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Le président du MSP, Aboudjerra Soltani, revient dans cet entretien sur les raisons du
retrait de son parti de l'alliance présidentielle mais aussi sur les propos
tenus par Ahmed Ouyahia en réaction aux déclarations
du Premier ministre turc sur la colonisation française. Aboudjerra
Soltani défend les choix décidés, dit-il, par le Madjliss Echourra du parti et affirme
que le retrait des ministres MSP du gouvernement n'est pas à l'ordre du jour
pour la simple raison que cela relève des seules prérogatives du président de
la république.
Le Quotidien d'Oran : Le MSP a décidé de se retirer de l'alliance présidentielle à quelques mois des élections législatives et locales. Est-ce que vous ne trouvez pas que c'est simplement un «coup d'épée dans l'eau». Aboudjerra Soltani : La décision de nous séparer du Front de libération nationale (FLN) et du Rassemblement national démocratique (RND) a été soumise à un profond débat et ce, depuis la première évaluation de l'action de l'alliance présidentielle dès ces cinq premières années d'existence. Le diagnostic que nous avions présenté à nos partenaires faisait état du fonctionnement de la coalition à l'horizontal et ne s'est pas approfondi à la verticale (comprendre par là, la base). L'attention a été portée sur un seul point, à savoir la concrétisation du programme du président de la république en ignorant le reste des objectifs cosignés le 16 02 2004 sur la Charte de l'alliance. Nous avions proposé de développer cette alliance vers un partenariat politique mais la réponse était négative. Nos deux «alliés» ont confiné cette alliance autour du seul point relatif au programme du président de la république sachant que notre engagement avec le chef de l'Etat remonte à 1999, avant la naissance de l'alliance présidentielle. Quand on a vu que les réformes passent au nom de la majorité, alors nous avons décidé de rompre cette alliance afin de militer pour l'approfondissement des réformes, loin du FLN et du RND. Q.O. : La classe politique et les observateurs vous reprochent de tenir un double langage, à savoir que tout va bien quand vous étiez à l'intérieur de l'alliance présidentielle et que rien ne va plus depuis votre retrait. Qu'avez-vous à répondre à cela ? A.S. : C'est faux ! Nous avons utilisé l'autocritique à l'intérieur de l'alliance et nous avons demandé la levée de l'état d'urgence dès l'année 2004. Tout comme nous avions voté contre la «criminalisation» de l'imam et des journalistes. Nous avons milité pour l'élargissement des libertés et l'ouverture de l'audiovisuel et nous nous sommes opposés à certaines «orientations superficielles» décidées pour faire face à la fronde sociale en omettant d'aller vers la profondeur politique des choses. Ils disaient à notre sujet, comment vous critiquez la situation politique et économique au moment où vous vous mettez du côté du front social en critiquant le gouvernement alors que vous faites partie de l'alliance ? Notre réponse a toujours été : nous faisons de l'autocritique et nous disons à celui qui fait du bien, bravo et celui qui fait des erreurs, tu as tort. Quand nous avions senti que l'alliance s'approchait de sa fin historique, nous avons averti nos deux partenaires mais ils n'ont pas pris les choses au sérieux. Q.O. : Vous avez déclaré lors de votre dernière conférence de presse que l'article 11 prévoyait une «alternance» au poste de Premier ministre. Est-ce que vous vous êtes senti trahi par le FLN et le RND ? A.S. : J'avais dit que l'alliance devait instaurer la «culture de l'alternance» pour sortir l'Algérie de la logique des systèmes à celui des institutions. L'instauration de cette logique aurait pu être un gage d'ouverture pour l'incrustation de cette culture en enlevant notamment les barrières mises en travers des libertés politiques. J'ai posé cette question aux décideurs de ce pays pour connaître quelles sont les lignes rouges que notre mouvement ne doit pas franchir et on nous a répondu qu'il n'existe pas de lignes rouges tracées devant le MSP. Mais la réalité est tout autre. Durant 15 années de participation au gouvernement, entre 1996 et 2011, notre participation a été limitée à quelques départements ministériels alors que les ministères de souveraineté ont été gardés loin de notre portée. Pour cela, nous avions voulu casser le «tabou» de ces lignes rouges et aujourd'hui nous mettons les bases pour l'instauration de la culture de l'alternance, à savoir la présidence tournante de l'alliance et que la responsabilité du gouvernement ne soit pas seulement accaparée par deux pôles. Même si cela n'était pas prévu dans les textes, il faudrait l'incruster dans la culture politique future. Q.O. : Pourquoi