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La crise économique et financière de la zone euro très ressemblante aux crises monétaires des années 1970

par Medjdoub Hamed *

Dans toute économie, les échanges de richesses entre nations conditionnent leur croissance économique. Plus il y a d'échanges, plus les richesses augmentent par un effet d'entraînement des intérêts des uns et des autres qui aspirent à un mieux-vivre.

Donc il n'y a croissance que si les pays, en échangeant, y trouvent un intérêt mutuel. Et pour que cet optimum soit réalisé, il nécessite un dispositif monétaire qui puisse servir d'étalon à tous les biens échangés entre les nations et qui requiert la confiance de tous sur son emploi.

UN CAPITALISME EN CRISE

Et ce dispositif monétaire existe après le Deuxième Conflit mondial, c'est le dollar américain. Si le système monétaire international basé sur le dollar n'est pas pérenne, il reste qu'il remplit bien sa fonction même si celle-ci a souvent été contestée.

Aussi peut-on dire que l'acceptation du dollar depuis les accords de Bretton Woods, en 1944, a eu des effets positifs pour l'économie mondiale puisqu'elle a permis une forte période de croissance à la fois pour l'Occident et le reste du monde. Période que l'on a appelée historiquement les « Trente Glorieuses». Les pays du Tiers-Monde en pleine phase de décolonisation et de construction de leurs pays ont aussi bénéficié des «Trente Glorieuses» par les investissements directs que les pays occidentaux ont octroyés. Dans un cadre de croissance mutuelle. Cette période de forte croissance, de faible endettement et fort taux d'emploi dans le monde, on l'avait qualifiée dans notre précédente analyse par le «premier acte du système de gouvernance monétaire mondiale» d'après-guerre. (1)

Si, jusqu'aux années 1960, l'«économie mondiale a suivi une trajectoire globalement vertueuse», la situation va devenir conflictuelle entre l'Europe et les États-Unis sur le plan monétaire. Une Amérique qui perd de plus en plus de parts de marchés dans le monde et enregistre des déficits commerciaux qu'elle ne finance que par la création monétaire (sans contrepartie or) ne peut que poser des problèmes d'équitabilité dans les échanges internationaux.

D'autant plus que les effets de la guerre ont disparu, l'Europe, ayant retrouvé ses parts de marchés dans le monde, pèse désormais sur le commerce mondial. Au point que les États-Unis, sans alternative, ont mis fin le 15 août 1971 à la convertibilité du dollar en or. Décision motivée par la forte baisse du stock d'or américain.

Quelle solution au capitalisme en crise ? Quand les deux tenants du capitalisme mondial, c'est-à-dire les États-Unis et l'Europe, campent sur leurs positions ? les Européens refusaient d'absorber les dollars américains ?, le risque à craindre est que les États-Unis cessent d'émettre des liquidités internationales suffisantes pour financer l'économie mondiale. Un peu ce qui se passe aujourd'hui en zone euro. L'Allemagne refuse à la BCE d'injecter des liquidités supplémentaires pour financer l'économie de la zone euro, plongeant la moitié de l'Europe en régime austéritaire. Résultat : « les économies d'une partie de l'Europe, exsangues, sont laminées par les plans d'austérité à répétition. »

LA CRISE DE LA ZONE EURO RAPPELLE LES CRISES MONETAIRES DES ANNEES 1970

Si les États-Unis, au début des années 1970, seraient forcés de ne plus émettre de liquidités supplémentaires, les pays du reste du monde qui n'ont pas de monnaies internationales et ont toutes leurs monnaies ancrées sur les monnaies occidentales, seront inévitablement pénalisés. Insuffisance de liquidités internationales par la crise monétaire mais aussi par la faute de l'Europe qui n'a regardé que ses intérêts immédiats sans regarder les intérêts des pays du reste du monde qui jouent en quelque sorte un rôle de «stabilisateurs automatiques» de l'économie mondiale. Une situation qui se traduirait, comme pour les pays de la zone euro, par un étouffement de leurs économies, avec des effets récessionnistes dévastateurs qui ressembleraient aux effets des plans d'austérité auxquels sont soumis les pays de la zone euro. Ou pire encore ressembleraient à la situation déflationniste des années 1930.

«Une paupérisation en marche pour l'ensemble des pays du reste du monde qui ne disposent pas de monnaies internationales, aura forcément, par une demande du reste du monde bloquée, un retentissement désastreux sur l'économie occidentale ». Un effet boomerang. Ce que reflète les conséquences des plans d'austérité aujourd'hui sur l'économie de l'Allemagne.

