Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
Aujourd'hui, nous
constatons que les hauts responsables du ministère de l'Enseignement supérieur,
comme aussi la communauté universitaire, ont pris conscience de la tâche
primordiale qu'impose l'étape actuelle
du développement socioéconomique du pays. L'ambition du pays de se hisser au rang de puissance régionale ne peut se réaliser qu'à la condition de disposer d'un système d'éducation de qualité à même d'accompagner les projets de développements nécessaires pour renforcer la souveraineté nationale. Rappelons que la réforme LMD, en cours à l'université, a été introduite (imposée d'une certaine manière) en Algérie suite aux accords d'association signés avec l'Union européenne (UE). Cette réforme, comme les autres accords, se sont exclusivement avérés au profit des membres de l'UE et particulièrement la France. Tous les avantages que prétendait offrir le LMD, par exemple la mobilité des étudiants et des chercheurs, n'étaient pas à la hauteur des attentes du côté algérien. Ce sont les universités européennes qui ont, à plusieurs titres, bénéficié de l'application de cette réforme. Très vite, le LMD a montré ses limites dans les universités algériennes. Il n'était pas la solution qui allait promouvoir la qualité dans nos universités. Au contraire, le LMD s'est adapté à la situation qui prévalait et, au contraire, des changements de ses principes ont été introduits dans son fonctionnement pour éviter le blocage total de l'université. Quelle métrique adopter pour la qualité ? Sans verser dans le catastrophisme, ni oublier certaines qualités (au plan des ressources humaines et aussi sur le plan des infrastructures), il faut se rendre compte que notre système d'enseignement supérieur affronte énormément de difficultés et il est souvent qualifié de «malade». Avant de penser à toute solution, la question de disposer du bon diagnostic est primordiale. Tout diagnostic s'appuie sur un modèle préétabli de données ou des objectifs à atteindre, qui permettent de mesurer leurs écarts avec celles observées ou mesurées. Un médecin occultant son patient constate, par exemple, que la tension artérielle mesurée ne se trouve pas dans l'intervalle requis pour une tension normale, il diagnostiquera que son patient est hypertendu. Dans le système éducatif, tous les observateurs et éducateurs s'accordent à souligner le niveau faible des étudiants, l'inadaptation du système d'évaluation, l'incohérence des programmes dans les cursus, l'inadéquation des diplômes avec la réalité économique, etc. Ils constatent aussi des mauvaises pratiques de la part des étudiants comme aussi de la part des enseignants et de l'administration. Le plagiat, des programmes des modules non respectés, une évaluation des connaissances des étudiants incohérente, l'absentéisme et bien d'autres tares font, malheureusement, partie du lot des griefs contre notre université. Ce constat n'est pas le fruit d'une enquête ou d'un sondage réalisé selon les normes requises. Il est souvent déduit à partir des expériences sur le terrain par certaines personnes (enseignants et pédagogues) avisées et que l'avenir de notre système d'éducation les tient à cœur. Une personne de bonne foi peut rétorquer et se poser la question : comment pouvons-nous savoir et affirmer que le niveau d'enseignement est faible et que souvent les diplômes délivrés sont sans contenus ? Elle ajouterait même si l'on admet certaines insuffisances et si c'était le cas, le système aurait été décrié et il se serait écroulé depuis longtemps, et c'est loin d'être le cas. Au contraire, on observe des cas de réussite, même limités, dans différents domaines (publications scientifiques, brevets, étudiants-entrepreneurs?). Pour certains, ce n'est pas une surprise pour ceux qui étudient de près le fonctionnement du système éducatif. Il ne pouvait pas s'écrouler car il remplissait très bien sa mission exclusive, celle de la gestion des flux qui lui a été assignée depuis la moitié des années 80 du siècle dernier. Et, ce qui peut expliquer ces réussites est dû, pour beaucoup, à la vitalité de la jeunesse algérienne et sa soif pour le savoir qui habite l'Algérien depuis l'indépendance de notre pays du joug colonial. Pour d'autres, le système éducatif