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Immigration clandestine: L'UE veut que les Maghrébins fassent le gendarme

par Mahrez Iliès

L'Europe communautaire est plus que jamais fermée à l'immigration maghrébine, légale ou clandestine.

Au moment où les portes de l'Union européenne se sont ouvertes aux pays de l'ex-bloc soviétique, celle de l'Afrique en général et du Maghreb en particulier ont été brutalement fermées. En plus des accords de Schengen, les Européens ont mis en place des accords d'association avec chaque pays de la rive sud sur justement la circulation des biens et des personnes. C'était à la fin des années 90, et ces accords d'association individualisés sont sur le chapitre de l'immigration dépassés. C'est en tout cas l'avis du vice-président de la Commission européenne en charge de la Justice et des Libertés, le Français Jacques Barrot, qui a réclamé mardi une action plus déterminée des pays du Maghreb contre les passeurs afin de lutter contre l'immigration clandestine. Son propos a été quelque peu dur contre les pays maghrébins, notamment l'Algérie qu'il accuse de ne pas lutter efficacement contre les réseaux de passeurs. ?'Il faudrait que ces Etats agissent assez brutalement et mettent la main sur toutes ces officines de passages, très souvent liées au crime organisé et à la prostitution», a-t-il affirmé. Il a fait ces déclarations alors qu'il doit se rendre vendredi et samedi sur l'île italienne de Lampedusa puis à Malte, deux îles qui constituent des points de passage de l'émigration clandestine, généralement à partir des côtes algériennes, tunisiennes et surtout libyennes. Lampedusa cristallise à elle seule les ¾ de l'immigration clandestine maghrébine vers l'Europe via cette île. Mais, si l'Europe a construit des barrières juridiques et physiques pour lutter contre l'immigration clandestine, elle n'a pas, pour le moment, tellement réussi dans cette tentative de lutter contre un phénomène en réalité planétaire. Car si l'UE a établi des lois strictes de lutte contre l'immigration clandestine, elle ne peut refouler automatiquement les ressortissants de pays comme l'Algérie, le Maroc ou la Tunisie. Car de telles mesures supposent des accords mutuels en matière de réadmission des personnes, et seul le Maroc a signé un tel accord avec l'Espagne, mais qui n'est pas encore appliqué, les ONG du royaume chérifien s'étant opposées à la réadmission d'enfants marocains actuellement dans des centres de transit près de Madrid. L'ex-ministre du Travail français a en outre accusé autant le Maroc que l'Algérie de refuser d'accepter des accords de réadmission dans leur partenariat avec l'UE, des accords qui sont, selon lui, «très importants''. Pourquoi ? Parce qu'»ils permettent de renvoyer les gens dans des conditions acceptables». Pour Barrot, il faut donc renvoyer ces milliers d'immigrants clandestins qui écument l'Europe chez eux, et amener leurs Etats à coopérer pour le retour de ces clandestins dans leurs pays respectifs. Les frontières européennes, devenues presque hermétiques, le seraient davantage à l'avenir, selon Barrot qui ajoute que l'UE propose aussi d'organiser des patrouilles de surveillance au plus près des côtes de ces pays pour les aider à stopper les embarquements. «L'approche globale est fondamentale. Sinon nous ne pourrons pas résoudre les problèmes», a-t-il insisté.

En 2008, plus de 67.000 personnes ont traversé la Méditerranée pour demander l'asile en Europe, dont plus de la moitié sont arrivées en Italie et à Malte, selon des données publiées par le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Mais, face au dispositif de sécurité musclé des européens, les pays africains, dont l'Algérie, ont toujours appelé à une reconsidération des véritables raisons de l'immigration vers l'Europe. En outre, les pays africains ont demandé à l'UE une aide au développement plus conséquente et plus franche pour lutter plus efficacement contre l'immigration clandestine, et porter le développement du Nord au Sud. Quant à l'Algérie où le phénomène a pris des proportions alarmantes ces dernières années, des mesures drastiques ont été prises pour dissuader, autant que faire se peut, les Harragas, et lutter contre les réseaux de passeurs qui en ont fait un business mortel dans la plupart des cas.

Mais, avant que l'Europe n'accuse de ?'laxisme'' les pays maghrébins, encore faut-il que Bruxelles mette la main à la poche, et mette en avant des politiques de gestion du phénomène plus humaines, en collaboration étroite avec les autorités des pays concernés.