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Achever ce que le monde a commencé lors de la Conférence des Nations Unies sur les océans

par John F. Kerry*

NICE – Alors que la troisième Conférence des Nations Unies sur les océans vient de prendre fin à Nice, nombreux sont les motifs de satisfaction, mais également les questions que le monde doit encore résoudre dans la perspective de la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP30), qui se tiendra cette année à Belém, au Brésil.

Dans un contexte d'incertitude mondiale et d'interrogations sur la capacité des processus multilatéraux à produire des résultats, les États représentés à Nice se sont montrés largement unis autour de la nécessité d'apporter une réponse plus ambitieuse aux défis auxquels nos océans sont confrontés. Il ne s'agit pour autant que d'une première étape. Nous devons accomplir beaucoup plus d'ici la COP30, si nous entendons sauver à temps ce bien commun planétaire indispensable à la vie.

Parmi les résultats à célébrer, le Traité pour la protection de la haute mer progresse remarquablement. Ce texte ayant été ratifié à Nice par 19 États, et une dizaine d'autres s'étant engagés à le faire, nous sommes désormais en bonne voie pour que cet accord mondial historique entre en vigueur d'ici le début de l'année 2026, ce qui permettra la création de zones marines protégées en haute mer, remédiant ainsi à une lacune considérable en matière de gouvernance des océans.

L'accomplissement de l'objectif consistant à protéger au moins 30% de la surface océanique de la planète est impossible sans une sanctuarisation de vastes zones de haute mer, celle-ci représentant en effet deux tiers des océans et la moitié de la surface de notre planète. La mise en place d'une protection marine est particulièrement urgente dans les régions polaires, qui se situent en première ligne de la crise climatique. La situation est désastreuse dans l'océan Austral, et impose que des mesures soient prises immédiatement pour faire avancer un certain nombre de propositions depuis trop longtemps au point mort en matière de protection de zones marines. Ces mesures permettront à la fois de préserver la capacité de contribution des océans à l'atténuation du changement climatique (par l'absorption de carbone) et d'accroître la résilience des espèces marines face au réchauffement des températures (notamment en éliminant les pressions exercées par la surpêche).

À Nice, plusieurs États ont par ailleurs annoncé d'importantes nouvelles protections marines dans leurs eaux nationales. La Polynésie française a ainsi dévoilé ce qui constituera le plus grand réseau mondial de zones protégées, sur près de cinq millions de kilomètres carrés. La conférence a également produit des avancées encourageantes en matière de lutte contre la pollution plastique et de limitation des pratiques de pêche les plus destructrices.

Aucune de ces avancées ne saurait pour autant être considérée comme un tournant en matière de protection des océans. Chacune s'inscrit davantage dans une évolution plus large : une marée montante d'ambitions plus exigeantes, qui doit encore parcourir du chemin.

Penchons-nous sur ce qu'il reste à accomplir. Premièrement, nous sommes encore loin du compte en termes de désignation et de mise en œuvre de la protection marine. Même après Nice, 10% seulement des étendues marines sont aujourd'hui protégées dans une certaine mesure, bien en dessous du niveau de 30% que nous devons atteindre d'ici la fin de la décennie. Plus problématique encore, de nombreuses zones protégées ne le sont que sur le papier. Beaucoup auraient par exemple espéré qu'un grand défenseur de l'environnement tel que la France annonce une interdiction stricte du chalutage de fond dans ses zones protégées. Il est néanmoins encore temps pour davantage d'États de montrer l'exemple, notamment lors de la COP30. Deuxièmement, la question financière demeure problématique. Un écart considérable s'observe encore entre ce qui est promis et ce qui est fourni. Au niveau mondial, 1,2 milliard $ seulement sont consacrés chaque année à la protection des océans, soit moins de 10% du montant nécessaire, alors même que les études démontrent que la protection de 30% des étendues marines d'ici 2030 pourrait créer 85 milliards $ de valeur chaque année jusqu'en 2050. La réorientation des fonds alloués aux subventions à la pêche dans seulement dix États permettrait de combler le déficit de financement de la protection des océans. Les dépenses publiques doivent réhabiliter cette ressource essentielle, pas la fragiliser.

Troisièmement, le silence a été assourdissant à Nice en ce qui concerne notre addiction aux combustibles fossiles. Alors même que le monde s'est engagé il y a deux ans, lors de la COP28 de Dubaï, à «opérer une transition» loin des combustibles fossiles, cette question semble rouverte à chaque rassemblement multilatéral. La crise climatique constituant une menace existentielle pour toutes les formes de vie sur notre planète bleue, l'exploitation sans limite du pétrole et du gaz en mer s'inscrit à l'opposé de tous les objectifs que nous nous sommes fixés. Point positif néanmoins, le Blue NDC Challenge – lancé par le Brésil ainsi que la France, et soutenu par huit pays inauguraux – œuvre pour que des mesures relatives aux océans soient incluses dans les plans nationaux sur le climat.

La conférence de Nice doit devenir le tremplin d'une action plus ambitieuse pour les océans à Belém. La COP30 constitue l'événement idéal pour annoncer de nouvelles protections marines et de nouveaux financements des efforts de conservation dans les pays en voie de développement, ainsi que du renforcement de la résilience dans les États insulaires et côtiers vulnérables.

À la présidence de la COP30, et en tant que pays côtier, le Brésil a l'opportunité d'exploiter la dynamique amorcée à Nice pour intégrer la réponse mondiale face à une crise climatique et une crise océanique interconnectées. Nous avons le choix. Nous pouvons devenir la génération qui aura transformé les paroles en actes, ou nous pouvons laisser notre bien commun le plus important s'effondrer irrémédiablement. Il y a urgence en ce qui concerne les océans. Il est indispensable que la COP30 produise des résultats.



*A été Secrétaire d'État américain et envoyé spécial du président des États-Unis pour le climat.