n'est pas aussi «malade» qu'on veut bien nous le faire croire. Les solutions préconisées pour notre université par les uns comme les autres sont diverses. Pour certains, il faut adopter les standards internationaux, pour d'autres, la solution réside à réduire le nombre des étudiants (rendre payantes les études supérieures?). Mais tous s'accordent à introduire des réformes. Il est difficile de départager de façon nette et claire ces visions opposées sur la situation du système universitaire. L'absence de «métrique» rend, à notre sens, difficile de trancher et de mesurer la validité de chacune d'elles. En réalité, considérer ce problème sous ces angles, c'est prendre les effets pour des causes. Le problème du système éducatif et en particulier l'enseignement supérieur n'est que le reflet de la situation socioéconomique du pays. Il est aussi illusoire de penser que l'on peut avoir un système d'éducation performant dans une société qui se débatte dans des problèmes de sous-développement sur le plan social, culturel et économique. Le Président a raison d'affirmer que notre principal ennemi est le sous-développement. Le véritable diagnostic sur la santé de notre système éducatif est celui qui nous permettra d'évaluer ses véritables points forts et aussi ses points faibles au regard de son impact et de son apport sur le plan social, culturel et industriel dans l'économie nationale Stagnation versus performance de l'enseignement supérieur L'économiste Abelatif Rebah dans son livre (Le développement national contrarié; Edition (2012) INAS) met en exergue des erreurs qui avaient accompagné la période de désindustrialisation : la dévalorisation du statut de la science et la technique, l'insuffisance d'une perspective technologique nationale et la non-prise en compte du savoir-faire antérieur des travailleurs. On peut lire dans ce même livre que tous les secteurs ont été touchés par une baisse de production (rond à béton, verres, cuirs, textile, wagons, tracteurs, cyclomoteurs, pompes, ENIEM, SNVI, etc.) Cette baisse variait selon les produits entre 40% et 80%. Un recul net de la production industrielle qui participait à hauteur de 22,5% dans le PIB en 1984 est tombé à moins de 5,3% du PIB en 2005 et n'a pas augmenté depuis. La crise qui en a résulté de cette gestion de l'économie a touché tous les secteurs de la société, particulièrement l'école et la formation en général. Coupé de son environnement économique et social, le système éducatif a cessé de se développer et a commencé à entrer dans une crise profonde. Depuis, le niveau de formation n'a pas arrêté de se dégrader. Ce n'est pas les places gagnées dans les divers classements internationaux des universités, qui peuvent nous rassurer sur le niveau de notre enseignement. Ces classements se basent sur des critères qui n'ont rien à voir avec les performances des universités dans l'économie de leurs pays. Il nous faut donc bien choisir nos instruments de mesure qui nous aideront véritablement à connaître les limites de notre système d'enseignement dans l'objectif de les élargir. On observe, aujourd'hui, à travers le discours des pouvoirs publics, qu'il existe une volonté de créer des opportunités d'investissement pour développer un certain nombre de secteurs comme l'agriculture, l'industrie, l'éducation et aussi la santé. Pour mener à bien ce projet qui s'inscrit dans le renforcement de la souveraineté nationale, les besoins de ces secteurs en cadres, ingénieurs et techniciens très performants se traduiront par le besoin d'offrir des formations hautement spécialisées en agronomie, en mécanique, en électronique, en informatique, etc. Le défi pour l'université algérienne est contenu dans la question : comment répondre à cette demande qualitative de spécialistes dont la réussite de ces projets de développement en dépend. L'Algérie reste encore dépendante du système capitaliste mondial et occidental en particulier. Beaucoup moins sur le plan politique que sur le plan culturel, scientifique et économique. Les élites nationales considèrent souvent que le modèle de développement européen comme un modèle à suivre et qu'il faut adopter ses solutions à nos divers problèmes. L'exemple le plus instructif a été l'adoption du système LMD dans nos universités. Ce