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Tlemcen: L'écologie, le foot et la catastrophe de la Louisiane

par Allal Bekkaï

« Si les Emirats Arabes Unis alignent, aujourd'hui, cette équipe de football, c'est un peu grâce à des Algériens comme moi», ce ne sont pas là les propos d'un entraîneur plein d'ego mais sortent de la bouche et sans narcissisme aucun, d'un consultant international (économiste et financier), en l'occurrence M. Mustapha Daïdj, en guise de «transition» à sa conférence intitulée: «L'économie, l'écologie : deux sœurs ennemies», donnée au siège de l'ASPEWIT, à l'occasion de la Journée mondiale de l'Environnement, alors que la deuxième mi-temps du match opposant les «Verts» à la sélection des E.A.U battait son plein, en faveur de l'équipe nationale. Et pour cause. Cet expert était durant 10 ans (de 1975 à 1985) à la tête de l'ADNADCO (l'équivalent de SONATRACH), basée à Abou Dhabi, comme directeur financier ayant la qualité de ministre des Finances. A ce titre, il était responsable d'une vingtaine de partenariats (Japon, Brésil, France, entre autres) et gérait un organigramme (personnel) fort de 25 nationalités différentes (arabes et étrangères).Une gestion financière doublée d'une médiation «diplomatique» qui l'a mis, à l'en croire, dans «une situation ambivalente marquée par la double contrainte?». Un souvenir qu'il évoquera avec une grande émotion, les yeux embués. C'est au contact de cette industrie pétrolière (offshore et on shore) «catastrophique, morbide, tragique» qu'il a pris conscience de l'importance de l'écologie, confiera-t-il. Avec le transit des trois quarts du trafic international, via le détroit d'Ormuz et le déballastage inexorable des tankers (500.000 t), «nous sommes réellement dans une guerre économique» dont «le Golfe persique, un bourbier innommable» est le théâtre, constate-t-il en préambule avant d'entrer dans le vif du sujet. L'orateur fera tout d'abord un parallèle entre l'économiste et l'écologiste. Le profil du premier se distingue, selon lui, par cinq caractéristiques, à savoir: la temporalité (homogénéité ou linéarité du temps), les statistiques (comme matière première), le principe d'identité (contexte figé), l'approche masculine (industrie stable) et le modèle économétrique (économie de l'immatériel). A ce propos «l'économiste ne possède pas les outils conceptuels pour valoriser cette économie potentielle», estime-t-il. La personnalité du second se décline plutôt comme éminemment féminine à ses yeux, dès lors qu' «elle est très proche de la vie à travers la biodiversité, la logique biologique, la mentalité, les mutations?». Aussi, l'économie attire les hommes alors que l'écologie est du domaine des femmes, relèvera-t-il. Et de souligner que l'écologie conviendrait même à la mondialisation plutôt que l'économie politique. Nonobstant, les compétences en charge de l'environnement sont invitées à «penser globalement et agir localement». A ce titre, le conférencier considère que «la nécessité d'une formation à l'écologie au sein de l'université s'impose plus que celle ayant trait à l'économie?». Quant au conflit entre ces deux sœurs ennemies, «il appartient aux politiques de le résoudre», estime-il. En conclusion, M. Daïdj mettra l'accent sur un concept novateur qui est celui de l'écologie de l'esprit qui «permet de prendre en compte un ensemble de données relevant du domaine du politique?». Or «cette vision à long terme est absente chez nous», déplorera-t-il, en soulignant qu'il n'y a pas de bon vent pour celui qui ne sait pas où aller?Dans ce sens, cet illustre financier estime sans ambages que «l'Algérie est en train de gaspiller littéralement ses revenus, hypothéquant de ce fait, l'avenir des générations futures?». Justement, à la faveur du débat qui s'en suivra, et au sujet du nouveau ministère de la prospective et des statistiques, il dira, non sans ironie, que «c'est du mimétisme, ni plus, ni moins?». Et de lancer sur ce registre : «Malheur au pays qui donne le pouvoir aux experts !...». Sur le dernier classement de l'Algérie à la 42ème place en matière de rendement environnemental, émanant de l'Environnemental performance index (EPI) 2010, cet économiste juge que «tous ces chiffres sont mensongers», appelant à une analyse critique (distanciation). Par ailleurs, la catastrophe écologique en Louisiane (Golfe du Mexique) l'amènera à avancer que «si BP ne paie pas les dégâts, Obama jouera sa deuxième mandature?». Revenant sur sa communication «Management et éthique», donnée dernièrement à l'université de Montpellier (France), dans le cadre d'un forum, ce spécialiste de la finance internationale mettra en relief le triptyque basique du «savoir, savoir-faire, savoir être» en faisant remarquer que l'éthique ne s'apprend ni en sciences politiques, ni à Oxford ou Harvard, mais représente une valeur morale intrinsèque sous-tendue par une «information», soit, sémantiquement, une formation (appréhension) de l'intérieur (in)?Dans ce contexte, cet ex-coopérant «du Golfe» ne manquera pas de saluer la mémoire de Cheïkh Zayid qui «pour autant qu'il était analphabète, il n'avait pas moins le bon sens du bédouin en distribuant équitablement le PNB entre les tribus car il aimait son pays?», devait-il préciser avec une note de nostalgie, regrettant que «pendant qu'à Abou Dhabi, on ouvrait des Sorbonne, des Louvre, en face à Dubaï, on organise des Expos, on érige des Tours, on inaugure des patinoires?».Visiblement marqué par la conjoncture actuelle, cet économiste ne cachera son pessimisme quant à l'avenir? des E.A.U qui «n'existeront plus d'ici 20 ans», prédira-t-il en guise de scénario catastrophe. Invité quelques jours après par les «Tuniques vertes» à la maison du parc de Lalla Setti, M. Mustapha Daïdj fera une communication dans la même veine. Il fera sien le paradigme triptyque selon lequel on n'a pas accès à la réalité mais à une représentation de la réalité, celle-ci n'est pas toute la réalité et chacun a sa propre représentation (subjective) de cette réalité (qu'elle soit économique, technologique, médiatique, esthétique, théologique?). En guise de thérapie, ce consultant international recommandera de réfléchir, voire d'agir sur 5 axes, à savoir: le corporel, l'émotionnel, l'intellectuel, le culturel et le social?