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![]() ![]() ![]() ![]() Mohamed Rouaï, également connu sous les noms de Si Tewfik ou El Hadj Barrigou, fut une figure majeure et discrète de la guerre d’indépendance algérienne. Né le 26 mai 1929 à Mohammadia (anciennement Perrégaux) dans la wilaya de Mascara, il s’engagea très tôt dans le nationalisme en rejoignant le Parti du peuple algérien (PPA) puis le Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD). Sa rencontre avec Abdelhafid Boussouf, futur chef du ministère de l’Armement et des Liaisons générales (MALG), fut déterminante pour son parcours révolutionnaire. Mohamed Rouaï joua un rôle central dans les services secrets de la Révolution algérienne. Il fut nommé directeur de la Direction des Liaisons générales (DLG) du MALG de 1958 à 1962. À ce poste, il supervisa l’acheminement du courrier, des documents confidentiels et des armes entre les bases de l’Armée de libération nationale (ALN) et le Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), via des villes stratégiques comme Tunis, Le Caire, Rabat ou Genève. Il fut également responsable du service spécial S4, une structure ultra secrète chargée de l’approvisionnement en armes des maquis de l’intérieur, en déjouant les dispositifs de sécurité français tels que les lignes Challe et Morice. Ce service était si confidentiel que même certains cadres du MALG ignoraient son existence. Un homme de l’ombre Homme de confiance de Boussouf, Mohamed Rouaï était réputé pour sa discrétion, sa rigueur et son efficacité. Il participa à la préparation des dossiers stratégiques lors des négociations d’Évian et fut l’un des rares à se retirer de la vie politique après l’indépendance, fidèle à son engagement initial. Il décéda prématurément le 24 mai 1977, à l’âge de 48 ans, et fut inhumé à Sidi Dahou, dans les monts de Beni Chougrane, sa terre natale. Héritage Bien que peu connu du grand public, Mohamed Rouaï est considéré comme l’un des architectes silencieux de la victoire algérienne. Des témoignages de ses compagnons d’armes soulignent son rôle crucial dans la structuration des services de renseignement et de logistique du FLN. Son parcours incarne l’engagement total et discret au service d’une cause nationale. Ayant fait preuve de ses qualités de meneur d’hommes et de stratège, à travers toutes les missions qui lui ont été confiées, c’est tout naturellement qu’il sera le plus proche et l’homme de confiance de Boussouf. Ce dernier lui confiera une nouvelle mission «ultra secrète», à la tête d’une nouvelle structure appelée «S4». Un service spécial d’une extrême sensibilité, dont même les cadres du MALG ignoraient son existence. «Tous les services que Boussouf avait créés avaient cette caractéristique du secret, mais ce service spécial devait l’être davantage à ses yeux. C’est lui même qui avait dénommé ainsi, sans nous donner d’explication sur la signification du S4. Il avait décidé de confier la direction de cette nouvelle structure à son homme de confiance, le plus proche, son vrai bras droit qui lui est resté fidèle jusqu’au bout, Mohamed Rouai....», tel est le témoignage d’un ancien cadre et responsable au sein du MALG, Mohamed Lamkami sur cette structure secrète. Ce service spécial, tenu par si Tewfik, avait pour mission de faire parvenir le maximum d’armes dans les wilayas et d’approvisionner les combattants de l’ALN de l’intérieur en armes et munitions... Au fil des missions, réussies, il deviendra l’un des hommes les plus recherchés, et tous les efforts déployés par les services de renseignement français pour l’identifier ou le localiser se sont avérés vains. Jusqu’aux derniers moments qui ont précédé l’indépendance, il sera présent. Lors des négociations entre le GPRA et l’Etat français, il prendra part à la confection des dossiers stratégiques des négociations. L’histoire de la révolution algérienne retiendra