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Avec
une économie en berne qui après plusieurs décennies d'indépendance politique
repose toujours sur la rente des hydrocarbures (98% des recettes en devises) avec
la rentrée sociale 2021, la marge du gouvernement est étroite, se trouvant face
à un dilemme du fait du retard dans les réformes structurelles depuis de
longues décennies: soit augmenter les salaires via la planche à billets
(financement non conventionnel), la théorie néo keynésienne de relance de la
demande globale, à travers l'émission monétaire, résolvant un problème à court
terme mais amplifiant la crise à moyen terme, étant inappropriée pour l'Algérie
qui souffre de rigidités structurelles (léthargie de l'appareil de production)
et se trouve en face d'une spirale inflationniste incontrôlable comme au
Venezuela.
Ne pas les augmenter et se trouver face à un processus inflationniste élevé et la détérioration du pouvoir d'achat, devant l'intensification des revendications sociales. La population face aux nombreux scandales financiers exige un sacrifice partagé, que l'Etat et les hommes chargés de gérer la Cité donnent l'exemple, pour la nécessaire cohésion sociale. Evolution des réserves de change et de la cotation du dinar Les réserves de change ont évolué ainsi de 2001 à mai 2021 2001: 17,9 milliards de dollars,-2002: 23,1 milliards de dollars,- 2003: 32,9 milliards de dollar,- 2004: 43,1 milliards de dollars,-2005: 56,2 milliards de dollars,- 2010: 162,2 milliards de dollars,- 2011: 175,6 milliards de dollars,- 2012: 190,6 milliards de dollars,- 2013: 194,0 milliards de dollars,- 2014: 178,9 milliards de dollars,- 2015: 144,1 milliards de dollars,- 2016: 114,1 milliards de dollars,- 2017: 97,33 milliards de dollars,- 2018: 79,88 milliards de dollars,- 2019: 62 milliards de dollars- Fin 2020, 48 milliards de dollars et entre avril/mai 2021 : 44 milliards de dollars.. Les réserves de change ont baissé entre 2019/2020 de 20 milliards de dollars devant tenir compte de la balance de paiements et non de la balance commerciale d'une signification limitée. Comme la LF-2021, les dépenses budgétaires (dépenses de fonctionnement et d'équipement) qui se situent à environ 64,98 milliards de dollars, au cours de 128 dinars 1 dollar, au moment de l'établissement de la loi et les recettes fiscales globales (ordinaires et pétrolières) estimées à 41,62 milliards de dollars, nous aurons un déficit budgétaire record de plus de 21,75 milliards de dollars contre à la clôture 2020 de 18,60 milliards de dollars avec un déficit global du trésor de 28,26 milliards de dollars, soit 17,6% du PIB, le solde des réserves de change fin 2021 devrait s'établir à moins de 20 milliards de dollars. Qu'en sera-t-il en 2022, où la loi de Finances 2021 pour son équilibre, s'établit à plus de 100 dollars le baril et selon Bloomberg citant le FMI dans une note début avril 2021 entre 135/150 dollars le baril? Sonatrach connaît une décroissance de sa production en volume physique, profitant légèrement de la remontée des cours depuis la fin du premier semestre 2021, espérant avoir une recette d'environ 30 milliards de dollars fin 2021, le chiffre d'affaires auquel il faut retirer les cours pour avoir le profit net. Le cours du pétrole du 11 novembre 2021 est de 72,88 dollars le Brent, 69,69 le Wit pour un cours euro/dollar de 1,18. Quant au gaz naturel qui représente en moyenne 33% des recettes de Sonatrach (70% canalisation fonctionnant en sous-capacités , 30% GNL), le cours est de 4,57 dollars le MBTU le 11 septembre 2021 étant coté le 11 septembre 2021 à 4,57 dollars le MBTU, une nette augmentation par rapport à 2019/2020,où le cours fluctuait entre 2,5-3 dollars le MBTU, mais inférieur aux années 2007/2009 où il était entre 10/12 dollars le MBTU, le marché naturel étant l'Europe avec une forte concurrence, ne pouvant pas aller au niveau du marché asiatique où pour la rentabilité le cours devrait dépasser les 10 dollars le MBTU. Mais ne devant pas oublier que les exportations en volume physique sont passées entre 2008 à 2021 pour le pétrole de