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Gérer par effets d'annonce est contreproductif pour Sonatrach

par Reghis Rabah*

Le gisement de Bir Sebâa dont la feuille de route pour atteindre cet objectif de 40 000 barils par jour a été tracée en 2015 devra supporter un retard de plus de trois ans sans pour autant expliquer ses raisons qui vont sans aucun doute impacter négativement la construction de ce nouveau train par un surcoût inévitable.

Ainsi lit-on dans le site de Sonatrach un communiqué « très succinct » (01) sous la forme d'une simple annonce que le groupement Bir Sebâa formé de l'entreprise national avec 25% des parts et ses deux partenaires à savoir la compagnie thaïlandaise PTTEP dont les parts s'élèvent 35% et le groupe vietnamien Petro-Vietnam avec 40%. Cette association lit ?on dans ce communiqué daté du 9 juin a procédé à la signature avec une société italienne spécialisée en Ingénierie de Maire Tecnimont la veille d'un contrat clé en main c'est-à-dire Engineering Procurement and Construction (EPC) pour réaliser ce deuxième train dont les préparatifs trainent depuis 2016. En effet, il y a eu une confirmation du potentiel réel qui a montré qui les puits étaient productivement bons pour passer à cette extension par la construction de ce deuxième train sous forme d'un centre de production appelé communément dans le jargon pétrolier « Center-Production- Facilities » (CPF).Le projet prévoit comme tous les centres de production du mastodonte un train de traitement préliminaire d'huile, une unité de gaz lift, une autre d'injection d'eau pour maintenir la pression. Il est prévu d'ajouter maintenant un turbogénérateur de 18 MW et raccorder enfin 33 puits dont 19 producteurs d'huile et 14 injecteurs d'eau. La société choisie appartient à l'ingénieur italien Maire Tecnimont (02) est plutôt plus spécialisé dans le domaine de la pétrochimie car 80% de ses réalisations dans le monde ont été dans la chimie et la pétrochimie et les énergies (03) donc à peine 8% dans les raccordements d'huile et de gaz et les travaux dans les champs pétroliers. Pourtant les travaux qui dureront 40 mois, couvriront aussi l'installation de deux stations de collecte, plus de 400 km de piping reliant les nouveaux puits et la mise en place d'un système d'injection d'eau que Sonatrach capitalise depuis plus de six décennies et aurait pu intégrer des entreprises locales pour alléger son budget en devise. Rappelons que le montant initial du contrat avoisine les 400 millions de dollars sur une durée de 40 mois pour une part supplémentaire insignifiante soit 10 000 barils par jour qui lui reviennent dans cette association.

1-Un contrat réchauffé dont les réserves sont déjà comptabilisées depuis 2015

Le gisement de Bir Sebâa situé à 150 kms au nord-est de Hassi Messaoud mais s'intègre plutôt dans la région de Touggourt assure une production initiale de 20.000 barils/j avant de passer à 40.000 barils/j à l'horizon 2019, sachant que ses réserves sont de l'ordre de 758 millions de barils dont 25% sont récupérables. Ce gisement a été mis en service en même temps que Bir Msana (Hassi Messaoud) en été 2015 et leur mise en exploitation avait pour but de renforcer la production pétrolière de l'Algérie avec un apport supplémentaire cumulé de 32.000 barils/jour dans cette phase uniquement. Pour ce qui concerne le gisement de Bir Msana (à 300 kms à l'est de Hassi Messaoud), il assure une production de 12.000 barils/j avec des réserves prouvées estimées à hauteur 144 millions de barils et un taux de récupération de 39%. Pour rappel, le contrat d'association entre Sonatrach et Petrovietnam a été conclu en 2002 et entré en vigueur en 2003, tandis que PTTEP-Algeria a rejoint cette association des deux groupes en 2004 suite à une cession partielle d'intérêts de la partie vietnamienne. Pour sa part, le nouveau P-DG de Sonatrach de l'epoque, Amine Mazouzi, avait estimé que l'association entre la compagnie qu'il dirige et Petrovietnam a donné lieu à «un niveau de performance rarement égalé dans l'industrie pétrolière, fruit de la symbiose existante entre les deux équipes sur tous les plans. Enfin, Sonatrach et Petrovietnam entendait même selon lui créer une joint-venture consacrée aux services d'engineering pétrolier. Le tout a été chamboulé par Ould Kaddour qui a préféré les majors américains.

2-Où sont-elles les filiales d'ingénierie de Sonatrach ?

