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Aujourd'hui
la situation politique en Algérie a suffisamment avancé pour tenter de
décrypter ce qui se passe aujourd'hui surtout que le chef de l'État par
intérim, Abdelkader Bensalah, a convoqué, le 15 septembre
2019, le corps électoral pour l'élection présidentielle prévue pour jeudi 12
décembre prochain.
Il a exhorté le peuple algérien à se mobiliser pour ce rendez-vous qui s'avère crucial pour la nation. Il est évident que cette nouvelle donne va apporter une nouvelle impulsion et, il le faut dire, l'Algérie en a vraiment besoin en cette période difficile tant les positions des manifestants et du pouvoir sont très éloignées. Et cette crispation et le climat tendu aujourd'hui après sept mois de manifestation méritent un début de solution. L'Algérie ne peut continuer dans cette situation d'opacité, de fermeture, d'absence de dialogue entre les hirakistes et le pouvoir. Or, il y a une nécessité de sortir de l'impasse et de trouver un compromis. Mais quelle est la solution pour sortir de cette crise sans fin ? Elle vient précisément de cette prise de conscience du peuple algérien dans toutes ses composantes et du pouvoir à qui il échoit la responsabilité d'apporter une réponse au peuple et donc des solutions. La suggestion du vice-ministre de la Défense et chef d'état-major Gaïd Salah, le 2 septembre 2019 lors d'un discours à Ouargla, de la date du 15 septembre comme possible date de la convocation du corps électoral a fait hâter les événements. Comme il l'a annoncé, «convoquer le corps électoral le 15 du mois de septembre courant» et que «les élections puissent se tenir dans les délais fixés par la loi». «Des délais raisonnables et acceptables qui répondent à une revendication populaire insistante», a-t-il insisté. Évidemment, les Algériens qui investissent la rue dans les différentes villes chaque vendredi et mardi ne l'entendent pas de cette oreille, et unanimement rejettent toute élection qui serait organisée par les symboles de l'ancien système. Mais que peut-on dire de ces deux fronts ? Le front du pouvoir et le front du peuple. Ce que l'on ne doit pas perdre de vue, c'est que si le peuple manifeste et que le pouvoir lui dit qu'il l'entend, qu'il l'écoute, c'est que c'est une réponse du pouvoir tout à fait naturelle. Qu'il y ait un véritable bras de fer entre les décideurs et les hirakistes, force est de le dire, ce bras de fer n'est pas négatif en soi. Bien au contraire, il est positif. Pourquoi ? Parce qu'il cherche à rompre avec le système passé, il cherche à apporter du nouveau, il est fécond, et donc à revoir la structure politique, économique, institutionnelle de la nation et l'adapter aux nouveaux enjeux, aux nouveaux défis tant sur le plan intérieur qu'extérieur. Le monde change et l'Algérie doit aussi changer. Cependant, aujourd'hui, il faut rompre avec la situation de paralysie qui n'est pas bonne tant pour le peuple que pour le pouvoir. Et les deux «fronts» forment la nation, et la nation doit avancer, elle ne peut rester bloquée, et peu importe la position des uns et des autres. Déjà cette «révolution du sourire» qui est suivie par tous les peuples du monde, tant elle est inédite, elle n'a pas d'exemple dans l'histoire passée du monde, elle a déjà apporté des acquis considérables, sans précédents. Les «prédateurs économiques» qui ont été dévoilés aux peuples, leur incarcération, dont plusieurs ministres et deux Premiers ministres, des hommes d'affaires les plus en vue en Algérie, etc., et ceci s'est produit en quelques mois, un temps record, montre que les marches populaires, et massives dans toutes les villes, pendant plusieurs mois, ont été couronnées de succès. Le pouvoir a obtempéré, répondu favorablement, il ne pouvait aller à l'encontre des cris du peuple dans sa majorité qui ont martelé le ciel de l'Algérie pendant 31 vendredis et 31 mardis. Et ces acquis sont considérables et vont de pair avec les marches populaires et toujours pacifiques et tout aussi considérables. Par conséquent les manifestants campent sur leurs positions et rejettent les élections présidentielles programmées par le pouvoir aujourd'hui, c'est leur droit, et ce droit est tout à fait naturel, et les manifestants ne cessent de le clamer dans les marches depuis le 22 février 2019. De même, le pouvoir qui est responsable de la sécurité publique, et donc de la protection des biens et des personnes, de la marche de l'État, de l'économie algérienne, et il faut bien quelqu'un à la barre pour diriger le «Bateau Algérie» dans ces moments si difficiles et surtout troubles. On ne sait pas ce qui va ressortir de ce bras de fer entre le peuple et le pouvoir. Par conséquent, surtout eu égard à la crise politique et économique que vit l'Algérie, le pouvoir est lui aussi en droit d'apporter des solutions. Qu'il organise les élections le 12 décembre 2019 et qu'il convoque le corps électoral entre dans ses attributions légitimes. Et personne ne peut en redire, que les manifestants le considèrent comme un coup de force est normal, et même légitime compte tenu du refus clamé chaque vendredi et mardi, ou que le pouvoir dit que les élections vont se tenir et constitueront un début de règlement de la crise est aussi à la fois normal, légal et légitime. L'Algérie est une nation une et indivisible, et par conséquent ce bras de fer pouvoir-peuple est très positif. En clair c'est un pays qui avance et cette double légitimité du peuple et du pouvoir relève de la marche de l'histoire. Hier, il n'a pas été un bras de fer ; le peuple et le pouvoir, malgré les hauts et les bas, marchaient la main dans la main. Et même l'économie nationale a fortement crû grâce bien sûr à la hausse des cours du pétrole, et