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«Mieux vaut manger un pain sec
debout qu'un steak haché couché»
Une baisse brutale et durable du prix des hydrocarbures, des débouchés ou des réserves, serait-elle fatale ou salutaire pour le pays ? Les recettes pétrolières et gazières représentent 98 % des revenus en devises du pays et couvrent plus de 75 % des besoins des ménages et des entreprises. Elles vont aider l'Etat à renforcer son emprise sur la société et aiguiser l'appétit des Algériens. Les Algériens veulent tout, tout suite et sans effort à l'instar de ceux qui les gouvernent. De l'occupation des villas des colons, meublées et équipées pourvues de toutes les commodités modernes déclarées «vacantes» au lendemain de l'indépendance à l'ouverture pour certains des comptes devises dans les paradis fiscaux à la faveur d'une manne pétrolière et gazière providentielle. Aujourd'hui, «ce n'est plus le doigt qu'on met dans le pot du miel pour y goûter, mais c'est toute la main qui passe sans pour autant se rassasier». C'est l'ère de la démesure et le début de la démence. Les revenus des hydrocarbures jouent un rôle considérable dans le financement des ménages et des entreprises. Ils ont non seulement façonné l'économie nationale mais également la mentalité de la société algérienne. En procédant à leur redistribution à des fins de légitimation, l'Etat naissant «dépolitise» la société en «l'infantilisant». Infantiliser la société, cela consiste à agir envers la société comme si elle était un enfant. L'enfant est celui qui n'a pas la capacité de parler ou d'agir, il doit obéir. L'infantilisation s'est développée avec l'Etat - Providence à la faveur d'une manne pétrolière et gazière. L'Etat est là pour le protéger, le surprotéger, veiller sur son sommeil et assurer sa nourriture. Elle s'est accompagnée d'une féminisation de la société et un effondrement des valeurs morales traditionnelles. A tel point qu'il est devenu une honte de gagner de l'argent en dehors de l'Etat, c'est-à-dire à partir de son travail ou de sa production. Tous sont sommés de tendre la main à l'Etat qui dispose des revenus pétroliers et gaziers. C'est dire que les élites au pouvoir ne renonceront jamais de leur propre gré à la distribution de la rente pétrolière et gazière et n'accepteront jamais d'en rendre compte à moins d'y être contraints. Ce sont ceux qui souffrent du système qui doivent y mettre fin et pour cela ils ne doivent compter que sur eux-mêmes. Ceux qui profitent les largesses du système feront tout ce qui est en leur pouvoir pour maintenir le statu quo. Il ne s'agit pas de convictions mais d'intérêts. «L'eau du fleuve ne retourne jamais à sa source». C'est pourquoi les jeunes ne veulent pas de cet argent là... Entendez leurs cris de colère «gardez vos pétrodollars, emportez-le dans vos tombes si vous voulez, mais de grâce épargnez-nous vos sarcasmes. Vous ne trompez plus personne. Vous avez épuisé vos dernières cartouches. La vérité a fini par éclater au grand jour. «On a beau dissimiler ses excréments au fond de l'eau, ils remontent toujours à la surface». Nous sommes pour un argent propre gagné à la sueur de nos fronts. Et vous êtes incapables de nous offrir des emplois permanents productifs car vous ne connaissez pas la valeur travail. Pourtant l'école française vous a appris que le travail éloigne de nous trois maux : l'ennui, le vice et le besoin ; mais vous n'apprenez pas vos leçons. Votre école conçue pour les indigènes que nous sommes nous apprend à mémoriser et non à réfléchir, à vous obéir et non à vous contester. Elle nous a livrés à la rue, au chômage et à fuir le pays que vous vous glorifiez de l'avoir libéré du joug colonial alors que vous vous soignez dans ses propres hôpitaux à nos frais par les médecins algériens que vous avez chassez. Vous avez passé toute votre existence à ruser et non à travailler, à vous pavaner et non à réfléchir, à palabrer et non à agir. Que Dieu vous pardonne. Vous avez succombé à la facilité. Longtemps frustrés, vous avez mis les bouchées doubles sans pourtant vous rassasier. Ce pétrole votre «eau de jouvence» est pour nous «le sang des martyrs», il est sacré. Aujourd'hui, c'est nous les jeunes qui payons le prix et le prix fort de votre égocentrisme et votre courte vue. Que Dieu nous vienne en aide». Le pétrole est devenu le Dieu du monde moderne et les dirigeants de la planète ses serviteurs. C'est un faiseur de miracles. A l'image du corps humain, les organes nobles et vitaux se trouvent au-dessus de la ceinture et les organes vils et tertiaires non moins importants en dessous. Les deux étant solidaires et interdépendants. Un Etat conçu et vécu comme habillage civil d'un pouvoir militaire sans uniforme le rendant invisible au regard des droits de l'homme et de la démocratie et tournant le dos aux aspirations populaires. Un Etat qui repose sur une rente et non sur une production. Un Etat qui se fonde sur la force et non sur le droit. Un Etat conquis par les armes et corrompu par l'argent facile. Vivant exclusivement de la rente, l'Etat peut se permettre de ne pas développer une production propre en dehors des hydrocarbures et rien ne l'empêche d'établir des relations clientélistes avec les acteurs économiques