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Le gouvernement dans son
programme d'action consacre un long chapitre à l'Energie qui est au cœur de la
sécurité des Nations, car un des défis majeur est de réaliser la transition
énergétique, où à l'horizon 2030
la consommation intérieure dépassera les exportations actuelles expliquant que ce dossier est la préoccupation actuelle des autorités du pays, en espérant une unification des actions évitant la dispersion actuelle. Cette présente contribution est la synthèse aux conférences que j'ai données sur les nouvelles mutations énergétiques mondiales à l'Ecole Supérieure de Guerre Alger devant les officiers supérieurs à l'invitation du commandement de l'ANP le 19 mars 2019 à Marseille en juin 2019 où j'ai présidé l'importante commission des 5+5+ Allemagne sur la transition énergétique lors de la rencontre sur la société civile de la région méditerranéenne en présence du président français Emmanuel Macron et l'ensemble des ministres des Affaires étrangères dont l'Algérie, les institutions internationales FMI, BM, OCDE et les représentants de l'Union européenne. 1.- La transition énergétique : un problème sociétal et de sécurité mondiale Depuis que le monde est monde, l'énergie autant que l'eau est au cœur de la sécurité des Nations, le monde s'orientant en 2021/2030 inéluctablement vers un nouveau modèle de consommation énergétique fondé sur la transition énergétique dont l'hydrogène comme source d'énergie entre 2030/2040. Les dynamiques économiques modifient les rapports de force à l'échelle mondiale et affectent également les recompositions politiques à l'intérieur des États comme à l'échelle des espaces régionaux. La transition énergétique qui renvoie à d'autres sujets que techniques, posant la problématique sociétale, une question de sécurité mondiale. Car si la majorité des pays avaient le même modèle de consommation énergétique que les USA (330 millions d'habitants et l'Europe (746 millions habitants), ces deux zones plus de 45% du PIB mondial), sur un total mondial en 2020 de 7,80 milliards d'habitants, il faudrait plusieurs planètes terre. Il ne suffit pas de faire une loi car le déterminant c'est le socle social. Cela pose la problématique d'un nouveau modèle de croissance : tous les secteurs économiques, tous les ménages sont concernés : transport, BTPH, industries, agriculture. Les choix techniques d'aujourd'hui engagent la société sur le long terme. Dès lors la transition énergétique suppose un consensus social car la question fondamentale est la suivante : cette transition énergétique, combien ça coûte, combien ça rapporte et qui en seront les bénéficiaires La transition énergétique en Algérie est un choix stratégique politique, militaire, et économique pour assurer la sécurité énergétique du pays qui se fera progressivement, car il est incontestable que les gisements fossilifères du pays commencent à se tarir alors que la consommation énergétique nationale est en croissance importante. A travers des subventions généralisées et mal ciblées, l'Algérie est l'un des modèles les plus énergivores en Afrique et en Méditerranée, avec un taux de croissance qui a atteint ou même dépassé les 14% par an pour l'électricité. Les prévisions de la CREG avaient annoncé des besoins internes entre 42 (minimum) et 55 (maximum) milliards de m3 de gaz naturel, alors que Sonelgaz prévoit, quant à elle, 75 milliards de m3 en 2030. En Algérie, il existe un véritable paradoxe : la consommation résidentielle (riches et pauvres payent le même tarif, idem pour les carburants et l'eau) représente 60% contre 30% en Europe et la consommation du secteur industriel 10% contre 45% en Europe. Il faut relever que la consommation d'énergie est en moyenne: ménages, 44%, transport 33% et Industrie BTP 22%. Se pose cette question centrale, quel sera le prix de cession du gaz de toutes ces unités mises récemment installées notamment engrais phosphate, sidérurgie fortes consommatrices d'énergie ? D'où l'importance pour l'Algérie d'avoir une stratégie collant aux nouvelles réalités énergétiques mondiales. Car avec les dérivés d'hydrocarbures Sonatrach assure environ 98% des recettes en devises du pays, irriguant toute l'économie nationale : dépense publique qui détermine le taux de croissance, le taux d'emploi, le niveau des réserves de change et l'audience internationale de l'Algérie. 