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Il prétend que MTN a offert la bagatelle de 7,8 milliards $ !: Sawiris engage sa «bataille» de Djezzy

par M. Saâdoune

La bagatelle de 7,8 milliards de dollars. C'est ce que l'opérateur sud-africain, MTN, aurait proposé à Orascom Telecom Holding (OTH) comme prix d'achat de la filiale algérienne, Djezzy. Bémol: c'est Naguib Sawiris qui l'affirme.

MTN n'a jamais donné d'informations sur le prix qu'il était prêt à payer pour le rachat des actifs d'Orascom Télécom Holding.     L'attitude de MTN n'a rien d'anormal mais force est de constater que Sawiris tente de faire de son silence un argument pour imposer le chiffre de 7,8 milliards de dollars comme un prix plancher. Pour ramener les choses à une proportion plus juste, il est bon de rappeler que les pourparlers entre OTH et MTN portaient sur les actifs de l'opérateur égyptien en Afrique subsaharienne et au Maghreb. Ces pourparlers se poursuivraient d'ailleurs sans que Djezzy fasse partie du lot. Au moment d'engager les pourparlers, l'opérateur sud-africain cherchait à lever 5 milliards de dollars. Cela donne, à défaut d'avoir une information claire, une idée de l'ordre de grandeur des prévisions de dépenses de MTN?

 Le sud-africain a-t-il eu réellement le temps de faire une offre sur Djezzy alors que le gouvernement algérien a exprimé son opposition de manière rapide et ferme dès que les informations sur les pourparlers ont commencé à filtrer ? On peut en douter, mais il est de bonne guerre que le vendeur d'un actif cherche à surenchérir le prix de son bien. Il faut juste constater le changement net de stratégie de Naguib Sawiris. Il y a encore deux semaines, il refusait de se prononcer sur Djezzy et qu'il ne voulait pas discuter avec le gouvernement algérien «par voie de presse».

Changement de stratégie

 Naguib Sawiris vient donc de déroger à son engagement au moment où les négociations sont sur le point d'être entamées. Le patron d'OTH fait donc monter les enchères face à un gouvernement algérien qui s'est placé en acheteur unique en invoquant un droit de préemption. En fixant la barre haute, Naguib Sawiris a de fait engagé sa «bataille de Djezzy» qui s'annonce âpre. Les déclarations aux médias et les «fuites» vont être un élément du «rapport de force» pour reprendre la formule d'Omar Berkouk (cf entretien dans le supplément économique du Quotidien d'Oran du 1er juin 2010) qui concourt à la détermination du prix de la filiale algérienne d'Orascom Télécom Holding. Le message adressé par Naguib Sawiris est aussi simple que celui d'un vendeur de voitures de Tidjelabine: on nous a offert 7,8 milliards de dollars, on peut prétendre à mieux. Message à peine codé: si l'offre algérienne est inférieure, elle ne serait pas conforme à celle du marché. La manœuvre est habile. Elle vise clairement à embarrasser le gouvernement algérien et sans doute à préparer le terrain à un éventuel recours à l'arbitrage. Si les officiels algériens n'ont jamais donné de manière publique leur estimation de la valeur de Djezzy, on sait qu'elle est sensiblement inférieure au chiffre que vient de donner Sawiris.

Alger prendra le temps

 Le milliardaire égyptien a pris une longueur d'avance sur le gouvernement algérien sur le terrain des médias, un domaine qui n'est pas le fort des autorités algériennes. Celles-ci ont cependant déjà signifié qu'elles ne vont pas s'enfermer dans un délai pour conclure la transaction. C'est le nouveau ministre de la Poste et des Technologies de l'information et de la communication, Moussa Benhamadi, qui l'a indiqué en révélant que le dossier Djezzy est pris en charge par des experts au niveau du cabinet d'Ahmed Ouyahia. «La gestion du dossier relève des seules prérogatives du Premier ministre, seul habilité à se prononcer dans le strict respect de la loi algérienne et des intérêts du pays», a indiqué le ministre des TIC. Quitte à ce qu'il paraisse excessif, il n'est pas anormal qu'un vendeur cherche à surestimer la valeur du bien qu'il met en vente. L'inverse est aussi vrai, il est tout à fait dans l'ordre des choses que l'acheteur cherche à minimiser le prix du bien.

 Si l'écart est trop important et que les deux parties ne parviennent pas à s'entendre, le recours à l'arbitrage pourrait s'avérer nécessaire. Une tierce partie serait dans ce cas de figure chargée d'évaluer la valeur de l'actif et de fixer le prix et les modalités de règlement de la transaction.