et sociaux qui se sont multipliés au fil du temps et des sommes amassées. Partant du principe sacro-saint que tout problème politique, économique ou social a une solution budgétaire. Politiquement, le pétrole n'est pas neutre. Il attire les grandes puissances, perpétue des régimes politiques, corrompt les sociétés, enflamme les foules, et détourne le regard des démocraties occidentales. Il est responsable des profondes modifications des structures économiques, politiques, sociales et mentales. Il finance le déficit des entreprises économiques et le fonctionnement des institutions politiques virtuelles. Il masque l'autoritarisme de l'Etat et la paresse congénitale des populations. Il abolit la propriété privée des moyens de production au profit de la propriété «publique» rendant invisibles et infaillibles les actionnaires «politiques» en socialisant les pertes (par répression aveugle) et en privatisant les profits (par la corruption de masse). Cela conduit évidemment à la disparition de la bourgeoisie productive autochtone transparente et à l'interdiction d'entreprendre quoi que ce soit de laborieux en Algérie en dehors du contrôle de l'Etat c'est-à-dire des tenants du pouvoir. Il sera à l'origine de la constitution d'une classe sociale formée d'une bourgeoisie d'Etat parasitaire et d'une oligarchie hégémonique, disposant d'un appareil sécuritaire puissant et de l'argent du pétrole et du gaz pour se pérenniser. Il a empêché quasiment le renouvellement du personnel politique atteint par la limite d'âge, la diversification de l'économie et la renaissance d'une culture ancestrale qu'elle soit ethnique ou religieuse. Il est établi que prix du brut est un baromètre de la santé de l'économie mondiale et un facteur de stabilisation des régimes politiques domestiqués comme les monarchies arabes et les dictatures militaires. Pour assurer sa domination sur le reste du monde, il navigue entre deux eaux, un prix planché au-dessous duquel il ne peut descendre sous peine de perturber les marchés entraînant une récession mondiale préjudiciable à la pérennité de la civilisation moderne et un prix plafond correspondant aux coûts de production des énergies de substitution. Dans ce contexte, les sociétés arabes sont prises en tenaille entre un Etat Monde dominé par l'argent et un Monde sans Etat régi par une morale. Vivre dans la modernité et mourir dans l'islam est un défi difficile à relever par les communautés musulmanes vivant de la rente pétrolière et gazière. Entre la vie éphémère d'ici-bas et la vie éternelle dans l'au-delà, mon cœur balance semble penser le musulman ébranlé dans sa foi religieuse face à une modernité envahissante aux couleurs attrayantes et à la décadence morale de la société dans laquelle il vit. De la danse du ventre au nu intégral, le pas est vite franchi pour attirer les touristes et investisseurs étrangers. Toute flambée ou effondrement des prix qui s'inscrit sur la durée menace la civilisation occidentale dans ses fondements où la matière domine l'esprit, où l'individu prime sur le groupe, où l'homme est une équation à somme nulle et où Dieu est absent du cœur des hommes. Sur le plan sociologique, le pétrole agit sur le corps social comme un somnifère le plongeant dans un sommeil profond par la distribution de revenus factices sans contrepartie productive et la satisfaction des besoins primaires et secondaires des ménages, des entreprises et des administrations exclusivement par des importations condamnant le pays à l'immobilisme et à l'inculture. Ce n'est pas un hasard si les pays arabes producteurs de pétrole sont classés parmi les peuples les plus fainéants et les moins cultivés de la planète. «Le soleil d'Allah brille sur l'Occident» et Satan règne sur le monde arabe. Les Arabes se sont écartés de la voie droite, de la lumière d'Allah pour s'engouffrer dans les ténèbres de la voie satanique du monde matérialiste dans lequel nous vivons où l'être se cache derrière le paraître, pour reprendre la formule «j'ai donc je suis». Ils sont schizophrènes : ils veulent vivre dans la modernité sans se renier et mourir dans l'islam sans se réformer. Riches, ils dilapident ; pauvres ils s'entre-tuent. L'Algérie importe tout y compris la main-d'œuvre qualifiée pour le bâtiment et l'agriculture. L'Algérie importe également les idées religieuses et les pratiques de consommation des monarchies du golfe. Les dictatures militaires et des monarchies arabes déroulent le tapis vert aux puissances étrangères pour piller les ressources minières de leurs pays condamnant leurs propres populations à une pauvreté certaine. Si le pétrole constitue «l'eau bénite» des économies occidentales florissantes, il n'en demeure pas moins qu'il est le «purgatoire» des sociétés musulmanes décadentes faisant des Arabes d'aujourd'hui des fantômes cherchant une place parmi les vivants. Nous sommes en gare depuis 1962. Nous sommes dans l'attente du prochain train qui ne viendra pas. Il n'y a plus de voies ferrées, ni de nouvelles gares. Entre-temps, la locomotive rouille au soleil et les wagons-lits se transforment en basse-cour. «Le poulailler reste un palais doré pour le coq malgré la puanteur des lieux». * Docteur |
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