2.-Les cinq actions de la transition énergétique pour l'Algérie, 2021/2030 Premier axe, ne devant pas être utopique, l'Algérie dépendra encore pour longtemps des hydrocarbures traditionnelles, du fait du retard dans les réformes, et donc continuer à investir dans l'amont supposant pour attirer les investisseurs étrangers, étant dans un système concurrentiel mondial, une révision de la loi des hydrocarbures, inadapté à la conjoncture actuelle, notamment son volet fiscal, pour de nouvelles découvertes. Les différents Conseils des ministres avec des données contradictoires entre 2010/2019 ont évalué le besoin de financement de Sonatrach entre 80 et 60 milliards de dollars entre 2020/2030 pour retrouver son niveau de production de 2007. Sonatrach connaît une décroissance de sa production en volume physique, profitant légèrement de la remontée des cours depuis la fin du premier semestre 2021, espérant avoir une recette d'environ 30 milliards de dollars fin 2021, le chiffre d'affaires auquel il faut retirer les cours pour avoir le profit net. Le cours du pétrole du 11 novembre 2021 est de 72,88 dollars le Brent, 69,69 le Wit pour un cours euro/dollar de 1,18. Quant au gaz naturel qui représente en moyenne 33% des recettes de Sonatrach (70% canalisation fonctionnant en sous capacités, 30% GNL), le cours est de 4,57 dollars le MBTU le 11 septembre 2021, une nette augmentation par rapport à 2019/2020, où le cours fluctuait entre 2,5-3 dollars le MBTU, mais inférieur aux années 2007/2009 où il était entre 10/12 dollars le MBTU, le marché naturel étant l'Europe avec une forte concurrence, ne pouvant pas aller au niveau du marché asiatique où pour la rentabilité le cours devrait dépasser les 10 dollars le MBTU. Mais ne devant pas oublier que les exportations en volume physique sont passées entre 2008/2021 pour le pétrole de plus de 1,2 million barils/j à 950.000 barils/j selon le rapport de l'OPEP début juillet 2021 et les exportations de gaz la même période de 65 milliards de mètres cubes gazeux à 43 en 2019, à 41 en 2020, espérant 43/44 pour 2021. Pour la rentabilité de des gisements tout dépendra du vecteur prix au niveau international et du coût, pouvant découvrir des milliers de gisements non rentables, le montant des recettes prévues fin 2020 d'environ 30 milliards de dollars, attention à l'euphorie dépendent de facteurs externes et non d'une bonne gestion interne de Sonatrach. L'Algérie pour avoir une valeur ajoutée importante doit s'orienter vers la transformation de son pétrole et du gaz naturel mais dans le cadre d'un partenariat gagnant-gagnant, la pétrochimie à l'instar d'autres filières, les circuits de commercialisation étant contrôlés par quelques firmes multinationales, nécessitant d'importants investissements au moment où les réserves de change sont passées de 194 milliards de dollars au 01 janvier 2021, à 48 au 31/12/2020 et 44 entre avril mai 2021 malgré toutes les restrictions à l'importation, paralysant l'appareil productif avec des effets inflationnistes. Concernant les données du 13 septembre 2021, du ministère du Commerce concernant les exportations hors hydrocarbures, les dérivés d'hydrocarbures, les engrais minéraux et chimiques azotés ont représenté pour 886 millions de dollars soit 30,55%. Pour éviter un double emploi, Sonatrach ne doit pas comptabiliser ce montant dans ses exportations. La valeur des exportations de fer et d'acier s'est élevée à 595,78 millions de dollars, soit 20,55% Les produits chimiques inorganiques ont représenté 501,8 millions de dollars, 14,55%. Au total, les produits bruts et semi-finis ont représentées 65% et approchant les 75/80%, si l'on inclut les autres rubriques de semi-produits, le ministère du Commerce ne donnant pas 17,84% concernant les autres produits exportables. Les produits nobles répondant aux normes internationales c'est-à-dire les produits alimentaires à base de sucre pour 288 millions et les articles manufacturés pour 190.81 millions de dollars soit au total 478,8 millions de