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Oran :
Abdelhamid Benachenhou (Tlemcen 1907-1976), Historien, Théologien, Moudjahid: Un parcours riche et un engagement
par Mourad Benachenhou ![]() Le Savant,
dont la courte biographie est présentée ici est l'exemple d'une génération
d'intellectuels qui ont été capables de surmonter l'obstacle de leur modeste
origine sociale et du système colonial oppressant, ont contribué à la
renaissance de la culture algérienne et à la redécouverte de son histoire, et
ont préparé la génération qui les a suivi à accomplir sa mission historique de
libération de la Nation algérienne et de retour de notre pays sur la scène
internationale comme Etat libre et indépendant.
La mémoire de ces grands hommes doit être entretenue car, au-delà de leurs propres accomplissements, ils constituent des exemples lumineux pour les générations montantes, et ont laissé un héritage intellectuel qui n'a nullement perdu de son originalité et de sa valeur scientifique et pédagogique. Ils méritent de continuer à être honorés, car leurs oeuvres constituent des trésors d'idées et de valeurs inépuisables, et qui ne tarissent ni ne tombent dans l'obsolescence. Ils sont d'autant plus à honorer qu'outre leur engagement intellectuel dont le précieux héritage subsiste encore, ils n'ont pas hésité, malgré leur âge avancé, à contribuer physiquement à la lutte de libération contre un ennemi impitoyable et puissant. Mohammed, dit Abdelhamid Benachenhou, dont le nom a été donné à l'Institut de Formation du personnel de l'Education, sise à Oran, est né le 7 décembre 1907 dans la maison familiale située à Qorann el kebir. Son père, Bouziane, est savetier et tient une petite échoppe prés de la mosquée du quartier. Sa mère est Hasna Nedjar, dite Nana. A l'époque l'administration coloniale avait interdit l'usage du prénom «Abdelhamid,» qui faisait référence au sultan ottoman Abdelhamid II, avec lequel l'Etat français était en conflit. Donc la famille a inscrit le nom de Mohammed à l'état civil, pendant qu'elle utilisait le nom de Abdelhamid pour l'appeler. A l'âge de 4 ans, Mohammed est inscrit à l'école coranique attachée à la mosquée. A l'âge de 9 ans, il termine la mémorisation des 60 hizib du Qoran. Son oncle paternel Wassini insiste pour qu'il soit inscrit à l'unique école «indigène pour garçons » de Tlemcen à l'époque, «l'école Décieux, maintenant appelée Ecole «El Abili,» du nom d'un grammairien arabe célèbre. A l'époque les enfants «indigènes» devaient être scolarisés pendant 7 années et recevoir un «certificat d'études primaires indigène,» qui constituait, pratiquement, le plus haut niveau scolaire auxquels ils pouvaient accéder. A 16 ans, Mohammed termine ses études primaires. Comme il ne pouvait pas s'inscrire au collège de Slane, réservé alors exclusivement aux enfants de colons européens, il trouve un travail comme télégraphiste dans la poste d'un village colonial, appelé «el Bouni,» situé dans la la région d'Aïn Témouchent. Il apprend à cette occasion le langage «morse.» A^rézs une année, il décide de trouver un moyen de continuer ses études. Comme il ne pouvait pas réaliser son rêve en Algérie, il demande à ses parents de le laisser partir étudier à l'université «Qarawiine,» située à Fès au Maroc et fondée par une femme au Xème siècle. Il utilise les faibles économies qu'il avait faite pendant son année passée à la poste, pour financer son voyage à Fès, voyage qu'il fait en diligence jusqu'à Maghnia, puis à pied jusqu'au siège de l'Université Qarawiine. Il traverse, dans son parcours, le désert de Guercif, alors encore peu peuplé, et rempli de bêtes sauvages, hyénes, loups, etc, et de serpents, et qui sépare Oujda de la première grande ville marocaine qui était Taza. Aux Qarawiine, l'inscription des élèves se faisait auprès des professeurs, dont chacun avait une colonne de la mosquée réservée à sa «halqa,» c'est-à-dire le cercle des étudiants qu'il avait acceptés après un test d'admission qu'il leur faisait subir. Mon père réussit aux tests de professeurs. Il est donc autorisé à faire partie d'un certain nombre de «halqa.» Il reçoit également une aide matérielle : l'accès à une place dans le dortoir collectif d'une des cités universitaires entourant la mosquée, le droit à un bol de harira et à un morceau de pain chaque jour, et à une djellaba chaque année. Chaque bâtiment de cette cité est réservé aux étudiants provenant d'une région spécifique ; Mohammed est logé dans le bâtiment des «Wastiia» nom donné alors aux Algériens. En 1930, Mohammed reçoit le diplôme final des Qarawiine, appelé «idjaza» ou «licence.» Il doit faire son service militaire dans l'armée coloniale et est affecté comme interprète militaire dans un village de l'anti Atlas marocain, appelé «Outat el Hadj,» situé dans une région berbérophone. Il y a apprend la langue «tamazight» locale. A la fin de son service, il passe le concours d'interprète, et est affecté dans le village de «Roumani,» situé à une trentaine de kilomètres à l'est de la ville de Rabat. Il est ensuite transféré à la direction des Affaires chérifiennes, dont les bureaux étaient situés dans l'enceinte du palais du sultan du Maroc, alors sous protectorat. Il se marie en 1933 à Hiba Rostane, alors âgée de 19 ans, fille de Hachemi Rostane , lui-même fils du fameux Bachagha Si