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La Ligue arabe : le sursaut maintenant, ou jamais !

par Cherif Ali

Pour certains pays qui la composent, la Ligue arabe ne sert à rien. On le savait depuis quelque temps, mais le fait a pris encore, plus d'évidence ; il est devenu flagrant après l'agression israélienne contre Ghaza et le génocide qui s'en est suivi!

Le Sommet de la Ligue arabe doit se tenir donc le 27 de ce mois au Caire pour dire non au projet « Trumpien » de transformer Ghaza en « Riviera » et de déporter ses habitants hors de leur patrie d'origine.

Trump, le parfait usurier sans scrupules, star et grand artiste des cirques a déjà démontré qu'il était capable d'atteindre le plus haut étage des négriers. Il n'affirme pas en l'air pour la galerie que l'Egypte et la Jordanie seront bien obligées de plier les genoux devant lui. Il prouve chaque jour en expert du courtage humain qu'il a l'art de la déshumanisation. (1)

Les pays ayant signé les accords d'Abraham sont aujourd'hui dans l'embarras, d'autant que leurs populations restent, dans leur grande majorité, profondément attachées à la Cause palestinienne.

Mais qui peut croire que ceux qui ont détourné le regard face aux souffrances des Palestiniens, depuis des décennies veulent soudainement les sauver ? Qui peut prétendre que ceux qui n'ont jamais mobilisé leurs forces pour défendre Ghaza se soucient aujourd'hui de sa stabilité et de sa sécurité ?

Non, leur intervention n'est pas une mission de paix ; c'est une tentative de remodelage, une manipulation cynique visant à effacer la résistance et à détruire l'âme de ce peuple indomptable.

Ils viendront, parés du masque des sauveurs, mais leur rédemption est un mensonge. Ils installeront un gouvernement souple, docile, vidé de toute dignité, formé de figures soumises qui tourneront le dos à la lutte. Ils tenteront de redessiner la réalité, d'effacer la flamme de la résistance pour la remplacer par une illusion de paix. Mais quelle paix peut être construite sur les cadavres des martyrs ? Quelle sérénité peut naître de la trahison et de l'abandon ? (2)

Il faut dire que certains pays du Golfe qui dominent cette institution ne cachent plus leur volonté de la transformer en instrument des pays occidentaux. Les Palestiniens l'ont bien compris et ils n'ont compté que sur leur action propre et le soutien de nombreux amis pour faire des pas de géant dans leur lutte, notamment l'Algériequi n'a eu de cesse de porter leurs voix et défendre, bec et ongles, leur cause au sein du Conseil de Sécurité de l'ONU, jusqu'à contribuer à l'instauration d'un cessez-le-feu.

Pour l'heure, une réunion regroupant l'Arabie Saoudite, l'Égypte, le Qatar, les Emirates et la Jordanie est prévue quelques jours avant à Ryad pour, dit-on, entériner le rejet de la déportation des Palestiniens que promet de planifier le président américain avec la complicité de l'Etat sioniste. Pourquoi un tel partage de réunions et une séparation de débats pour un problème qui concerne l'ensemble du monde arabe en deux dates et deux lieux différents, s'interrogeait notre éditorialiste ?

La différence des intérêts de chaque Etat pourrait laisser entendre le souci des précautions chez les uns, mais aussi, elle n'écarte pas le risque de voir arriver au Caire tous les chefs d'Etat en ordre dispersé. (1)

Il ne croyait pas si bien dire puisque selon certaines « sources occidentales », le Sommet arabe pour répondre au plan de Trump pourrait être décalé de jeudi à vendredi.

Le Sommet de cinq pays arabes, dont l'Égypte et la Jordanie, prévu ce jeudi, à Ryad, afin de répondre au projet de Donald Trump pour Gaza, est reporté à vendredi et élargi aux six pays du Golfe, auraient indiqué lundi, sous couvert d'anonymat à l'AFP, deux diplomates arabes. Que « le mini-sommet arabe » aurait lieu le « 21 février » et non le 20 comme prévu initialement, précisant qu'il « réunira les dirigeants des six États du Conseil de coopération du Golfe (CCG), ainsi que l'Égypte et la Jordanie, pour examiner les alternatives arabes aux projets de Trump pour Ghaza ». Selon cette source, « un pays du Golfe influent a exprimé son mécontentement après avoir été exclu du sommet de Ryad, ce qui a poussé les organisateurs à inclure l'ensemble des pays du Golfe », sans préciser de quel pays il s'agissait.

