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![]() ![]() ![]() ![]() La tension est de
plus en plus vive entre le peuple et les élites qui gouvernent «encore» en son
nom. La distance entre les deux s'accroît, parce que celles qui régissent le
pays vivent dans un monde de plus en plus abstrait.
Le peuple, se méfiant de plus en plus d'elles, exige leur départ, parce qu'elles paraissent défendre davantage des intérêts autres, prétendument supérieurs que ceux du pays ! Des exemples, on peut en trouver dans ces effacements de dettes au profit de l'Irak, de certains pays africains, ou plus encore concernant ces prêts, dont un non remboursable, consentis à un pays voisin, alors même que le peuple n'a pas été informé de ces décisions, pourtant «prises en son nom». Pour les exemples cités, les élites mettent en avant la perversité du «voisinage» avec ces pays, qui leur lie les mains et à laquelle elles s'empressent de se soumettre et le peuple avec ! Le peuple, lui, ignore tout des contraintes liées aux traités internationaux ou à la géopolitique; il persiste à ne penser qu'à ses propres intérêts. Pour les élites au pouvoir, qu'il s'agisse de coopération internationale, de normes commerciales ou plus encore de sécurité, les règles sont implacables et, par conséquent, elles s'empressent de les appliquer et de se retourner contre le peuple, pour le contraindre non pas à comprendre le fondement de leurs décisions, mais à se taire. Les élites persistent à croire que le peuple ignore que le pays ne peut évoluer en vase clos et point n'est besoin de lui rappeler, une fois encore, que le contexte international est crucial. Les élites au pouvoir connaissent le pourquoi de leurs décisions et le peuple, lui, n'y connaît rien ! Normal, les élites sortent des grandes écoles (l'ENA par exemple où a étudié un certain Ahmed Ouyahia qui a présidé aux destinées de 9 gouvernements, ces 20 dernières années !), donc, elles sont forcément compétentes. Le peuple, dans l'absolu, n'avait pas à commenter, aussi, le prêt accordé au Fonds monétaire international, à partir du moment où les élites ont décidé d'en faire bénéficier l'institution de Bretton Woods, celle-là même qui a contribué au démantèlement des entreprises publiques algériennes et à la mise au chômage de milliers de travailleurs. Tout cet argent «généreusement» accordé aurait mieux servi, selon le peuple, à : -construire plus de logements; - construire des usines et créer de l'emploi aux jeunes; - moderniser nos villes et nos transports; - densifier les réseaux du gaz et de l'électricité; - construire quelques barrages; - des hôpitaux. Les élites au pouvoir refusent de débattre d'économie, de finances publiques, ou plus encore de défense ou de politique étrangère, sachant que ces derniers volets relèvent de domaines réservés. Elles disposent pourtant de tous les moyens publics et même privés pour communiquer et expliquer leur politique. Elles pensent qu'elles ont mandat pour agir au nom du peuple et qu'elles ont, de ce fait, toute la légitimité pour faire selon ce qu'il leur semble bon. Et le peuple n'a qu'à se perdre en conjectures et à supputer comme bon lui semble ! Et c'est ainsi que la défiance entre les élites et le peuple s'est installée et s'est creusée, chaque jour, un petit peu plus ! Cette défiance est d'abord verticale et se nourrit d'un sentiment d'abandon, de plus en plus répandu : les élites, qui nous dirigent y compris celles qui sont élues, cultiveraient, selon le peuple, «l'entre-soi», sans se préoccuper ou si peu des citoyens. Il serait toutefois naïf de limiter cette défiance aux seuls gouvernants. Certes, elle frappe la classe politique dans toute sa composante mais aussi l'administration publique, les patrons d'entreprises, les journalistes, bref, toute l'élite intellectuelle. A cette défiance verticale, s'ajoute une autre défiance de type horizontal, avec l'inflation, la cherté de la vie, les rapports sociaux s'exacerbent et la méfiance, entre pairs, gagne du terrain et met à mal la cohésion sociale. Les syndicats, issus pourtant des classes prolétaires, ou sont-elles alors partie des élites, et à leur tête l'UGTA, sont désavoués. Les élites devront, dorénavant, regarder en face le peuple, et surtout l'écouter. Et aussi dialoguer avec lui, le consulter et accepter l'idée qu'il n'y a pas dans le pays : - d'un côté, un peuple paisible, qui va aux urnes, qui applaudit car content de son sort, semble-t-il; - et de l'autre, un peuple frondeur, abstentionniste, qui rejette tout en bloc au motif qu'il déteste les élites qui ne lui accordent pas toute la considération voulue. En fait, il s'agit de deux segments «intermittents» d'un même peuple appelés autrefois «forces vives de la nation», qui, en réalité, travaillent beaucoup, pour peu de choses, et souffrent aussi, énormément, du fait d'un quotidien de plus en plus difficile. Les élites, elles, n'ont pas de soucis à se faire, non seulement pour le quotidien mais aussi pour le lendemain, car elles détiennent la rente dont elles consentent, de temps à autre, à ouvrir les vannes, soupape de sécurité oblige, comme en 2011, ce qui a permis d'apaiser, un tant soit peu, le peuple irrité par le relèvement intempestif du prix de certains produits de première nécessité. Aujourd'hui, le peuple des mécontents, des angoissés, des mal-logés, des sans-emploi ou des sans moyens suffisants