En effet, comme on l'a déjà énoncé, « une puissance industrielle ne vaut que par ses débouchés ». Si elle n'a pas de débouchés, cette puissance s'ankylose, meurt. Et si elle a peu, elle se paupérise, rendant une grande partie de ses structures industrielles inopérante, inutile. Avec ses cohortes de millions de chômeurs partout qui iront en s'agrandissant. Et c'est ce qui risquait d'arriver aux puissances occidentales. Et c'est cela le facteur massue qu'il faut éviter.

Précisément, le reste des pays du monde qui jusqu'ici a été oublié sur le plan monétaire international va changer les donnes. En affirmant leur préférence de libeller leurs exportations en dollars, les pays du reste du monde exportateurs de matières premières et de pétrole donnent le blanc-seing aux États-Unis pour affirmer leur monnaie comme monnaie-centre du système monétaire international. C'est ce qu'on a appelé l'«acte 2 du système de gouvernance monétaire mondiale».

Par ce libellé monétaire octroyé surtout par les pays arabes majoritaires dans le cartel pétrolier, l'OPEP, les États-Unis peuvent désormais émettre autant de liquidités que nécessaire pour leur économie. Les deux krachs pétroliers de 1973 et 1979 auront été «un formidable substitut» pour régler la guerre monétaire entre les deux grands versants de l'Occident. Si les économies des pays du reste du monde, en particulier les pays exportateurs de pétrole, ont beaucoup gagné des crises monétaires occidentales, en enregistrant une hausse appréciable des prix de leurs matières premières et du pétrole, il demeure cependant que le gain retiré n'aura été qu'un « juste rééquilibrage des cours des prix des matières et pétrole sur le plan international ». Les bas prix auxquels étaient ajustés les prix des matières premières et du pétrole avant 1973, et que fixaient par les États-Unis et l'Europe, signifiaient simplement que ces pays faisaient l'« objet de spoliation d'une bonne partie de la vraie valeur de leurs richesses exportées ». Et que ces krachs finalement ont dévoilée.

On a mis, à cette époque, l'inflation mondiale qui a suivi au compte de la hausse des prix du pétrole ainsi que la récession en Occident après le premier krach pétrolier. Alors qu'en réalité, la récession qui a suivi n'a été qu'une réadaptation au nouveau réajustement des prix des matières de bases dans le monde. Il ne pouvait être autrement, un réajustement des richesses entre le Nord et Sud et la courte récession qui suivit en Europe, d'ailleurs rapidement dépassée grâce au « droit de seigneuriage des monnaies européennes sur les pays du reste du monde », ont évité à l'économie mondiale CE QUI ARRIVE A LA ZONE EURO DEPUIS 2008, voilà six ans, et toujours sans visibilité de sortie de crise.

CONCLUSION

Le pétrole devenait de facto une contrepartie physique « discrétionnaire » aux émissions monétaires américaines ex nihilo non seulement pour financer les déficits américains mais pour soutenir l'économie mondiale. Une contrepartie physique qu'aspirait aussi l'Europe. Se rappeler les pays européens qui ont commencé à enfreindre l'embargo anglo-américain, en 2000, par des vols humanitaires, lorsque Saddam Hussein a commencé à libeller son pétrole en euros.

D'autre part, et ceci est incroyable, l'Allemagne qui INTERDIT aujourd'hui à la Banque centrale européenne de déprécier l'euro pour octroyer plus de compétitivité-prix aux exportations de la zone, EN A FORTEMENT USÉ dans les années 1970. Et pas seulement pour dégonfler le deutschemark face au dollar, et gagner en compétitivité commerciale, mais aussi de profiter au maximum de sa monnaie pour dégonfler « monétairement » le prix du baril de pétrole, qui était, à cette époque, très élevé. Aussi peut-on dire « d'autres temps, d'autres enjeux, d'autres réponses ».

Quant à la solution à la crise de la zone euro, il manque indubitablement un facteur externe pour trancher sur les problèmes intra-zone européenne tant les positions des parties en présence sont inconciliables. Comme cela fut pour les pays du reste du monde qui ont changé les donnes en 1973. Comment ce facteur externe apparaîtra-t-il ? Ce sera là évidemment toute l'énigme.

*Auteur et chercheur spécialisé en Economie mondiale, Relations internationales et Prospective.

Note :

1- «Comment l'Endettement de l'Occident a contribué à changer la Face du Monde ? Tyrannie ou triomphe de l'Argent pour le Progrès du Monde ?», publié sur www.agoravox.fr, le 18 octobre 2014, par Medjdoub Hamed