d’autres importants faits d’armes du défunt si Tewfik, entre autres, l’infiltration d’un Algérien originaire d’Oran, nommé Mokhtar, qu’il a réussi à envoyer à Genève. Il s’agit du militant qui a eu l’idée d’acheminer des armes en provenance du Maroc camouflés dans des rouleaux de bitume... Dès l’indépendance il s’illustra une fois encore en signant en compagnie de sept autres cadres du MALG et militants de la cause nationale, entre autres, Noureddine Yazid Zerhouni, Boualem Bessaih, Mohamed Lamkami, Kasdi Merbah, un communiqué rendu public le 16 juillet 1962 en réaction aux tiraillements entre frères de combat. Un véritable testament de fidélité à la révolution de novembre 54, demandant aux différents protagonistes de dépasser leurs divergences dans l’intérêt du pays et de l’unité nationale. Avec un sentiment du devoir accompli, le défunt se retira de la vie politique juste après l’indépendance. Son humilité et sa modestie l’empêcheront d’étaler au grand jour ses nombreux faits d’armes. Boualem Bessaih dira de lui qu’il était un homme secret, rigoureux, d’une grande rectitude morale, fidèle en amitié, affable et courtois, des qualités que lui reconnaissent tous ses interlocuteurs. C’est sans doute pour cela qu’il fut choisi par le colonel Boumediene pour être son officier de liaison et le canal privilégié de ses contacts confidentiels. Sa proximité avec Boumediene et Lotfi d’abord, puis avec Boussouf, a contribué grandement à l’affermissement de sa personnalité et à élargir son champ d’observation aussi bien sur les hommes que sur les évènements. Pour sa part, M.Abdelkrim Hassani, officier de l’ALN responsable de la formation des opérateurs radio durant la guerre de libération nationale et commandant de la base nationale Didouche Mourad, dira qu’il fut l’un de ceux que Boussouf avait choisi en tant que pionnier du service S4 peu connu du public au cours des années 1960, pour réanimer les réseaux de communication, de liaison et des technologies des armements. Avec ses compagnons, il a marqué le processus de développement des services spécialisés du MALG. Il était à l’avant-garde aux côtés de Bouteflika en 1956, et compagnon de Boussouf dans les rangs de l’OS, bien avant 1954. Il connaissait les hommes, le terrain, les qualités et les défauts des uns et des autres. Il savait juger et jauger. En plaçant Si Tewfik au niveau élevé du service spécialisé S4, Boussouf avait la conviction qu’il pouvait assurer la sécurité de la révolution, ou du moins éviter des surprises d’un ennemi aux abois mais capable de faire du mal. D’autres témoignages reflètent largement les valeurs de cet homme au parcours forgé dans le nationalisme, le patriotisme et le dévouement total pour son pays. Tous ont insisté dans leurs témoignages sur ses qualités humaines et les valeurs morales qu’ils ont qualifiées de véritable exemple de patriotisme et de militantisme pour les générations passées et futures. Un symbole de loyauté et de fidélité qui avait assumé toutes ses responsabilités tout en étant conscient, de par son expérience de militant, du poids de ses responsabilités. «Si l’Algérie a pu construire des universités, assurer des études aux jeunes Algériens, c’est grâce à ces personnes qui avaient sacrifié leur jeunesse pour mener la lutte contre le colonialisme. La grande leçon de mon frère est cet amour profond pour l’Algérie. Cela peut paraître dérisoire aujourd’hui, mais à l’époque c’était difficile car nous vivions sous le régime de la colonisation», dira sa sœur Ftima en évoquant le commandant Rouai. Son épouse, la moudjahida Saliha Azzi retiendra de lui l’image d’un homme humble et surtout très discret. «Il parlait très peu de son action au sein du Malg... même après l’indépendance, il n’évoquait jamais ce qu’il avait vécu avec ses compagnons...» Mohamed Rouaï était un homme serviable, disponible et à l’écoute des gens qui le sollicitaient. |