plus de 1,2 million barils/j à 950.000 barils/j selon le rapport de l'OPEP, début juillet 2021 et les exportations de gaz, la même période de 65 milliards de m³ à 43 en 2019, à 41 en 2020, espérant 43/44 pour 2021. Cela influe sur toute l'économie algérienne dont le niveau des réserves de change et le taux de croissance réel, du produit intérieur brut (PIB), alors que la population est en croissance dépassant les 44 millions, qui a été en 2019 de 0,8%, en 2020 moins 6% avec une prévision de 2,3% en 2021 pour le FMI et 4% pour le gouvernement. Mais un taux de croissance se calcule par rapport à la période précédente, le taux de croissance négatif positif en 2021, rapporté à 2020, moins de 6% donne toujours un taux de croissance faible, en termes réels entre 0 et 1% largement inférieur à la croissance démographique, supposant un taux de croissance de 8/9%, afin d'absorber 350.000/400.3000 emplois par an. On ne peut tout restreindre, quitte à étouffer tout l'appareil productif quitte à aller vers une implosion sociale avec un taux de chômage qui avoisinera 15% en 2021 Qu'en est-il de l'évolution du cours officiel du dinar corrélé aux réserves de change via les recettes d'hydrocarbures à plus de 70% la période de 2001 à septembre 2021: - 2001 : 77,26 dinars un dollar et 69,20 dinars un euro ? 2005 : 73,36 dinars un dollar et 91,32 dinars un euro - 2010: 74,31 dinars un dollar et 103,49 dinars un euro- 2015: 100,46 dinars un dollar et 111,44 dinars un euro - 2016: 100,46 dinars un dollar et 111,44 dinars un euro - 2017: 110,96 dinars un dollar et 125,31 dinars un euro-2018: 116,62 dinars un dollar et 137,69 dinars un euro-2019 : 119,36 dinars un dollar et 133,71 dinars un euro - 2020: 128,31 dinars un dollar et 161,85 dinars un euro, le 11 septembre 2021 136,36 dinars un dollar et 161,29 dinars un euro ( cours achat) avec un cotation sur le marché parallèle malgré la fermeture des frontières dépassant les 210 dinars un euro. La Loi de finances 2021 prévoit, pour 2022, 149,32 DA pour 1 USD et pour 2023 verrait donc la dévaluation de la monnaie nationale se poursuivre avec 156,72 dinars un dollar, ce qui rend sceptiques les investisseurs créateurs de valeur ajoutée à moyen terme, face tant à l'instabilité juridique que monétaire, spéculer étant plus rentable que réaliser un projet. Cette dévaluation qui ne dit pas son nom permet d'augmenter artificiellement la fiscalité hydrocarbures (reconversion des exportation hydrocarbures en dinars) et la fiscalité ordinaire (via les importations tant en dollars qu'en euros convertis en dinars dévalués), cette dernière accentuant l'inflation des produits importés (équipements), matières premières, biens finaux, montant accentué par la taxe à la douane s'appliquant à la valeur dinar, étant supportée en fin de parcours, par le consommateur comme un impôt indirect, l'entreprise ne pouvant supporter ces mesures que si elle améliore sa productivité. En cas de baisse drastique des réserves de change à 10/12 milliards de dollars, qui tiennent la cotation du dinar algérien à plus de 70%, la Banque d'Algérie sera contrainte de dévaluer le dinar officiel à environ 200/220 dinars un euro avec une envolée du cours sur le marché parallèle qui fluctue en fonction du taux d'inflation d'environ 300 dinars un euro minimum, surtout en cas d'ouverture des frontières. Il sera difficile de combler l'écart avec le marché parallèle pour la simple raison que l'allocation de devises pour les ménages est dérisoire, la sphère informelle suppléant à la faiblesse de l'offre et par ailleurs bon nombre d'entreprises du fait de la faiblesse de l'allocation devises pour éviter la rupture d'approvisionnement iront au niveau de cette sphère. Ce dérapage du dinar par rapport au dollar et à l'euro accélère la méfiance du citoyen vis-à-vis du dinar, en plus du manque de liquidités, amplifiant la sphère informelle où selon la Banque d'Algérie entre 2019/2020, la masse monétaire circulant en dehors du circuit bancaire, a atteint 6140,7 milliards de dinars (au cours de fin 2020 près de 48 milliards de dollars) à la fin de l'année 