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Un ordre mondial désaxé

par Mustapha Aggoun

Les masques tombent, les illusions diplomatiques volent en éclats, le cynisme se montre dans sa nudité la plus brutale. L'attaque ordonnée par Donald Trump contre les installations nucléaires de la République islamique d'Iran en est l'incarnation parfaite.

Un acte unilatéral, sans mandat onusien, sans consultation du Congrès américain, sans validation par aucune instance légitime. Une décision non pas guidée par la défense des intérêts américains, ni par une menace avérée, mais bien dictée par les desiderata de l'entité sioniste qui a, une fois de plus, prouvé qu'elle tient Washington en laisse et le monde occidental.

Ce n'est pas une guerre contre le nucléaire. Ce n'est même pas une guerre préventive. C'est une guerre commandée, téléguidée, assumée au nom d'un État qui refuse toute règle, toute inspection, toute légitimité internationale. L'Iran, pourtant signataire du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP), n'a cessé de jouer la carte de la transparence. Ouvrant ses installations aux inspecteurs de l'AIEA, coopérant, dialoguant, résistant aux humiliations successives infligées par les puissances occidentales. Et pendant ce temps, Israël, qui détient clandestinement quelque 350 ogives nucléaires, continue de se soustraire à toute inspection, à tout cadre juridique international, en bénéficiant d'un silence complice de la part des chancelleries occidentales.

Il y a ici une inversion totale de la logique : l'agresseur se fait passer pour la victime, et la victime est traitée comme le danger imminent. L'Iran n'a jamais utilisé l'arme nucléaire qu'il ne possède d'ailleurs pas contre aucun de ses voisins, tandis qu'Israël brandit ses armes en permanence, occupe, bombarde, tue, menace, étouffe des peuples entiers dans une impunité spectaculaire.

Trump, en exécutant cette attaque insensée, ne fait pas que violer les règles du droit international. Il franchit une ligne rouge morale, révélant la soumission totale de l'Empire américain à l'agenda sioniste. Ce n'est plus une alliance, c'est une sujétion. Ce n'est plus une convergence stratégique, c'est une obéissance pavlovienne. L'attaque contre l'Iran ne répond à aucune logique géopolitique rationnelle. Elle est l'expression d'une volonté idéologique, fanatique, coloniale : celle de détruire tout État qui refuse de se plier à l'ordre imposé par Israël et ses relais occidentaux.

Et que fait l'Union européenne, dans cette farce sanglante ? Elle applaudit mollement, condamne du bout des lèvres, tout en justifiant l'injustifiable par le vocabulaire hypocrite de la «préoccupation sécuritaire». Derrière des mots creux, elle masque une lâcheté historique, une abdication morale. L'Europe, qui se targue d'être la gardienne des droits humains, devient l'instrument docile de la volonté d'un homme instable et d'un État hors-la-loi.

Quant aux régimes arabes ayant normalisé leurs relations avec Israël, leur silence est encore plus assourdissant. Ils applaudissent dans l'ombre, espérant sauver leur trône, leur privilège, leur illusion de sécurité, alors même que cette attaque contre l'Iran est un avertissement clair : aucun d'entre eux n'est à l'abri du chantage, de la manipulation ou du sacrifice.

Nous ne sommes plus dans le champ classique des relations internationales. Nous sommes face à une absurdité systémique, une logique où le droit est remplacé par la force, où la vérité est écrasée par la propagande, où les victimes doivent se taire pour ne pas déranger la mise en scène mondiale. L'attaque contre l'Iran n'est pas seulement une injustice. C'est une gifle infligée à toute intelligence humaine. C'est un crachat sur les efforts diplomatiques, une moquerie envers les principes fondateurs des Nations unies.

Et le monde regarde. Les peuples sont infantilisés, bombardés de récits officiels qui inversent les rôles, criminalisent les résistants et glorifient les bourreaux. À ce rythme, il ne restera bientôt plus rien de ce qu'on appelait autrefois l'ordre international. Seulement un empire brutal, guidé par une logique messianique, où la loi du plus fort écrase tout : la raison, la morale, la justice.

Ce n'est plus simplement une question d'équilibre géopolitique. C'est une question de dignité humaine. Car accepter cette attaque contre l'Iran, c'est accepter que des peuples entiers soient réduits au silence sous la menace nucléaire d'un État illégal. C'est entériner l'idée qu'il existe des civilisations supérieures, dont les bombes sont «défensives», et d'autres inférieures, dont la seule recherche scientifique est une provocation. C'est valider une hiérarchie raciste entre les peuples, où certains peuvent tuer, et d'autres doivent mourir avec docilité.

L'histoire jugera. Peut-être trop tard. Mais elle jugera. Et elle retiendra que Donald Trump, par cette décision, a donné au monde une preuve éclatante : ce ne sont pas les États-Unis qui dirigent le monde. C'est l'entité sioniste, par son lobby, son influence, son chantage. Et tant que cette vérité ne sera pas dite, hurlée, imposée dans les débats publics, aucune paix, aucun dialogue, aucune justice ne sera possible au Moyen-Orient ni ailleurs.