système répond certainement efficacement aux objectifs des pays de la communauté européenne mais il était loin d'être la réponse à nos problèmes dans l'enseignement supérieur. Si la science est universelle, les organisations pour son acquisition restent tributaires des conditions et de la situation des diverses sociétés. Cette façon d'approcher les problèmes qui consiste à reproduire des solutions qui ont montré leurs preuves ailleurs, est une forme d'aliénation et de dépendance. Il ne s'agit pas de se renfermer sur soi mais de doubler de vigilance sans perdre de vue les objectifs à atteindre. La réforme du système de l'enseignement supérieur est sans doute plus que nécessaire si l'université doit retrouver sa place dans la société et prendre part efficacement dans l'effort du développement national. Il faut rappeler que l'université a connu par le passé des réformes dont chacune avait ses propres caractéristiques. La réforme de 1971 a été lancée dans la période des grands plans d'investissement et d'industrialisation. Le pays avait besoin de cadres techniques (ingénieurs, gestionnaires, etc.). Pour répondre à cette demande en ressources humaines dans les domaines techniques, l'enseignement supérieur se devait de renforcer l'option scientifique et technique comme une priorité et de plus se démocratiser pour permettre aux enfants des couches modestes de la population d'y accéder. Cette aventure a malheureusement pris fin le début des années 1980. L'abandon du projet d'industrialisation et des investissements dans le secteur productif a eu pour conséquence le repli sur lui-même du système éducatif et en particulier de l'université. Ceci a conduit à la réforme de 1984, connue sous le nom de «réforme de Brerhi». Son leitmotiv était : à chaque bachelier une place pédagogique. Ce slogan, bien que ses promoteurs voulussent une certaine équité dans l'accès à l'université. Ce principe appliqué dans un environnement économique en stagnation s'est malheureusement traduit par une gestion du flux des étudiants. L'université déconnectée de la société s'est repliée sur elle-même. Le niveau de l'enseignement ne pouvait que reculer. Les diplômés étaient mis devant un choix, soit de s'exiler ou pour les plus chanceux d'entre-deux devenir enseignants dans l'institution où quelques années plutôt eux-mêmes étaient étudiants. En 2004, le LMD, la dernière réforme de l'enseignement supérieur a commencé à être appliquée. Le LMD a été loin de prendre en charge les véritables problèmes posés par les différents secteurs de développement de notre société. Un bilan exhaustif gagnerait à être présenté et débâté. De quelle réforme a-t-elle besoin l'université ? On ne le répètera pas assez, l'université doit répondre aux besoins de la société. Les divers projets de développement en matière d'agriculture, d'industrialisation d'énergie et de services interpellent le système éducatif et l'enseignement supérieur pour fournir aux centres de recherche comme aux entreprises des cadres, des ingénieurs et des techniciens hautement qualifiés. On ne peut plus faire l'économie de rester à la traîne dans la maîtrise de la technologie et de la rigueur dans la gestion. L'université est donc sommée de jouer pleinement son rôle dans ce combat contre le sous-développement. Une réforme, avec comme principe de base le slogan «pour un enseignement performant et de qualité», s'impose dans le contexte de la société d'aujourd'hui. Un enseignement de qualité doit allier, à parité égale, théorie et pratique. Les cursus doivent axer davantage sur la réalisation de projets et des travaux pratiques. C'est à travers la pratique que l'on assimile mieux les connaissances et on approfondit la compréhension des concepts fondamentaux des disciplines scientifiques. Les méthodes d'enseignement basées sur la transmission purement théorique développent au contraire chez les apprenants les réflexes de mémorisation et atrophie les capacités de réflexion. Le système d'évaluation joue un rôle prépondérant dans la sélection et l'émergence des compétences. Il prépare aussi les étudiants à aiguiser leur esprit critique et renforcer leur capacité à relever des défis et être compétitifs. Tels sont, parmi d'autres, les critères dont doit tenir compte la nouvelle réforme. |
|