pour vivre exige plus que cela : il veut que tous ceux qui ont été au pouvoir ces 20 dernières années partent ! Pendant ce temps-là, chez les élites, on se prépare à former un nouveau gouvernement de «technocrates» et on dit avoir compris les «attentes» du peuple. Et cela se passe à huis clos, le peuple n'étant pas convié alors même que son sort est engagé dans les tractations à venir desquelles sortiront des élites censées, cette fois-ci, œuvrer à son bien-être. Mais il n'est pas dupe pour autant, car le gouvernement obéirait, comme par le passé, à la théorie dite de la «chaise musicale» avec les mêmes ministres qui s'échangeront les maroquins, dans une ambiance de «long fleuve tranquille». Les élites, en mauvais élèves, n'assument pas leurs échecs politiques, si éprouvant pour le peuple, sinon ça se saurait depuis ! Et le discrédit vaut, aussi, pour la plupart des élites passées qui sont dans l'opposition aujourd'hui, mais qui ont été en situation de gouvernance hier. Elles n'ont pas fait mieux, quand elles-mêmes, intraitables et sourdes à toutes revendications sociales, étaient aux affaires ! A croire que leur devise est «ordo ab chao» et ce n'est pas un hasard si, de façon systématique, les gouvernements successifs laissent le pays dans un état pire que celui qu'ils trouvèrent à leur arrivée. Et le peuple en a marre ! Car il a l'impression qu'il paye pour sa protection, mais personne ne le protège de ces élites qui disposent de ses richesses et parfois en usent et abusent, tout en lui déclarant, à tout bout de champ, que «l'Etat providence, c'est fini !» Ces élites, dont la vision volontairement restreinte de la chose politique confisquée à leur profit dans le but de se maintenir au pouvoir, comprennent que l'explosion des libertés d'expression via les réseaux sociaux et Internet risque de leur faire perdre le pouvoir politique pour les uns, l'audience médiatique pour les autres..., ce qui, vous le comprendrez aisément pour ces «démocrates », est quasi intolérable ! Reste à savoir si le peuple s'en laissera compter, on pourrait presque dire conter, tant les fables de ceux qui se disent au service des citoyens sont connues et rabâchées à l'infini ou si, grâce à l'explosion des opinions libres et multiples de ceux qui, rappelons-le, sont en l'occurrence les acteurs principalement concernés par les décisions prises, parfois abusivement, en leur nom, un changement radical populaire, élitiste, populiste se produira au bénéfice des citoyens électeurs, maîtres et responsables des choix essentiels pour l'avenir tant du peuple que des élites qui, rappelons-le à ceux qui, en intermittents du pouvoir, s'estiment subitement supérieurs aux autres, sont, par leur implication économique, financière, sociétale, une forte composante active, instruite et indispensable de ce «peuple » !* Les élites ne communiquent pas, ou pas assez, quand elles sont au pouvoir, alors qu'elles disposent de l'ensemble des médias, dont la télévision qui reste, pour elles, un espace public «monopolistique» par excellence. Elles s'emmurent dans le silence quand elles le quittent, pensant qu'il est bon pour elles de «se mettre en réserve de la République», sait-on jamais, ou se faire oublier puisque cela vaut mieux ainsi. Mais cela n'est plus possible désormais ! Car entre-temps, il y a eu le 22 février et tous les vendredis du mois de mars où le peuple a occupé la rue pour faire entendre sa voix ! Et poser ses conditions : pas de 5e mandat, a-t-il dit et obtenu ! Pour le reste, c'est le chef d'état-major de l'ANP qui a décidé de s'en occuper en faisant l'annonce suivante : il a proposé, ce mardi 26 mars, l'application de l'article 102 de la Constitution pour sortir de la situation de blocage politique dans laquelle est plongée l'Algérie depuis le 22 février 2019. Entre-temps, l'élite algérienne s'est remise à cogiter fort ! Noureddine Boukrouh, par exemple, aussi engagé que prolifique, a réagi très vite à travers un article publié dans un journal en ligne pour dire ceci : «La révolution citoyenne qui a commencé le 22 février 2019 devra aller au terme de l'ensemble de ses objectifs démocratiques. Elle n'est pas un mouvement de revendications matérielles ou socioprofessionnelles, c'est un mouvement historique de réappropriation de l'Algérie, de la direction de l'Algérie, du gouvernement de l'Algérie, selon les critères universels de l'Etat de droit, moderne et civil ». L'opposition par la voix de Abdallah Djaballah, son porte-parole, s'est dite insatisfaite ! Qu'en pense la rue ou plutôt «fakhamet echaab» de toutes ces péripéties et des élites, tant celles qui en appellent à l'application de l'article 102 de la Constitution ou celles qui y voient un piège du pouvoir ? Cette étape franchie par l'état-major de l'armée suffira-t-elle pour faire rentrer le peuple «à la maison », alors que cette prise de position a été espérée bien longtemps avant les manifestations du 22 février, se disent les observateurs de la vie politique en Algérie ? Car depuis, le niveau des exigences de la rue a été hissé plus haut : ce n'est plus le rejet du 5e mandat de Bouteflika ni son départ, mais la rue réclame d'en finir avec le système qui a engendré le processus du 5e mandat et responsable de la faillite du pays. On le saura vendredi prochain ! *De Bredevan Marc (L'INFOTOX) |
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