Le mardi 13 mars 2018, a eu lieu la signature d'un contrat par lequel son partenaire ABB Italiana « cède » ses parts à Sonatrach dans sa filiale Sarpi, Société Algérienne de Réalisation de Projets Industriels crée en 1992 pour une durée de 25 ans entre le mastodonte et le groupe spécialisé en Ingénierie ABB. La cérémonie de signature de ce contrat entre le PDG de Sonatrach de l'époque Abelmounene Ould Kaddour et Joachim Braun président du groupe ABB chargé de la région MENA a été fortement médiatisée comme pour montrer que Sonatrach a fait une bonne affaire. Le président du groupe ABB, dans ses déclarations reprises pratiquement par tous les quotidiens nationaux y compris l'Agence Presse Service Algérienne APS (04) a souligné que « travailler avec le groupe Sonatrach est un honneur » (et cela se comprend aisément ! comme l'a fait exactement Patrick Pouyanné, PDG de Total en plein Ramadan à TFT ) mais pour des raisons d'un redéploiement stratégique du groupe ABB qui vise d'abandonner « le business model du d'ingénierie, approvisionnement et construction (EPC), elle a décidé de « céder » et non de « vendre » ses action dans la Joint Venture Sarpi à Sonatrach. Voilà maintenant presque deux ans en mars prochain et le groupe ABB non seulement continue de faire de l'ingénierie mais monte aussi des joints ventrues dans le monde et notamment au Moyen Orient (05). Et on apprend de l'intérieur du groupe Sonatrach qu'il ne s'agit pas d'une session supposée être concrétisée en dollars symbolique mais un rachat lucratif dont le montant n'a pas été révélé à la presse par le PDG de Sonatrach, Ould Kaddour mais figure dans le contrat à 2 millions d'euros. Pourquoi d'abord un contrat pour un partenariat en fin de vie ? Pourquoi payer ce montant pour un partenaire que se dit quitter l'activité Engineering Procurement Construction ? Ould Kaddour a-t-il pris connaissance d'une évaluation de ce partenariat par une équipe installée par son prédécesseur Amine Mazouzi dont les conclusions et les recommandations n'ont pas été en faveur d'une reconduction automatique de ce partenariat qui ne semble pas atteindre l'objectif visé, celui d'un transfert de technologie effectif ? Il se trouve justement qu'ABB Italiana a pris ces 2 millions d'euros mais laisse la saoudienne ARKAD à laquelle elle a vendu l'activité Oil and Gas, finaliser avec Sarpi un projet à Rhourde Nouss ? Selon toute vraisssemblance, plus de 25 ans d'un partenariat sélectif, pourquoi il l'est ainsi ? Parce qu'ABB a développé tout au long de ce partenariat une stratégie qui marginalise les ingénieurs Algériens pour capitaliser, consolider et fertiliser l'ingénierie et le procurèrent afin de réserver à Sarpi seulement la construction dont les gens du métier connaissent ses contraintes à savoir : faible marge, retard, charges, moyens logistiques etc. Aujourd'hui, tout porte à croire que Sarpi devra recommencer à zéro puisque ce partenariat de 25 ans n'a laissé aucune base sur laquelle cette filiale devenu depuis mars 2018 100% Sonatrach. Elle devra développer un nouveau partenariat avec une société qui maitrise l'Engineering Procurèrent Construction (EPC) mais cette fois ci avec une volonté ferme de transfert du savoir faire à capitaliser. Il faut des investissements capitalistiques pour consolider le savoir et le savoir faire en construction qui exige des engins que cette filiale mal encadrée depuis 25 ans n'a pas pu les obtenir sans compter un recentrage dans son métier de base qui est le piping et le montage mécanique. Jusqu'à présent de nombreux spécialistes s'interrogent sur les raisons énigmatiques qui ont poussé Ould Kaddour à fortement médiatiser ce désastre pour en faire une réussite en offrant un cadeau à ABB Italiana de 2 millions d'euros ? S'agissant d'un partenariat qui rentre dans le cadre d'une politique de transfert de technologie, pourquoi le ministre en charge du secteur ne s'était pas exprimé sur cette mascarade médiatique ? Aujourd'hui tout porte a croire que le mastodonte n'a rien capitalisé ni consolidé et encore moins fertilisé le savoir et le savoir faire de l'ingénierie notamment en piping puisque avec un budget réduit de 50%, continue avec ses partenaires de faire appel aux étrangers