2020, soit une hausse de 12,93% par rapport à 2019, le président de la République, en mars 2021 ayant annoncé même 10.000 milliards de dinars soit au cours actuel d'avril 2021, 75,19 milliards de dollars Tensions inflationnistes et détérioration du pouvoir d'achat Nous assistons à l'accélération du processus inflationniste interne où la majorité des produits importés, exceptés ceux subventionnés, connaissent depuis décembre 2020 une augmentation variant entre 30/50%, voire plus de 100% pour certains produits comme les pièces détachées de voitures en contradiction avec l'indice officiel de l'ONS non réactualisé depuis 2011, alors que le besoin est historiquement daté. Le dérapage du dinar contribue ainsi à la baisse des salaires ramenés en devises. Ainsi un salaire net de 50 000 dinars équivaut au cours actuel à 310 euros et le SMIG de 20 000 dinars à 125 euros, montant qu'il faut réduire de 50% si l'on prend le cours du marché parallèle. A ce cours, un professeur d'université en titre, plus de 30 ans de carrière, en fin de carrière, perçoit moins de 800 euros (80% du salaire en retraite) contre plus de 1.200 euros sans compter les avantages d'un député sans proposer aucune loi, avec une retraite à 100%. Dans ce cas, il est utopique de parler d'encourager l'innovation ce qui favorise l'exode des meilleures compétences surtout des jeunes, d'autant plus que l'actuelle politique salariale, qui est totalement à revoir, favorise beaucoup plus les emplois-rente que les emplois productifs. Le niveau d'inflation est fonction de plusieurs facteurs interdépendants : premièrement, de facteurs externes dont le prix international des produits importés où contrairement à ce qu'affirme le ministre, la majorité de pays connaissent non pas une inflation mais une déflation avec des taux d'intérêts presque nuls; deuxièmement, de la faiblesse de la production et de la productivité interne, de la non-proportionnalité entre les dépenses monétaires et leur impact renvoyant à la corruption via les surfacturations; troisièmement, de la déthésaurisation des ménages qui mettent face à la détérioration de leur pouvoir d'achat des montants importants sur le marché, alimentant l'inflation, plaçant leur capital-argent dans l'immobilier, l'achat d'or ou de devises fortes pour se prémunir contre l'inflation ; quatrièmement, de la dévaluation rampante du dinar ; cinquièmement, par la dominance de la sphère informelle produit des dysfonctionnements des appareils de l'Etat où existent des liens dialectiques entre cette sphère et la logique rentière, avec des situations oligopolistiques de rente. Cette sphère aligne le prix des biens sur la cotation de la devise du marché parallèle, pour les produits importés, contrôlant les segments des fruits/légumes, poissons/viandes, textile/cuir et bon nombre d'autres produits importés qui connaissent un déséquilibre offre/demande. Le taux officiel a été de 1999 à fin 2020:- 2000, 2,0%-2001, 3,0%- 2002, 3,0%-2003, 3,5%-2004, 3,1%- 2005, 1,9%-2006, 3,0%-2007, 3,5% - 2008, 4,5% - 2009, 5,7%,-2010, 5,0%-2011, 4,5%- 2012, 8,9% (après les augmentations de salaires)-2013, 3,9%-2014, 2,9%-2015, 4,2%-2016, 5,9%-2017, 5,6%-2018, 5,6%-2019, 5,6%. -2020, 2,4% -2021 prévision 4,2% selon le gouvernement. Selon les données officielles, l'inflation cumulée a dépassé les 82% entre 2000/2020 et en redressant les taux de 20%, nous avons une détérioration du pouvoir d'achat durant cette période de 100% avec une concentration excessive du revenu national au profit d'une minorité rentière où un fait nouveau, une partie de la classe moyenne commence à disparaître graduellement et à rejoindre la classe pauvre, l'inflation et c'est une loi universelle jouant comme facteur de concentration au profit des revenus variables et au détriment des revenus fixes. L'action louable au profit des zones d'ombre serait un épiphénomène face à la détérioration du pouvoir d'achat de la majorité de la société civile informelle silencieuse, la plus nombreuse, atomisée, non encadrée qui risque de basculer dans l'extrémisme, face à des discours de responsables