alors garder des ministres issus de votre parti au sein du gouvernement au moment où le divorce avec l'alliance présidentielle est semble-t-il consommé ? A.S. : C'est la décision du Madjliss Echourra basée sur le fait que notre mouvement est entré, d'un côté, au gouvernement depuis l'année 1996 et qui a vu la naissance de l'alliance après 8 années, et de l'autre, lors de la naissance de l'alliance en 2004, cela se traduisait par la concrétisation de la volonté du président de la république d'aller vers un nouveau mode de fonctionnement politique dont la base est constituée de formations politiques les plus importantes du pays (nationalistes, islamiques et démocrates). Nous sommes entrés dans l'alliance présidentielle sur décision du Madjliss Echourra et nous nous sommes retirés en toute souveraineté sur sa décision. Concernant nos ministres, ces derniers sont au gouvernement conformément aux pouvoirs constitutionnels dont est doté le chef de l'Etat. La présence de nos ministres au sein du gouvernement est une présence conforme à la Constitution. Le retrait de l'alliance est une question politique alors que notre retrait du gouvernement est une affaire constitutionnelle. Pour cela, nous avions dit que le retrait de nos ministres doit passer par la dissolution du «gouvernement partisan» et le remplacer par un autre gouvernement de technocrates pour la transparence des élections et récolter le fruit des réformes. Q.O. : Vous avez critiqué sévèrement Ouyahia à cause de sa réaction face aux propos tenus par le Premier ministre turc sur le passé colonial de la France. Vous ne pensez pas que le secrétaire général du RND a plutôt raison en rappelant que les Turcs sont plutôt mal placés pour parler du colonisateur français à cause de leur passé colonial en Algérie et leur soutien à la France dans le cadre de l'OTAN avant l'indépendance de notre pays ? A.S. : Ceci est une erreur historique et il vous appartient de revoir les manuels scolaires du cycle primaire jusqu'au doctorat et vous ne trouverez aucun indice sur la colonisation de l'Algérie par la Turquie ottomane. La présence ottomane en Algérie n'était pas une colonisation. La preuve, la flotte de guerre algérienne n'a pas échoué sur nos côtes mais a été détruite à la suite de la bataille de Navarin (1827) près de la Grèce. Est-ce que cela est une ingérence dans les affaires internes de l'Algérie ? Si c'est le cas, on devrait alors expulser tous les turco-algériens qui constituent des pans entiers de la société algérienne. C'est de la folie ! Pour ce qui est des positions turques qui étaient contre l'Algérie entre 1924 et 1962, c'est une histoire liée au parti laïc qui gouvernait la Turquie en ce temps-là et qui était contre l'Islam sur la base du concept de laïcité instauré par Kamel Atatürk. Parce que la révolution algérienne était d'essence musulmane et nationaliste, tel que proclamée par la déclaration du 1er Novembre1954, le parti populaire laïc Turc avait pris position contre la révolution, épaulé par un groupe de l'OTAN qui soutenait la France. Après la «déconfiture» du concept laïc, la Turquie a présenté des excuses officielles en 1986. C'est le président Chadli Bendjedid qui a reçu ces excuses. Et puis Erdoghan ne s'est pas immiscé dans les affaires internes de l'Algérie et n'a fait aucune proposition au peuple algérien. Il a juste cité le nom de Sarkozy dans une affaire historique connue en faisant le parallèle entre la criminalisation de l'Etat Turc pour l'histoire des Arméniens en 1915 et la criminalisation de la France coloniale pour les massacres commis contre le peuple algérien, les crimes des essais nucléaires et l'incendie de villages entiers entre 1830 et 1962. Est-ce que le fait de rappeler l'histoire d'un Etat colonisateur est un fonds de commerce sur le dos des victimes ? Q.O. : Les prochaines échéances électorales s'annoncent très rudes. Est-ce que vous pensez avoir une chance devant les deux machines électorales que sont le FLN et le RND ? A.S. : Si nous entrons dans la course aux élections avec la «mentalité mécanique» ou avec la machine électorale qui a caractérisé les élections depuis l'année 1997, alors on assistera à des «élections Terminator» et à ce niveau, ça sera le début de la fin de la poignée de fer des «partis-Quotas». Il faudrait que le cheminement des réformes puisse atteindre l'objectif qui réside dans l'organisation d'élections propres qui répondent aux normes internationales. Pour ce qui est des choix, il appartient au peuple algérien de dire son mot en toute liberté, démocratie et transparence. Pour notre part, nous accepterons le verdict des urnes quels que soient les résultats. Q.O.: Le courant islamiste refait surface à la faveur de ce