisser un peu de liberté aux Etats membres de compenser leurs manques financiers éventuels par des mesures nationales, le Conseil campe toujours sur son intransigeance. « Niet ».

 L’apparition de ce nouveau comportement politique du Conseil est d’autant plus étrange, tant le nouveau « Traité européen », entré en vigueur depuis le 1er décembre 2009, octroie davantage de pouvoir de décision au PE. Ce sont bien les chefs d’Etat et de gouvernement qui ont été en premières lignes pour défendre le Traité dans sa mouture actuelle. Le but étant, disaient-ils, de renforcer un pouvoir de codécision entre le Conseil et le Parlement. La Commission, elle, est réduite à un rôle d’exécution et de suivi des politiques communes. Bizarrement, jamais le PE n’a été aussi peu écouté sur les questions liées à la gestion et aux finances de l’Union. Sans doute est-ce la raison qui a poussé Joseph Daul, président du groupe le plus important du PE, celui du PPE, à s’indigner publiquement à travers un communiqué diffusé, mercredi, la veille de la tenue du Conseil : « C’est à ce débat fondamental - celui des budgets - qu’appelle le Parlement européen, c’est à cette discussion de fond qu’en tant que représentants directement élus des 500 millions d’Européens, nous entendons participer pleinement, n’en déplaise à quelques gouvernements, qui nous refusent ce droit. » Il ajoute : « Je demande au Conseil européen de nous donner son accord, et si nécessaire, de procéder à un vote, pour que ceux qui nous dénient cette possibilité de participer au débat assument leurs responsabilités.» Voilà donc, le temple des libertés et de la démocratie brimé, chez lui, dans le droit de participer à la décision, droit, rappelons-le encore une fois, sanctifié par le Traité européen. Mais ces nouveaux penchants à passer outre l’avis des élus ont des conséquences « risquées » sur la coopération entre les gouvernements eux-mêmes, lorsqu’il s’agit de négocier sur certains chapitres de bien de politiques communes. Des désaccords sérieux opposent les partisans de « l’austérité » budgétaire à ceux qui prônent une plus grande flexibilité dans la gestion des finances publiques. Sur ce point, l’Allemagne demeure intraitable, tant elle est le premier contributeur au budget commun. Le Royaume-Uni, pourtant hors de la zone euro et en difficulté financière, soutient la rigueur budgétaire défendue par l’Allemagne. La France adhère à cette option, alors que son déficit et sa dette publique sont à la limite de la ligne rouge. Ce trio, aidé dans une moindre mesure des pays nordiques, fait face surtout au « front de l’Est de l’Europe » pour qui la rigueur budgétaire et l’absence d’un réel appui des pays de la zone euro signifie la faillite économique. Et comme le calendrier européen fait bien les choses, c’est à la Hongrie qu’échoit la présidence tournante de l’UE, le 1er janvier prochain. C’est-à-dire un pays de l’Est.

 D’ores et déjà, la Hongrie promet un véritable « affrontement » sur toutes les questions d’argent, en particulier pour le montage du budget septennal 2014-2020, dont la négociation commencera en janvier. Le ministre des Affaires étrangères hongrois, Martonyi, annonce « un combat de géants, tant les Etats membres n’ont jamais été aussi éloignés d’un accord ». Il n’est pas seul, puisque le 1er ministre polonais, Donald Tusk, a averti que « la Pologne mettra son veto, si les réductions sont maintenues dans le financement des projets nationaux ». C’est dans ce climat politique tendu que la rue européenne se fait rappeler au bon souvenir de ses gouvernants. Les syndicats ont donné le la, samedi dernier, partout en Europe.