
Le sport aussi a eu ses martyrs,
et la liste serait longue à dresser car elle concerne toutes les disciplines.
Aujourd'hui, à titre de devoir de mémoire, nous évoquerons le cas du jeune (25
ans) Ahmed Triki, décédé il y a presque 50 ans dans
l'exercice de ses fonctions lors d'une sortie du bateau-école « Caravelle », et
sur lequel avaient pris place huit enfants, avides d'assimiler les rudiments
d'une discipline à risques. C'est une histoire belle et douloureuse à la fois.
C'était le 31 décembre 1971,
et beaucoup de gens s'apprêtaient à fêter cette fin d'année. Du côté des
falaises, à proximité de «Cueva del Agua» le
bateau-école, sous l'effet des grosses vagues, chavire. N'écoutant que son
courage, Ahmed Triki, brillant nageur, déploie des
efforts inouïs et parvient à ramener ses huit élèves sur la jetée. Il aurait pu
se contenter de ce qui était déjà un authentique exploit. Mais Ahmed Triki se remet à l'eau pour tenter de récupérer le bateau.
Hélas, ce dernier, violemment secoué par les vagues chavire et se retourne sur
lui-même, l'encadreur recevant le mât sur la tête. Un coup fatal qui a causé la
mort de ce sportif intrépide. Aujourd'hui, un demi-siècle après cette tragédie,
les enfants sont des adultes et ont spontanément accepté de témoigner et
d'évoquer les faits tels qu'ils se sont passés. C'est que son frère aîné, Benyounès Triki, âgé de 87 ans,
qui a recueilli les témoignages de ceux qui ont vécu ce drame, est resté marqué
à jamais. Bien que sincère pratiquant soumis à la volonté divine, il ne s'est
jamais remis de la douloureuse disparition de son jeune frère, ravi à
l'affection de sa famille à 25 ans seulement. Il avait de belles années devant
lui dans cette discipline pas comme les autres qu'il exerçait avec amour et un
dévouement exemplaire. Tous les témoignages recueillis sont concordants : Ahmed
Triki est mort en héros après avoir fait l'essentiel,
c'est-à-dire sauver d'abord ses élèves de l'école des sports nautiques. Cet
authentique éducateur a marqué à jamais tous ceux qui l'ont connu. Déjà, trente
ans après ce drame, Hadj Benyounès Triki s'était posé des questions, et ne comprenait pas
qu'une simple cérémonie, qui servirait de lutte contre l'oubli, n'a pas été
dédiée à son frère. On soulignera cependant qu'en 1989, le conseil des sports
d'Aïn El Turck a organisé un
mémorial, ce qui a atténué quelque peu le chagrin de sa famille. Mais la
douleur n'a jamais été entièrement évacuée. Et seuls ceux qui ont été frappés
par une telle tragédie comprendront ce sentiment qui sommeille en eux. Ses
proches savent pourtant qu'Ahmed Triki a sacrifié sa
vie pour sauver ses huit élèves. Certes, il n'est plus de ce monde mais il est
toujours dans les cœurs, une récompense honorifique réservée aux héros et aux
martyrs. Il n'existe pas de plus bel hommage...