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C'est la guerre !

par Ahmed Saïfi Benziane

Israël a inauguré une guerre d'un genre nouveau. Un Etat fort soutenu par les plus grandes puissances du monde, militairement, financièrement, idéologiquement, contre une ville et sa région. Un Etat capable de détruire toute une région et qui en affiche la volonté, contre un parti politique élu démocratiquement et écarté du pouvoir par un jeu constitutionnel discutable. En toile de fond, deux élections, l'une en Palestine, déchiquetée géographiquement en pleine campagne pour présider une « autorité » sans Etat; l'autre en Israël, rongé par la corruption pour des élections législatives. En toile de fond, des morts et des blessés par centaines, une population qui a tout perdu et dont on veut extraire une reconnaissance, un amour forcé. En toile de fond, la haine n'a engendré que la haine et la violence, plus de violence.

Bien sûr que l'Etat théocratique installé en terre de Palestine, en guise de culpabilité occidentale de cette Europe post-hitlérienne, demeurera le tribut à payer envers l'Histoire. Bien sûr qu'envers l'Histoire, les Palestiniens ont payé le plus lourd tribut de cette culpabilité en perdant terre et maisons, payé de l'exil leur refus de vivre sous la botte du sionisme. Tenir de tels propos en Europe relèverait de ce que l'on a fini par pénaliser sous le nom d'« antisémitisme » pour imposer le silence sur toute remise en cause d'une Histoire falsifiée. Ceux qui sont restés en Palestine, et à défaut d'utiliser la terre pour se nourrir, utilisent ses pierres pour se défendre jusqu'à en faire un désert dans le désert. Un jet de pierre fait en tout cas moins de mal qu'une bombe lancée sur quatre enfants sous les yeux de leur mère. Qu'une armée lancée à l'assaut d'un peuple dont on dit qu'il est armé jusqu'aux dents, mais qui prouve chaque jour un peu plus son impuissance à exister en tant que peuple.

La faute à qui ? A une légende où Samson meurt en détruisant un temple des Philistins supposés ancêtres des Palestiniens. A Hollywood, qui a fait des « Dix commandements » une pièce à conviction pour condamner les Palestiniens à n'être que des occupants à chasser sur leur propre terre. Une proie trop facile à attraper dans une prison mortuaire. Et ce proverbe en hébreu moderne qui traduit « va à Ghaza » par « va au diable », diabolisant tout ce qui y vit jusqu'à la mer et au-delà.

Au-delà, le silence tue plus que les bombes. D'abord celui des « autres » Palestiniens « outrés » par la guerre mais qui ne manquent pas l'occasion de rappeler qu'ils avaient prévenu les chefs du Hamas, tout en tendant le bras pour alimenter la banque du sang et réclamer enfin que soit ouverte une frontière qui n'existe que pour faire semblant d'exister. Pour donner l'illusion que la Palestine existe même sous les bombes. C'est la position de l'Occident.

Ensuite vient la position de l'Egypte, voisin immédiat, ami d'Israël, gardien d'un tunnel appelé Rafah et qui se dit Oum Eddounia par adoption mal assumée d'une mère qui a abandonné sa famille pour se prostituer avec un étranger sans avoir besoin de le faire. Pour une bouchée de pain. Puis vient la position de la Jordanie, royaume préfabriqué et rétréci à force de trop vouloir se laver de sa responsabilité historique en cédant aux fast-foods anglo-américains et à force de jouer la modernité avec une mentalité bédouine qui se couvre la tête par deuil de soi. Puis vient le royaume wahhabite, patron exclusif de la Kaâba, utilisée juste pour tourner en rond sans mettre en valeur la symbolique du cercle solidaire en expiation des péchés qu'elle collectionne depuis la chute de Bagdad et bien avant. Sa position traditionnelle consiste à rassembler les pays arabes ou musulmans selon l'enjeu et à demander qu'Israël soit traduit devant le Tribunal pénal international. Devant quels juges ?

Dans cette périphérie, on peut retrouver la Syrie fraîchement réconciliée avec le Liban et menant quelques tractations sous table avec Israël pour reconquérir le Golan sans guerre. Bien sûr qu'il y aussi le Liban qui vient de se relever d'une boucherie impunie, bien que fortifié par une résistance aguerrie maintenant mais qui ne peut se limiter qu'à défendre quelques fermes de son Sud. En attendant.

En attendant que cette longue guerre, dont Olmert dit qu'elle « pourrait prendre du temps, et chacun de nous doit être patient afin que nous puissions accomplir notre tâche ». La tâche qui consiste à faire disparaître Ghaza et soumettre ses habitants à la loi du plus fort, une loi propre aux jungles que confortent les propos de Gordon Johndroe, porte-parole de la Maison-Blanche, en annonçant: « Ces gens ne sont rien d'autre que des voyous et Israël défend son peuple contre les terroristes comme le Hamas ». Ignorant que parmi ces « voyous », il y a des femmes et des enfants dont le seul crime est d'être nés musulmans ou chrétiens sur cette terre. Pourquoi s'étonner de tels propos lorsque complices du silence, les pays arabes interdisent les manifestations de la colère dans les rues alors qu'en plein coeur de l'Occident dit judéo-chrétien, pour les besoins du moment, se tiennent des meetings de soutien au peuple de Ghaza.

En temps de guerre, il faut choisir son camp. Et vite. La guerre n'étant pas un jeu d'enfants comme pourraient l'être les politiques locales et tribales du petit commerce maffieux, l'enjeu peut aller au-delà des lois du fait de son urgence. Il ne suffit plus de dire au Palestiniens : allez-y, nous arrivons, mais de les devancer dans leur combat contre la dernière honte de notre époque qu'est le sionisme, après l'apartheid.

De les fournir en armes et en vivres pour tenir tête à une armée résolue dans sa mission dévastatrice au lieu de se suffire à canaliser les foules vers des salles fermées et insonorisées. C'est le moindre des devoirs. La moindre des fois.