Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Sport et politique: L'Egypte veut calmer le jeu

par Oualid Ammar

Après la visite «d'amitié et de courtoisie» du Président Moubarek à Alger, le ministre égyptien de l'Information a instruit tous les médias de son pays de veiller à traiter objectivement les prochaines rencontres de football entre les clubs égyptiens et algériens.

Anas El Faki, ministre égyptien de l'Information, semble avoir été instruit par son président de la République pour que «la crise footballistique» ne connaisse pas un nouvel épisode fâcheux qui viendrait contrarier le laborieux dégel des relations bilatérales, très crispées depuis l'automne 2009.

Au lendemain de la visite à Alger du Président Moubarek, la presse égyptienne rapporte que Anas El Faki a émis une circulaire à l'intention des médias de son pays. Le ministre égyptien de l'Information leur recommande de traiter avec «calme, objectivité et sans préjugés» les prochaines compétitions de football entre les équipes algériennes et égyptiennes. En effet, Al Ahli et Ismaïli d'Egypte sont dans la course de la Coupe de la Ligue des Champions d'Afrique, en même temps que le JS Kabylie.

La circulaire Anas El Faki

La circulaire du ministre concerne également le suivi et le contrôle des programmes sportifs sur les chaînes de télévision officielles et privées. La presse égyptienne « people » n'a pas encore réagi à cette gestion tutélaire des médias privés, notamment. Pour les observateurs, l'initiative du ministre égyptien de l'Information est un gage de la volonté du Caire d'apaiser les esprits, de calmer le jeu. Naturellement, on peut se demander pourquoi Le Caire n'a pas agi de la même manière durant l'automne 2009. Où était le ministre de l'Information ? Où étaient les instances de la déontologie professionnelle égyptienne ? On se souvient que le fils aîné du Président Moubarak, l'homme d'affaires Alaa Moubarak, avait eu des mots très offensants à l'égard des Algériens sur la chaîne satellitaire «El Masria». Il avait accusé les Algériens de s'être livrés à des «actes de terrorisme? avant, pendant et après le match» au Soudan, qualifiant les supporteurs algériens de «mercenaires». Devant le parlement égyptien et sans citer nommément l'Algérie, le Président Hosni Moubarak, a déclaré : «L'Egypte ne fera pas preuve de laxisme envers ceux qui portent atteinte à la dignité de ses citoyens». Les Algériens étaient alors très choqués par l'outrance des attaques et des insultes proférées sur les chaînes de télévision égyptiennes. Et on se demandait alors jusqu'où peut déboucher la crise diplomatique entre l'Algérie et l'Egypte ? En Algérie, on avait été également choqué par l'attitude de plusieurs intellectuels égyptiens qui avaient appelé à en finir avec le panarabisme dans «lequel l'Egypte donne pour ne recevoir en retour que de la haine». Incroyable! Avant cette circulaire El Faki, rien n'avait incité les responsables égyptiens à freiner ces extraordinaires dérives.

Le foot et les présidentielles égyptiennes

Il faut dire qu'à la fin de l'été 2009, les conditions politiques internes au pays du Nil étaient particulières. Si particulières que le régime égyptien paraissait totalement disposé à en découdre avec les «frères algériens». Gamal Moubarak, fils du président et son héritier présomptif, s'était ostensiblement investi derrière l'équipe nationale de «Misr». Le match de barrage de Khartoum devait être, avec une victoire acquise d'avance, un moment clé de sa marche à l'intronisation comme futur «Raïs» du pays. Le match de barrage de Khartoum était donc saturé de politique. Et lorsque, le onze égyptien a perdu, ce fut la débandade dans les cercles partisans du Raïs et de son fils Gamal. Le football devait servir à faire passer, plus facilement au sein des masses égyptiennes, la candidature de son «fiston». Le but de Antar Yahia en a voulu autrement. Cela explique, sans que cela soit acceptable, les réactions hystériques anti-algériennes qui ont suivi leur disqualification au mondial sud africain.

 Juillet 2010, la poussière est retombée. Du moins, en partie du côté algérien. On ne sait pas comment le Président Moubarek va régler sa succession, l'année prochaine. El Baradeï, l'ancien patron de l'AIEA, est rentré au pays. Avec le soutien des «Frères Musulmans», il devrait s'aligner dans cette course au fauteuil présidentiel. A 82 ans, le Raïs ne semble pas encore avoir dit son dernier mot. Sur le terrain sportif, El Ahly et El Ismaïlia eux auront à en découdre avec la JS Kabylie. En principe ces compétitions de football se dérouleront, à distance respectable, de l'échéance présidentielle égyptienne. En tous cas, les Algériens n'accepteront pas de servir d'exutoire aux affaires internes égyptiennes. Depuis le match de Khartoum, Le Caire semble l'avoir compris. Et la circulaire El Faki en est un premier indice.