dollars ont représenté 16,51%. Pour avoir le gain net de l'Algérie, devant dresser la balance devises, il faudrait soustraire les matières premières importées en devises, la différence entre le prix du gaz au niveau international et le prix de cession interne pour ces unités exportatrices, environ 10% du prix international ainsi que les exonérations fiscales qui constituent un manque à gagner au Trésor. Cependant, la balance commerciale, la référence par rapport à 2020 n'est pas significative du fait de l'épidémie du coronavirus qui a plombé toute l'économie mondiale dont l'Algérie. Le deuxième axe, c'est l'amélioration de l'efficacité énergétique par une nouvelle politique des prix (prix de cession du gaz sur le marché intérieur (environ un dixième du prix) occasionnant un gaspillage des ressources qui sont gelées transitoirement pour des raisons sociales, dossier que j'ai dirigé avec le bureau d'études américain Ernest Young et avec les cadres du ministère de l'Energie et de Sonatrach que j'ai présenté personnellement à la commission économique de l'APN en 2008, renvoyant à une nouvelle politique des prix ( prix de cession du gaz sur le marché intérieur environ un dixième du prix international occasionnant un gaspillage des ressources qui sont gelées transitoirement pour des raisons sociales). C'est la plus grande réserve pour l'Algérie, ce qui implique une révision des politiques de l'habitat, du transport et une sensibilisation de la population. L'on doit durant une période transitoire ne pas pénaliser les couches les plus défavorisées. A cet effet, une réflexion doit être engagée pour la création d'une chambre nationale de compensation, que toute subvention devra avoir l'aval du Parlement pour plus de transparence et tenant compte du revenu par couches sociales, impliquant une nouvelle politique salariale. Le troisième axe, développer les énergies renouvelables combinant le thermique et le photovoltaïque avec pour objectif d'ici 2030, produire 30 à 40% de ses besoins en électricité à partir des énergies renouvelables où selon des études de l'Université des Sciences et Technologies d'Alger (USTHB), le potentiel photovoltaïque de l'Algérie est estimé à près de 2,6 millions de térawattheures (TW/h) par an, soit 107 fois la consommation mondiale d'électricité et en énergie éolienne, l'Algérie bénéficie aussi d'un potentiel énergétique important, estimé à près de 12 000 térawatts/heure (TWh) par an. Cette même étude estime qu'avec un taux moyen de consommation de 260 m3 /MWh, le potentiel algérien en énergies renouvelables serait équivalent à une réserve annuelle renouvelable de gaz naturel de l'ordre de 700 000 milliards de m3. Avec plus de 3 000 heures d'ensoleillement par an, l'Algérie a tout ce qu'il faut pour développer l'utilisation de l'énergie solaire, ou presque. Le soleil tout seul ne suffit pas. Il faut la technologie et les équipements pour transformer ce don du ciel en énergie électrique. Le retard dans l'exploitation de l'énergie solaire est indéniable. Adopté par plusieurs Conseils des ministres entre 2007/2020 le programme national des énergies renouvelables est toujours en léthargie et comme pour le financement de l'amont des hydrocarbures, plusieurs Conseils des ministres 2007/2020, ayant donné un besoin de financement 2020/2030 dépassant les 60 milliards de dollars. Ces différents conseils avaient prévu une introduction progressive des sources alternatives, notamment le solaire avec ses deux branches (thermique et photovoltaïque), dans la production d'électricité sur les 20 prochaines années. Dans cette perspective, la production d'électricité à partir des différentes sources d'énergies renouvelables dont l'Algérie compte développer serait de 22.000 mégawatts à l'horizon 2030, soit 40% de la production globale d'électricité. Sur les 22.000 MW programmés pour les deux prochaines décennies, l'Algérie ambitionne d'exporter 10.000 MW, alors que les 12.000 MW restants seraient destinés pour couvrir la demande nationale. Une fois réalisé, ce programme devait permettre d'économiser près de 600 milliards de mètres cubes de gaz sur une période de 25 années. Outre une nouvelle politique des prix, Sonatrach ne pouvant