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Il tue sa sœur à coups de couteau: Dix ans de prison pour le pâtissier de Boutlélis

par M. Nadir

  Le 20 novembre 2017, la localité de Boutlélis, à une quarantaine de kilomètres d'Oran, est secouée par la nouvelle sordide d'un meurtre commis par un pâtissier de 22 ans sur sa sœur de 19. C'est le père Abderramane qui a découvert sa fille Fatima agonisante dans la cour de la maison et l'a évacuée à l'hôpital où elle a rendu son dernier souffre des suites d'une hémorragie massive provoquée par des coups d'une arme tranchante dans la région du cœur et des reins. Effondré, l'homme révèle avoir vu son fils Kamel quitter la cour en courant...

Un viol, avortement

Lorsqu'il rentre de son travail pour déjeuner ce lundi 20 novembre, Kamel, pâtissier de 22 ans, surprend une discussion entre sa mère et sa belle-sœur. Les propos que les deux femmes échangent lui glacent le sang : il est question de sa jeune sœur Fatima qui venait de mettre un terme à une grossesse provoquée par un viol commis par un certain A. Mazouzi.

Le jeune homme entend également que le présumé violeur aurait drogué sa sœur en lui faisant ingérer une boisson contenant quelque drogue qui lui aurait fait perdre connaissance. En tout cas, Fatima et son père venaient de déposer plainte pour viol auprès de la police...

Trois coups de couteau

Incapable de se contenir, Kamel va voir sa sœur et l'interroge sur l'histoire qu'il vient d'entendre. Il veut en savoir davantage et comprendre comment sa sœur a pu se laisser faire mais, par pudeur ou par orgueil, Fatima ne veut pas en parler et lui enjoint de s'occuper de ses affaires. Est-ce le ton qu'elle a employé, la manière avec laquelle elle l'a éconduit ou simplement s'est-il senti atteint dans sa «fierté de mâle», défenseur de l'honneur de la famille, que beaucoup continuent malgré tout de brandir ? Ce qui est certain, c'est que Kamel a soudain perdu toute maîtrise de lui-même, s'est rendu dans la cuisine pour chercher un couteau et est revenu pour frapper sa sœur à trois reprises : à l'épaule, dans la région du cœur et au flanc gauche.

Interpellé et interrogé par la police, Kamel ne nie pas. Il admet avoir frappé sa sœur avec un couteau de cuisine : «Je me suis senti humilié, avili», dira-t-il pour expliquer son geste.

Le parquet réclame la peine capitale

Jugé par le tribunal criminel de première instance d'Oran pour homicide volontaire selon les articles 254 et 263, alinéa 3, du code pénal, E. Kamel a comparu mercredi dernier dans un état d'abattement profond. Les yeux rouges d'avoir pleuré, il a tout reconnu en expliquant qu'il avait perdu son sang-froid : «J'ai agi sous l'effet de la colère... je n'ai jamais voulu la tuer... j'ai frappé volontairement une première fois mais après on s'est empoignés et je l'ai accidentellement atteinte au cœur», a-t-il murmuré en sanglotant.

Appelé à témoigner, son père Abderrahmane, maçon de son état également en pleurs, a confirmé qu'il ne se constituait pas partie civile et ne portait pas plainte contre son fils : «Je ne me suis pas rendu compte de la situation... j'ai su qu'elle était enceinte lorsqu'elle en était à quatre mois... je ne sais pas à quel moment tout a dérapé», a-t-il déploré le visage ravagé par la douleur.

Intervenant au nom de la société, le représentant du ministère public s'est désolé pour ce fratricide avant de requérir la peine capitale contre l'accusé.

«Un crime d'honneur»

Dans sa plaidoirie, l'avocat de la défense s'est d'abord attardé sur l'âge de son client et les remords qu'il a exprimés avant de s'attaquer ouvertement à la défunte à laquelle il a attribué l'entière responsabilité de ce qui est arrivé, écartant d'un revers de manche le possible viol. Pour lui, c'est son comportement et celui de sa mère qui ont mené au drame : «La mère connaissait la grossesse de sa fille mais la cachait, la protégeait», a-t-il lancé accusant la gent féminine d'être derrière tous les malheurs. Pour lui, Kamel n'a pas eu l'intention de donner la mort : «Il a agi sous l'effet de la colère et les deux coups qui ont entraîné la mort (cœur et rein, Ndlr) ont été accidentels». Suppliant le tribunal d'accorder sa clémence à son jeune client, «un enfant, il sort à peine de l'adolescence», l'avocat a demandé la requalification des faits d'homicide volontaire à coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner.

Après délibérations, les membres du tribunal criminel ont accordé les plus larges circonstances atténuantes à Kamel et l'ont condamné à dix ans de prison.