Ceci pour dire « le sérieux » qui règne au sein de la Ligue arabe au moment même où la Nation Palestinienne joue sa survie! Et à ce niveau de notre contribution, comment ne pas se rappeler les propos de notre ancien ministre Ahmed-Taleb Ibrahimi, ancien chef de la diplomatie algérienne qui avait, en son temps, tenu des propos repris par un journal en ligne, « que la Ligue Arabe ne sert absolument à rien et qu'il est temps de tirer un trait ; les Arabes, a-t-il dit, sont tombés dans le piège du sectarisme ; on parle maintenant de sunnite, chiïte et autres ». Dans la foulée, il avait souhaité, que « les dirigeants « égyptiens dont le pays abrite la ligue, fassent preuve de hauteur et dépassent leurs crispations politiques et idéologiques et ouvrent les points de passage pour les Ghazaouis ».

L'Egypte, faut-il le dire a « phagocyté » cette instance régionale qui est à la solde des pays du Golfe et de leurs « alliés » occidentaux.

Si l'on excepte l'intermède du Tunisien Chadli Klibi qui avait assuré le secrétariat général de la Ligue arabe pendant la durée où le siège avait été transféré à Tunis suite à ce qui a été considéré comme « trahison » de l'Egypte (Accords de Camp David), cette organisation a toujours été entre ses mains. Il faut aussi rappeler la levée de boucliers de la part des Egyptiens et des autres membres influents, lors du Sommet de la Ligue arabe d'Alger, lorsqu'il a été question de réformer cette instance en mars 2005. Les charges contre la Ligue arabe, n'avaient pas cessées pour autant !

Le quotidien gouvernemental libyen ‘Al-Chams', par exemple, a rigoureusement dénoncé, à la veille de l'ouverture du Sommet de la Ligue arabe au Qatar, « la division entre l'Orient et le Maghreb arabe ». L'article observe que « les pays de l'Orient arabe sont des membres essentiels alors que les pays du Maghreb arabe sont des membres invités, uniquement, pour atteindre le quorum et remplir les formalités de la réunion et de la charte de l'Organisation ».' Al-Chams' a appelé « les Arabes de l'Afrique du Nord à couper ce lien imaginaire et cette illusion avec l'Orient arabe et à s'attacher au groupe 5+5 (regroupant les cinq pays riverains de la Méditerranée d'Europe et d'Afrique) ; les intérêts au sein de ce groupe, écrit le journal de Tripoli, sont plus clairs, plus concrets, plus transparents et plus solides que les promesses falsifiées de l'Orient arabe et ses engagements qui ne se réalisent pas.»

Le débat, comme on le constate, est encore d'actualité :

1. Faut-il quitter la Ligue arabe qui a vu ses murs se lézarder, sérieusement, qui n'en finit pas de compter ses divergences et qui roule pour les Occidentaux ?

2. Peut-on aussi et surtout parler de «divisions » entre pays du Machrek et pays du Maghreb ?

3. Oui à croire ces extraits d'un discours politique prononcé par un dirigeant Arabe qui a dit, sans ambages : (…) Il est vrai que ce qui unit les États Arabes est bien plus important que ce qui les divise.

4. Ces pays sont, en effet, unis par la force de l'histoire et de la civilisation, géographiquement, ils se compléteraient, naturellement, grâce aux ressources humaines et naturelles considérables qu'ils recèlent.

5 Quant aux peuples arabes, leur unité est scellée par la communauté de foi, de langage et de culture, et aussi par les liens de sang, de fraternité et de destin partagé. La complémentarité est, certes là, mais peut-on parler d'union, tant il est vrai que chaque pays arabe est bien plus dépendant et tributaire de sa sous-région géographique que son appartenance à une communauté religieuse et culturelle ?

Et puis, culturellement, et en dehors de la langue arabe classique, quel lien pourrait-il exister entre des arabo-amazighs Maghrébins et des arabes-bédouins de la péninsule ?

Peut-on dire, réellement, que l'arabe est un ciment, sachant que pas un seul arabe ne parle l'arabe classique dans la vie quotidienne, chacun ayant développé son dialecte, différent d'un pays à l'autre et d'une région d'un même pays à une autre ? (…)

De ce qui précède, on peut s'autoriser à penser déjà que :

1. L'unité arabe, depuis le temps qu'on en parle, ne soit qu'une chimère !

2. Elle est, très certainement, une nécessité stratégique, mais toutes les nécessités stratégiques ne sont pas, nécessairement, réalisables.

3. La Ligue arabe, en l'état, n'est qu'une coquille vide... à moins d'un sursaut maintenant, ou jamais !

Notes:

(1)Le prix de la compromission (Abdou Benabbou)

(2) Les sauveurs...! (Mustapha Aggoun)