assurer à elle seule cet important investissement, il y a lieu de mettre en place une industrie nationale dans le cadre d'un partenariat public-privé national/international, supposant d'importantes compétences. Celle-ci doit comprendre tous les éléments de la chaîne de valeur renouvelable, dont l'ingénierie, l'équipement et la construction afin d'accroître le rythme de mise en œuvre, des études sur la connexion de ces sites aux réseaux électriques. Le quatrième axe, l'Algérie compte construire sa première centrale nucléaire à des fins pacifiques en 2025 pour faire face à une demande d'électricité galopante, où selon un rapport en date du 19 mai 2013 du ministère de l'Energie et des Mines, l'Institut de génie nucléaire devant former les ingénieurs et les techniciens en partenariat, qui seront chargés de faire fonctionner cette centrale. Les réserves prouvées de l'Algérie en uranium avoisinent les 29 000 tonnes, de quoi faire fonctionner deux centrales nucléaires d'une capacité de 1000 mégawatts chacune pour une durée de 60 ans, selon les données du ministère de l'Energie. La ressource humaine étant la clef à l'instar de la production de toutes les formes d'énergie et afin d'éviter cet exode de cerveaux massif que connaît l'Algérie. Le cinquième axe, est l'option du pétrole/gaz de schiste horizon 2025 (3ème réservoir mondial selon des études internationales) introduite dans la nouvelle loi des hydrocarbures, dossier que j'ai l'honneur de diriger pour le compte du gouvernement et remis en janvier 2015. En Algérie, devant éviter des positions tranchées pour ou contre, l'adhésion des populations locales par un dialogue productif est nécessaire car on ne saurait minimiser les risques de pollution des nappes phréatiques au sud du pays. L'Algérie étant un pays semi-aride, le problème de l'eau étant un enjeu stratégique au niveau méditerranéen et africain, doit être opéré un arbitrage pour la consommation d'eau douce des populations et celle utilisée pour cette production. Selon l'étude réalisée sous ma direction, les nouvelles techniques peu consommatrices d'eau et évitant l'injection de produits chimiques dans les puits devraient être mises horizon 2025 car actuellement avec la fracturation hydraulique classique il faudrait environ un milliard de mètres cubes gazeux environ 1 million de mètres cubes d'eau douce, devant tenir compte de la durée courte vie des puits (cinq ans maximum) et devant perforer des centaines pour avoir un milliard de mètres cubes gazeux. En conclusion, il s'agit de dépasser l'entropie actuelle afin d'asseoir une économie diversifiée s'adaptant aux nouvelles mutations mondiales, où nous devrions assister à une recomposition du pouvoir économique mondial horizon 2030 avec la dominance de la transition numérique qui modifiera la gestion des institutions et nos comportements, et la transition énergétique dont la lutte contre le réchauffement climatique, pour atténuer la désertification, les flux migratoires et résoudre le problème de l'eau enjeu du XXIème siècle. L'Algérie a besoin d'une nouvelle stratégie, loin des slogans creux populistes, s'adaptant au nouveau monde, de rétablir la confiance entre l'Etat et le citoyen, pour sécuriser son avenir, de s'éloigner des aléas de la mentalité rentière, de réhabiliter le travail et l'intelligence, de rassembler tous ses enfants et toutes les forces politiques, économiques et sociales, évitant la division sur des sujets secondaires passant par la refondation de l'Etat et la moralisation de la société algérienne. L'Algérie qui traverse une phase cruciale de son histoire a besoin qu'un regard critique et juste soit posé sur sa situation sur ce qui a déjà été accompli et sur ce qu'il s'agit d'accomplir encore au profit exclusif d'une patrie qui a besoin de se retrouver et de réunir tous ses enfants autour d'une même ambition et d'une même espérance : un développement harmonieux conciliant l'efficacité économique, une profonde justice sociale condition de la sécurité nationale. *Expert international ? professeur des universités - directeur d'Études Ministère Energie/Sonatrach 1974/1979-1990/1995-2000/2008è2013/2015 |
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