qui est appelé le «printemps arabe». Pensez-vous qu'en Algérie les islamistes ont une chance après ce qui s'est passé dans les années 1990 ? A.S. : Les années 1990 ne se renouvelleront pas, parce que la proportionnelle ne donne jamais de majorité à un parti. Pour cela, les chances seront pareilles et toutes les couleurs politiques trouveront leur véritable poids dans la société à travers des élections transparentes. Tout le monde sera contraint de constituer des alliances pour faire face à l'après-2012. Concernant le «printemps arabe», il a une influence sur les «orientations générales» de l'Algérie tout comme il aura une certaine influence sur les résultats. Cependant, cette «influence psychologique» sera limitée et n'apparaîtra pas à la surface. Q.O. : Certains opposants à votre parti vous reprochent de puiser dans l'électorat et les militants du parti dissous. Qu'avez-vous à répondre à cela ? A.S. : Il y a deux types d'instruments politiques. Le premier est légitime et réglementaire et démarre à partir d'un plan et d'un programme. C'est ce que nous faisons au sein de notre mouvement et que nous considérons comme une culture politique qu'il faudrait incruster. Le second type n'est pas légitime et s'élève sur la base de réactions et de l'exploitation des fautes des autres. Nous, nous savons faire la différence entre la liberté d'expression et les dérapages. A ceux qui prétendent que nous menons une campagne électorale ou une campagne de séduction à l'endroit des militants du FIS, nous disons que la politique est un angle ouvert et non un angle fermé avec tout ce que permet la loi dans le cadre d'un projet concret, en partant du constat que l'année 2012 est décisive dans l'histoire de l'Algérie à l'occasion du cinquantenaire de l'indépendance. Q.O. : Les Algériens ont perdu confiance dans la classe politique et les promesses sans lendemain qui ne durent que le temps d'une campagne électorale. Est-ce que vous vous sentez concerné par cette perte de confiance des électeurs algériens ? A.S. : Le solde de la confiance politique s'effrite chaque jour davantage depuis les élections de 1997 où les résultats sont sujets à controverse. Le Parlement a enquêté là-dessus mais les conclusions du rapport ont disparu. L'opinion publique est en droit de connaître les résultats de l'enquête parlementaire. Les «crimes politiques» ne tombent pas quand le temps avance et l'opinion publique est blasée des agissements de l'administration et des discours promettant le paradis lors des campagnes électorales. Cela a contribué à l'élargissement de cette perte de confiance. Nous sommes tous concernés par ce phénomène et nous sommes également responsables dans la reconstruction de cette confiance perdue. Le premier pas dans le sens de la reconstruction de la confiance réside dans la dotation de la justice d'instruments légaux et dissuasifs pour faire face aux fraudeurs, la lutte contre le financement politique, barrer la route au trafic d'influence et l'ouverture des bureaux de vote au public pour permettre au peuple de surveiller le scrutin. Q.O. : Honnêtement, est-ce que vous disposez d'un programme économique et êtes-vous plutôt pour un régime présidentiel ou parlementaire ? A.S. : Le MSP est pour un régime parlementaire avec des spécificités algériennes. Pour ce qui est de la politique économique, la philosophie de notre mouvement dit clairement que les créneaux économiques stratégiques sont du ressort de l'Etat alors que les autres secteurs doivent être ouverts à la concurrence et au partenariat à condition que l'Etat garantisse deux choses fondamentales, à savoir la régulation et la prise en charge des démunis ainsi que la prise en charge des charges sociales en attendant de passer d'une économie protectionniste à une économie développée. Q.O. : Vous avez l'intention de postuler à la magistrature suprême en 2014 ? A.S. : En fait, chaque parti politique aspire au pouvoir démocratique. Après la constitution d'un parti, il inscrit dans son canevas l'objectif d'arriver au pouvoir suprême afin d'appliquer son programme. C'est ça le principe politique. Quant aux mécanismes, au temps que cela prendra et les conditions, c'est aux instances de chaque parti d'en décider sur la base de ce qui se passe et des évolutions qui interviennent sur le terrain. Pour notre part, nous avons devant nous trois grandes stations importantes avant les présidentielles de 2014, à savoir les élections législatives et locales en 2012 et l'organisation de notre 5ème congrès en 2013. Nous ouvrirons le dossier des présidentielles en temps opportun. Il y a encore du temps devant nous pour évoquer le poste de Premier magistrat du pays. |
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