déconnectés de la réalité, des partis politiques traditionnels et une société civile officielle souvent vivant de la rente, inefficience comme intermédiation sociale et politique. Les tensions sociales, tant qu'il y a la rente, sont atténuées artificiellement grâce aux recettes des hydrocarbures qui permettent des subventions et transferts sociaux représentant 23,7% du budget général de l'Etat et 9,4% du PIB pour l'exercice 2021, mais mal gérés et mal ciblés, qui ne profitent pas toujours aux plus démunis. Ces tensions sociales sont également atténuées par la crise du logement qui renforce la solidarité familiale (même marmite, mêmes charges), assurant une paix sociale transitoire. L'effet d'anticipation d'une dévaluation rampante du dinar, via la baisse de la rente des hydrocarbures, risque d'avoir un effet négatif sur toutes les sphères économiques et sociales dont le taux d'intérêt des banques qui devraient le relever de plusieurs points, s'ajustant aux taux d'inflation réel, freinant à terme le taux d'investissement à valeur ajoutée. Mais une Nation ne peut distri buer plus que qu'elle produit quitte à aller vers une dérive économique et sociale, mais durant cette phase de transition le sacrifice doit être partagé. Certes, on ne peut en deux années, après une léthargie de plusieurs décennies, redresser le bateau Algérie où uniquement pour la période 2000/2019, les recettes en devises ont dépassé les 1.000 milliards de dollars avec une sortie de devises en biens et services de plus de 935 milliards de dollars avec un taux de croissance dérisoire qui a fluctué entre 2/3% alors qu'il aurait dû être de 9/10% avec une sortie de devises de 20 milliards de dollars en 2020 pour une croissance négative de moins 6%. Mais force également est de constater l'urgence d'une autre gouvernance et une autre politique économique, l'épidémie du coronavirus n'étant pas la seule explication, le rapport du Premier ministère, repris par l'APS le 01 janvier 2021, annonçant que l'Etat a consacré ces trente dernières années plus de 25 milliards de dollars d'assainissement des entreprises publiques dont plus de 80% sont revenues à la case de départ... Devant raisonner toujours en dynamique et investir dans des segments de filières où l'Algérie a des avantages comparatifs, pour les projets faiblement capitalistiques, si on résout le problème des entraves bureaucratiques, la rentabilité, après le lancement des travaux et la mobilisation du financement en dinars et en devises, ne peut se faire pas avant deux à trois années. Pour les projets hautement capitalistiques comme les projets du phosphate de Tébessa et du fer de Gara Djebilet où on nous annonce, en octobre 2021, qu'il fera l'objet d'études où l'ex ministre de l'Industrie, en décembre 2020, estimait l'investissement de ces deux projets à plus de 15 milliards de dollars, si l'on résout le problème du partenaire et du financement entre cinq à sept années. En conclusion, la situation socio-économique est préoccupante avec le retour à l'inflation et l'accroissement du chômage, avec la détérioration du pouvoir d'achat avec le nivellement par le bas des couches moyennes. Combien de promesses utopiques de réalisation de différents projets alors que la situation financière est difficile et où trouver le capital argent en ces moments de crise mondiale avec l'endettement des Etats les plus développés et des réserves de change en baisse malgré toutes les restrictions qui risquent de conduire à de vives tensions sociales ? La condition sine qua non de la sécurité du pays étant posée, le grand défi, passant par de profondes réformes politiques, sociales, économiques, culturelles pour un changement de mentalités, est de mettre en place une économie diversifiée loin des aléas de la rente, supposant une nouvelle gouvernance, afin de freiner la détérioration du pouvoir d'achat des couches les plus vulnérables. La condition sine qua non de la sécurité du pays étant posée, est une nouvelle gouvernance. *Professeur des Universités, Expert international |
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