Hamou Rostane, (décédé en 1929) et commis greffier nommé en 1933 au tribunal de Tlemcen et de Kheira Rostane, la cousine de son père. Il est également nommé professeur titulaire à l'Institut d'études supérieures marocaines, où il enseigne le droit administratif en langue arabe, et l'arabe moderne. Il s'intéresse à l'histoire du Maghreb, et publie plusieurs articles dans la revue scientifique «Hespéris,» revue publiée par l'Institut. Il est également très actif parmi la communauté algérienne au Maroc, relativement faible, mais essentiellement composée d'intellectuels, enseignants, médecins, pharmaciens, interprètes, juges, avocats. En 1942, il crée, avec l'aide financière d'un riche propriétaire terrien, Mohammed Khattab, la Fédération des Algériens musulmans du Maroc, dont il est élu président en 1947, poste qu'il abandonne en 1956 au profit du Dr Damerdji, mort ensuite en chahid, et dont le nom a été donné à l'ex rue de Paris à Tlemcen. A partir d'oût 1956, Mohammed devient très actif dans le mouvement nationaliste marocain. Il aide à la création et à l'armement de l'Armée de Libération marocaine, créée par le Docteur Khatib, un Algérien originaire de Chlef. A l'indépendance du Maroc, en mars 1956, Mohammed est nommé Directeur des Affaires générales au ministère de l'Intérieur marocain, puis Secrétaire général du même ministère. Dans ces fonctions, il aide l'ALN et le FLN à s'implanter et développer un réseau de relations avec le palais royal et la classe politique marocaine. De plus, il fait plusieurs missions secrètes à Alger, comme agent de liaison entre les membres du Commandement de la lutte de Libération installés au Maroc, et les membres du Comité de Coordination et d'Exécution encore présents à Alger. Usant des passeports marocains avec des pseudonymes juifs, il fait 32 voyages clandestins à Alger, le dernier étant, en avril 1956 en pleine «Bataille d'Alger.» Ces voyages s'effectuaient par avion à partir de la ville de Madrid. Mais, dans l'un de ses voyages à Alger, il est obligé de prendre le train avec son épouse Hiba, née Rostane, et leur nouveau née Nouria, dans les langes desquelles sont cachés des documents confidentiels destinés à Abane Ramdane et à BenKhedda, qui n'avaient pas encore quitté Alger. Le nom de «Mohammed Abdelhamid Benachenhou» est mentionné dans le fichier de la police de renseignements généraux, datant de 1956. Mohammed a pu donc déjoué la surveillance de la police coloniale, qui était au courant de ses activités, mais n'avait pas établi le lien entre lui et le «juif marocain», qui faisait des déplacements réguliers à Alger à partir de l'Espagne. En 1962, le roi du Maroc propose à Mohammed le poste de ministre de l'Intérieur, et lui demande de renoncer à sa nationalité algérienne, ce qu'il refuse. Il quitte le Maroc pour l'Algérie en 1964 et est nommé directeur du Journal officiel algérien, poste qu'il détient jusqu'à son décès à Tlemcen le 31 août 1976. Il est enterré au cimetière de sidi Snouci. Il a été membre de l'Association des Oulamas, qu'il a rejoint en 1936. Il a collaboré aux publications de cette association, et a écrit plusieurs articles dans la revue «El Bassair,» sous un pseudonyme, malheureusement oublié. Il a fait partie de l'UDMA et était un ami personnel de Ferhat Abbas, qu'il a accueilli à plusieurs reprises à Rabat, avant même le déclanchement de la lutte de Libération nationale. Il a reçu «les Palmes Académiques françaises,» qui ont récompensés ses travaux scientifiques, et le «Wissam Alaouite marocain,» pour l'aide qu'il a fournie à la lutte du peuple marocain pour son indépendance. Il a été membre du « Haut Conseil Islamique,» et a présenté plusieurs communications dans ce cadre. Il est l'auteur d'un livre en français sur l'Islam, parmi les 35 livres qu'il a écrit, dont un en arabe sur l'histoire de Tlemcen, qu'il a terminé alors qu'il était sur son lit de mort. Au cours de sa carrière de chercheur et d'écrivain, il publie ses livres en langues arabe et française, étant parfait bilingue. Il contribuait régulièrement à la revue de l'ANP «El Djeich» et animait une émission d'histoire du Maghreb à la Radio algérienne. Il a également enseigné l'arabe à l'Ecole nationale d'Administration. Principaux ouvrages Al Bayan Al Muthrib, ou (exposé sur le droit administratif marocain) Ousoul Al Sahiounia,( les origines du sionisme) Akhir Hukkam Gharnata,(les derniers rois de Grenade) Le Régime des terres au Maghreb, Léon l'Africain, Juba II, Du mandat ou Procuration, Maghreb, histoire et société, L'Islam.(une interprétation sunnite de l'Islam) Contes et récit du Maroc, Goethe et l'islam, L'État algérien en 1830, La Dynastie almoravide et son art En conclusion : ce fut un homme qui contribua par ses écrits comme par ses activités à la renaissance de la Patrie algérienne, et qui n'hésita pas à s'engager dans la lutte de Libération nationale en acceptant des missions dangereuses à l'intérieur du pays. Il a laissé une œuvre intellectuelle importante, qui continue à être exploitée et citée par les chercheurs. Il représente l'exemple des intellectuels de sa génération qui ont pu émerger malgré le système colonial et apporter leur part à la libération du pays et au retour du peuple algérien à ses racines culturelles historiques. |
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