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Union des conseils économiques et sociaux et institutions similaires de l’Afrique : Animosité, malentendus et prises de bec

par Ghania Oukazi

L’Assemblée générale de l’Union des conseils économiques et sociaux et institutions similaires de l’Afrique (UCESA) a tenu sa séance inaugurale dans un climat d’animosité, d’incompréhension et malentendus à la limite des prises de bec.
Devant se tenir déjà en 2008 en Guinée Bissau, cette AG ordinaire de l’UCESA n’a pu l’être en raison de problèmes politiques internes à ce pays. C’est donc l’Algérie qui s’est proposée de l’abriter, après que le président du Conseil national économique et social (CNES) ait fait la proposition à ses pairs africains. Abdelkader Messahel a bien voulu assister à l’ouverture qui a eu lieu hier au palais des Nations de Club des pins à Alger. Le ministre délégué chargé des Affaires maghrébines et africaines a prononcé une allocution à travers laquelle il a mis en exergue l’importance de la 1ère thématique retenue par cette session, à savoir, «l’autoévaluation des CES et institutions similaires d’Afrique pour une promotion de la bonne gouvernance économique et sociale». Pour Messahel que le président en exercice sortant de l’UCESA, président du CES du Burkina Faso, a qualifié de «globe trotter du continent», la thématique en question est «de nature à consolider et enrichir les acquis enregistrés par nos pays, et nos organisations régionales et continentales pour l’enracinement d’une culture de bonne gouvernance au service du progrès économique et social de nos peuples». Il a ainsi fait référence au changement de stratégie que l’Afrique a, selon lui, entrepris «pour s’assurer que l’Afrique définisse par elle-même ses priorités et veille à aligner en conséquence les apports de ses partenaires extérieurs». Le Nepad et la transformation de l’OUA en Union africaine ont été conçus, a-t-il précisé, « sur cette base». Le mécanisme africain d’évaluation par les pairs a été évoqué en tant qu’ «instrument novateur, unique en son genre pour promouvoir l’adoption et l’internationalisation des codes et normes de gouvernance et la diffusion des bonnes pratiques identifiées en la matière au niveau des pays africains». 30 pays, rappelle-t-il, se sont joints à ce mécanisme dont 12 «ont déjà fait l’objet d’un processus d’évaluation approfondie par les pairs». L’Algérie a présenté son rapport d’évaluation en juillet 2007 à Accra et son rapport de mise en œuvre de son plan d’action national en janvier 2009, à Addis-Abeba.
 «Quel devenir pour l’UCESA» est le 2ème thème inscrit à cette session et au sujet duquel Messahel affirme que «la création de nouvelles structures de gouvernance telles que le parlement panafricain et le Conseil économique, social et culturel (ECOSOCC), traduit clairement la dimension participative que l’Union africaine met en avant dans la prise en charge du devenir africain.
 Mohamed Seghir Babes avait estimé avant lui qu’il s’agit à cet effet de «s’interroger sur le format actuel de l’UCESA, ses missions, ses objectifs, son statut, son organisation, son mandat…». En fait, l’UCESA veut enclencher un processus de sa refondation. Pour cela, les Africains présents devaient s’essayer à un exercice d’évaluation pour tout ce qui a été entrepris dans le cadre de l’UCESA, une entité créée le 25 novembre 1994 à Abidjan, en Côte d’Ivoire. Outre le poste de président qu’occupe actuellement le président du CES du Bénin, l’UCESA fonctionne avec trois autres organes précis à savoir la conférence, le comité de suivi et le bureau. L’Union compte 14 membres dont trois (Mauritanie, Burundi, République centrafricaine) ont exprimé formellement leur adhésion hier, à partir d’Alger.
Formalisme, malentendus pour des sous-entendus
C’est en octobre 2003, lors de l’AG de l’UCESA tenue à Cotonou au Bénin, que le CNES en a été élu 1er vice-président. Il est noté au passage que l’UCESA a été créée sous l’impulsion du CES de France qui, est-il dit, «pour des considérations historiques, exerce une influence importante sur les autres CES à la création desquels il a grandement contribué tant moralement que financièrement».
 Une telle notification n’est probablement pas anodine quand les membres de l’AG ordinaire de l’UCESA, réunis depuis deux jours à Alger, semblent nourrir des prédispositions pour dénicher des malentendus là où ils ne devraient exister.
 La séance inaugurale d’hier en témoigne. Il a fallu simplement que le président sortant de l’UCESA demande à la salle de débattre sur l’allocution du ministre délégué algérien pour que l’atmosphère s’imprègne d’une tension assez particulière et surtout tenace. «Je ne vois pas pourquoi vous nous demandez de débattre d’un discours alors qu’on n’a encore adopté l’ordre du jour de l’AG, il ne faut pas nous prendre pour ce que nous ne sommes pas. Il ne me semble pas indiqué d’ouvrir un débat sur une allocution d’un ministre qui nous reçoit !», a lâché d’emblée le président du CES de Côte d’Ivoire. Par cette remarque, l’invité de l’Algérie semble montrer qu’il a décidé d’ouvrir des hostilités inattendues à l’égard de l’on ne sait quelle partie de l’assistance et pour quels motifs. D’autant qu’il avait eu cette réplique après que Messahel ait souligné que « pour réussir l’intégration du continent, il faut coordonner nos positions et aller d’une seule voix sur des dossiers lourds relatifs à la gouvernance mondiale». L’Afrique, avait-il affirmé, «ne doit plus subir mais être partie prenante dans le dialogue mondial et participer à la prise de décision». Le président en exercice sortant de l’UCESA avait pensé, a-t-il dit, «juste avoir des commentaires à chaud sur ce qui a été dit». Premier à répondre sèchement au responsable ivoirien, c’est, faut-il le deviner, le président du CNES. «(…), je m’élève contre cet espèce de formalisme qui nous contient dans cette cage depuis 94 (date de la création de l’UCESA ndrl)», a lancé Mohamed Seghir Babes. «Je respecte tout avis (…) mais je suis désolé de le dire avec autant d’énergie, très cher Laurent, je ne peux pas rester sans réagir à cette réaction !». Le président du CES tunisien prend la parole comme pour conforter les propos de Babes. « L’UCESA est un acquis important que nous devons préserver (…). Je rends hommage à l’Algérie qui a su l’abriter et la protéger en lui offrant un siège dont l’inauguration (aujourd’hui à proximité du siège du CNES ndrl) est un événement historique». Messahel avait, lui, souligné la pertinence de la remarque ivoirienne mais a tenu à proposer, entre autres, à l’UCESA de s’ouvrir sur d’autres espaces «ceux anglophones, parce que jusqu’à maintenant, l’Union est pratiquement francophone». Il a annoncé l’existence d’une procédure algérienne devant être présentée en 2011 à la réunion au Mexique des conseils constitutionnels et cours africains avec pour objectif, a-t-il précisé, «de fédérer et permettre à l’Afrique de parler d’une seule voix». Messahel a fait la promesse «d’engager l’Algérie et je m’engage à consolider l’ancrage de l’UCESA comme l’UCOSOCC, au sein de l’Union africaine». Une UA qui demande aussi selon lui l’élargissement du G20 à ses représentants pour négocier et participer à la prise de décision sur le réchauffement climatique lors de la réunion qui se tiendra en juin prochain au Canada. «L’aide au continent devra être orientée selon les priorités fixées par les pays africains», a-t-il, soutenu.