3-Les annonces se multiplient à Sonatrach sans le résultat contractuel promis

Ces derniers temps, les différentes entités du secteur de l'énergie, signent très peu de contrats mais de nombreux accords d'entente et conventions qui renvoient à des arrangements généraux sans aucun engagement des uns et des autres souvent ne faisant allusion à aucun cadre réglementaire. Ainsi pour nous limiter qu'à ces exemples, le dimanche 29 septembre 2019, avant même la signature de la nouvelle loi sur les hydrocarbures, l'agence Alnaft avait signé « une convention » portant sur la participation de la compagnie américaine ExxonMobil à l'étude d'évaluation du potentiel des hydrocarbures du bassin du domaine minier du Sahara algérien. Pour le communiqué final transmis à l'APS, on précise uniquement que la signature de cette convention « s'inscrit dans le cadre de la mission de cette agence Algérienne visant la promotion et la valorisation du domaine minier des hydrocarbures ». On apprend par ce communiqué qu'ExxonMobil viendra rejoindre dans ce projet la compagnie Italienne ENI, la Française Total et le groupe Norvégien Equinor. S'agit-il d'une évaluation des gisements existants, en cours de recherche, de prospection ou celle du domaine libre évalué à 798 950 km2 ? Le plus confus dans cette affaire est cette précision du communiqué qui stipule « ExxonMobil montre ainsi son intérêt à l'instar des autres compagnies (faisant certainement allusion au trois citées plus haut ) pour le domaine minier algérien, qui recèle encore d'important ressources en hydrocarbures» Si notre domaine minier est riche en hydrocarbures, pourquoi alors demander l'assistance de ces compagnies pour l'évaluer et encore plus si elles sont convaincues de cela, qu'est ce qu'ils attendent pour « contractualiser » leur intention au lieu de tourner autour du pot ? Surtout que cette étude est en cours dans un cadre formellement« contractuel » avec BEICIP-FRANLAB depuis le 10 septembre 2017 dont la première phase clôturée en juin 2019 a montré « un potentiel qui place l'Algérie aux premiers rangs mondiaux en termes de ressources en hydrocarbures générées. Cette phase a porté sur l'évaluation régionale de l'ensemble des bassins du Sahara et a permis d'identifier les zones les plus prometteuses. » Ce qui reste donc c'est uniquement concrétiser « des contrats » pour soit les explorer soit les exploiter et augmenter ainsi le volume des hydrocarbures tant attendu par la nation. Après des années de discussions inutiles qui ont fini par son abandon purement et simplement, le projet Desertec est revenu sur la scène de l'énergie toujours sous forme d'un mémorandum d'entente entre le groupe Sonelgaz et l'initiative Dii Desert Energy, attendu dit on pour ce d'avril puis mai et maintenant fin juin pour finalement approfondir quelle négociation puisqu'elle est déjà faites il ya des années ? Enfin on apprend dans un communiqué disponible dans le site de Sonatrach et repris par l'APS et tous les quotidiens nationaux que le 16 avril dernier, ce groupe a procédé à la signature de deux mémorandums d'entente avec deux sociétés, la russe Zarubezhneft et la turque Turkiye Petrolieri Anonim Ortakliôi (TPAO) pour dit on engager des discussions sur les opportunités concernant l'exploration, le développement et l'exploitation des hydrocarbures en Algérie qui vont rentrer dans le cadre de la nouvelle loi sur les hydrocarbures. Ce qui est tout à fait inutilement promotionnel c'est cette affirmation sur le ce communiqué «La signature de ces deux mémorandums d'entente confirme le dynamisme retrouvée du domaine minier algérien et ce dans le cadre des nouvelles dispositions attractives introduites par la Loi sur les activités hydrocarbures. Lesdits accords permettront, notamment, la relance de l'activité exploration en partenariat et un juste partage des risques dans cette activité capitalistique » Or, cette loi n'est pas encore complétés par ses textes d'application qui sont nombreux.

Ensuite discuter autour de quels blocs puisque le 5émé appel d'offre n'est pas encore prêt ? Et surtout sa forme n'est pas encore précisée ? S'agit-il de projets existants comme celui qui aurait pu être lancé en 2017 en vain ? Ou les 150 découvertes annoncées en grandes pompes par l'actuel ministre de l'énergie ? Auquel cas, il s'agira d'inviter des partenaires pour venir partager les efforts entrepris par Sonatrach depuis plus de 34 ans pour ne prendre aucun risque comme s'est mentionné dans ce communiqué. ? Faut ?il encore préciser que la nouvelle loi dans l'un de ces objectifs reste celui d'encourage l'exploration dans des zones non encore prospectées et celles à géologie complexe comme le nord par exemple. Il faut rappeler par ailleurs que Sonatrach a signé des centaines de mémorandums d'entente sans pour autant les lier à une loi ou réglementation quelconque ? Ensuite, il reste abracadabrant qu'une négociation suivie d'une signature avec deux partenaires soient concrétisées dans une situation de confinement total ou partiel où tout déplacement national et international est suspendu ? Comment sont ils venues ces partenaires pour le faire ?

*Consultant. Economiste pétrolier.

Renvois :

(01)- https://sonatrach.com/presse/contrat-entre-sonatrach-et-maire-tecnimont-pour-la-realisation-dun-2eme-train-de-traitement-dhuile-a-bir-sebaa

(02)-https://www.agenceecofin.com/hydrocarbures/1106-77418-l-ingenieur-italien-maire-tecnimont-decroche-un-contrat-de-400-millions-en-algerie?utm_source=newsletter_12614&utm_medium=em

ail&utm_campaign=ecofin-oil-and-gaz-du-11-06-2020

(03)- https://fr.wikipedia.org/wiki/Maire_Tecnimont#:~:text=Maire%20Tecnimo

nt%20est%20une%20entreprise,gaz%2C%20%

C3%A9nergie%20et%20g%C3%A9nie%20civil. (04)- https://ambalg-sofia.org/fr/2018/03/energy-sonatrach-repurchases-abb-shares-in-sarpi-company/

(04)- http://www.radioalgerie.dz/news/fr/article/20180313/136249.html

(05)- https://new.abb.com/fr/carrieres/opportunites-de-carriere/quelle-est-ma-place/ing%C3%A9nierie

(05)- http://www04.abb.com/global/seitp/seitp202.nsf/0/079e196bd7efe837c12581d0003be14a/$file/02_Press+Release+ABB+and+Arkad+form+OG+EPC+JV_v10.pdf