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«Oui, ces choses ont été
dites, mais je les répéterai jusqu'à ce que vous les ayez comprises» (Gaston
Miron)
Donc, M. Abdelaziz Bouteflika et sa clique ne semblent pas comprendre les messages fermes de divorce du peuple puisqu'ils lui répondent par des lettres de propositions d'un nouveau mariage forcé. A ce dialogue de sourds installé depuis le 22 février dernier, s'ajoute l'aveuglement de ce pouvoir qui n'a pas encore saisi la réalité de sa débâcle, barricadé qu'il est dans son château, là-haut sur la tête de l'Algérie. Par conséquent, tant que le pouvoir restera sourd et cloîtré chez lui, le peuple restera à son tour libre dans la rue à répéter sa «lettre-requête» de divorce à lui: pas de nouvelle union possible. «Je suis responsable de ce que je dis, pas de ce que tu entends ou ce que tu comprends», explique un axiome en psychologie de la communication. Au «dégage» lancé par le peuple, le pouvoir comprend «reste encore». Du coup, l'angoisse d'une impasse politique durable envahit beaucoup de monde à commencer par le pouvoir lui-même, les partis de l'opposition, les personnalités publiques connues, etc. Sauf le peuple qui, lui n'est pas à une semaine près d'interrogations angoissantes sur son avenir. C'est toute la différence entre ce système et son pouvoir habitués depuis 1962 à vivre dans l'insouciance, l'abondance comme un héritage naturel jusqu'à l'impotence, jusqu'à se muer en un gros et gras fainéant. Face à lui, ce peuple qui a tant supporté le vol de son pays et le mépris à sa dignité n'a plus rien à perdre. Que du contraire, il a tout à gagner dans cet affrontement. Il a développé des anticorps à la douleur, au viol de ses droits et de ses libertés. L'idée qui faisait des Algériens un peuple de fainéants n'est rien d'autre que le reflet du système de sa propre image. Que les Algériens soient des indisciplinés violents incapables de manifester dans l'ordre et le calme est une autre idée intériorisée par ce pouvoir et son système par habitude de la répression et de l'impunité de ses actes. Depuis le 22 février, les Algériens répondent et démontent, un à un, les fantasmes et clichés fabriqués et entretenus par ce pouvoir qui vit encore loin, en dehors de ce pays et son peuple. D'ailleurs, ne cherche-t-il pas des conseils et soutiens hors du pays? En Russie, Italie, USA et bien entendu chez son amie de toujours, la France? Pendant que le peuple lui offre gratuitement et généreusement plus d'un conseil pour une séparation à l'amiable, il détourne comme à son habitude le regard ailleurs. S'il daignait lire et surtout comprendre les mille et un calicots écrits et dessins sur les banderoles et pancartes des manifestants, entendre les mots d'ordre chantés dans les rues du pays, il découvrirait le programme politique que le peuple revendique et défend et la sortie honorable qu'il lui offre: un départ sans rancune, ni haine. Peut-être bien un départ avec amnistie, sans rendre compte ni payer de frais. Après tout, ce pouvoir n'a-t-il pas fait de l'amnistie sans frais de bien de délits plus graves à ses amis, complices et soutiens? Les Algériens sauront être cléments et généreux à leur tour. Pas par faiblesse ni oubli, mais pour en finir avec la violence et la vengeance qui caractérisent la prise de pouvoir répétée par les mêmes depuis la guerre de libération nationale et inscrites dans l'ADN de ce pouvoir qui nous gouverne. Les Algériens indiquent clairement et avec lucidité la sortie de crise à ce pouvoir: «Partez, sans violence et sans vengeance». Le reste, la suite, le peuple s'en chargera pour tracer sa route. Quel que sera l'avenir que se choisiront les Algériennes et Algériens, il ne peut être pire que celui dans lequel les promènent le système et son pouvoir depuis le début. Les menaces et peurs sous-entendues dans les réponses de Bouteflika ou du moins celles que ce pouvoir occulte lui attribue, telles celles du «avec nous, sinon c'est l'anarchie» ne convainquent plus personnes. «Tout sauf avec vous», répond le peuple en chœur. Et il est évident que la suite, l'après Bouteflika, ne sera ni aisée, ni facile. Il y aura des maladresses, des couacs, des disputes légitimes, des joies et des déceptions, de la sueur et des fatigues, mais rien de tous ces «tombées et remontées», obstacles et inattendus qui guettent le pays comme autant de pièges posés par le système n'empêcheront au final l'accès à la liberté, la justice et la démocratie. C'est une bataille de la dignité et de la liberté et elle a un prix. Le peuple en a payé une grande partie, la plus chère, faite de patience et du poids des privations et des frustrations. Il sait qu'il lui reste encore un solde de tout compte avec sa propre Histoire. Il l'entame aujourd'hui. Seul ce pouvoir et sa clique ne l'ont pas encore bien compris et vivent encore dans leurs certitudes qu'ils peuvent renaître en rusant comme à leur habitude, en croyant perpétuer leur domination avec des promesses auxquelles eux-mêmes n'y croient guère. C'est l'autre maladie de ce pouvoir: la mythomanie. Il a tellement menti et ment encore qu'il finit par croire à ses propres mensonges. Hier seulement, l'ex-Premier ministre Ouyahia accusait le peuple de ne pas savoir manifester dans l'ordre et sans violence pour justifier l'interdiction des manifestations à Alger, rejetait d'un revers de main les doléance des manifestants, puis le lendemain de son licenciement, il déclare sans honte que le «pouvoir doit répondre aux doléances du peuple» et ose même, parait-il, rejoindre les marcheurs. Un caricaturiste a dessiné Ouyahia retournant sa veste plus rapidement que son ombre. Combien sont-ils à quitter le navire de Bouteflika et ses amis alors qu'ils ont goûté et dansé dans une croisière de vingt ans sur le dos des Algériens? Ils se ressemblent tous avec Bouteflika et sa clique. Lui, M. Abdelaziz Bouteflika, n'a-t-il pas juré sur le Coran, en 1999, de respecter la Constitution qui limitait à deux les mandats présidentiels du même président? Il nous a menti et parjuré le Coran. Ne nous a-t-il pas promis que le quatrième mandat était son dernier? Il nous ment encore ! Dans ces cas pourquoi voudrait-il que les Algériennes et les Algériens croient encore en ses nouvelles «promesses» de tout changer, tout reconstruire, d'abandonner le pouvoir, tout cela en quelques mois? Certainement qu'il y croit lui et la clique qui l'accompagne, mythomanie oblige. Malheureusement, les honneurs du pouvoir plongent son détenteur dans un tel vertige éblouissant qu'il engendre une obsédante dépendance, mille fois plus tenace et inguérissable que celle d'un «junky» à l'héroïne en phase terminale. C'est toute la difficulté de faire accepter à ce pouvoir et son système, avant sa phase terminale, le traitement gracieux et sans douleur que le peuple dans son immense générosité lui offre: partir sans crainte de rancune ou de vengeance. Il attendra la réponse le temps qu'il faudra, en faisant les cent pas au seuil de sa maison Algérie. |
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