l'Algérie est un pays pétrolier, donc dépendant de la rente pétrolière. Aujourd'hui, c'est la crise d'abord économique qui s'est transformée en une crise politique multiforme au point que le mouvement du 22 février 2019 a pris de court le pouvoir et toute la classe politique. Un mouvement qui est sorti presque par magie de la terre. Il est évident que certains mouvements n'ont pas d'explications véritables, c'est un peu comme une tectonique, annonçant une dislocation commençante d'une structure. L'histoire de l'humanité avance, et l'Algérie est une partie de cette humanité. Et qu'on le veuille ou non, elle est charriée par cette humanité qui se transforme progressivement. Il y a aussi le progrès, et pas seulement la mondialisation-globalisation. Il y a la communicabilité qui s'est transformée, les informations sur ce qui se passe dans la nation et dans le monde sont données en temps réel. Il suffit de se connecter au moteur de recherche sur Internet et on a les informations que l'on a demandées en quelques secondes. Et ce sont des milliards et des milliards de données qui nous sont assignées par un processus «herméneutique» du progrès scientifique et son pendant technologique. Et, en face, des milliards d'êtres humains qui sont connectés et la frontière langue n'existe pas. L'Algérien peut instantanément communiquer avec qui il veut, le Chinois, le Chilien, le Russe... et inversement. Il y a pour cela des traducteurs automatiques. Tout montre que l'humanité a fait un «saut qualificatif et quantitatif» projetant toutes les générations d'aujourd'hui et de demain vers des rivages inconnus, des territoires que la pensée actuelle ne saurait même se représenter ce que sera l'humanité en 2030, 2050, 2070... Ceci dit pour simplement signifier que l'on ne doit pas être surpris de ce qu'est le Hirak algérien, un mouvement empreint d'une grande «maturité politique» et d'un «pacifisme fervent et à toute épreuve». Il n'est pas sorti ex nihilo, mais relève d'une herméneutique de l'histoire qu'il faut comprendre, ou plutôt déchiffrer non par les moyens logiques classiques mais par la «phénoménologie herméneutique», seule apte à donner un sens à l'esprit critique humain. Et surtout comprendre que ce mouvement politique empreint d'un pacifisme passionné, est né, pour la première fois de l'histoire humaine, en terre algérienne. Et, avec une grande probabilité, ce mouvement sociopolitique précurseur sera étendu aux autres régions du monde, aux autres peuples qui n'arrivent pas à sortir de la sclérose de la domination. C'est un mouvement politique des peuples d'aujourd'hui et de demain. Les peuples apprennent, s'enrichissent, et les visions changent, la compréhension des droits et devoirs s'affinent et comme «naturel» au fur et à mesure que l'histoire humaine avance, elles deviennent aussi exigeantes. Et ce sont les crises économiques, politiques et sociales qui sont le moteur dans l'élévation politique et la prise de conscience des peuples de leur devenir qui passe par la prise en main de leurs destins. Aussi, allons-nous décrypter le mouvement politique citoyen qu'est le Hirak. Mais pour cela, il faut comprendre les forces qui ont été à l'origine de sa genèse. Le seul moyen est de faire un retour sur l'histoire et comparer ce qui se passe en Algérie, et aussi ce qui s'est passé, pour comprendre ce qui est appelé à se passer avec les élections présidentielles en décembre 2019, et ce qu'il adviendra demain, c'est-à-dire en 2020 et plus. Cette comparaison se fait avec ce qui a existé déjà en Algérie et dans le monde, un peu comme le fil d'Ariane, qui va sonder les profondeurs de l'histoire, non seulement dans leur irruption mais ce qui lie les événements entre eux pour parvenir à ceux d'aujourd'hui. Nous sommes à moins de quatre mois de la nouvelle année. Dans cette perception historique, seule la logique des événements peut nous faire comprendre la situation de crise politique en Algérie, et aussi le souci des manifestants comme celui du pouvoir algérien dans ce qui va advenir à la lumière de ce qui est déjà advenu. Il faut dire que, malgré les positions des uns et des autres éloignées, en réalité elles ne sont pas si éloignées. Ceci dit dans l'absolu. Nous essaierons de l'expliquer. Parler donc des autres révolutions qui toutes se sont opérées dans un contexte de révolte populaire contre leurs régimes politiques, leurs classes dominantes autistes à leurs doléances, ne sentant pas leur misère, est nécessaire pour la compréhension de la marche du monde. Et surtout elle permettra de mieux situer le Hirak algérien dans l'histoire du monde arabe et du monde. Et montrer qu'en fait, le Hirak se trouve à un tournant majeur dans l'histoire monde. Et qu'il a tout son sens dans la mutation en cours sur tous les plans: économique, géo-économique, géostratégique, sociopolitique, scientifique, technologique ... à l'échelle des nations et du monde. Un constat à relever est qu'il y a eu tellement de révolutions à travers le temps et l'espace que nous ne pouvons ne retenir que celles qui nous semblent les plus vivantes, les plus expressives tant elles ont impacté et continuent l'évolution et le progrès de l'humanité. Nous n'inscrivons pas les révolutions armées contre le colonialisme, qui sont en fait des guerres pour l'indépendance, comme cela fut pour la révolution américaine contre la Grande-Bretagne, la révolution algérienne contre la France occupante, et d'autres révolutions anticolonialistes. Certes, elles ont joué un rôle considérable dans la marche de l'histoire, mais elles ont été plus des conséquences d'un cours historique qu'elles n'ont été des causes. En revanche, le mouvement populaire révolutionnaire depuis le 22 février 2019 en Algérie est comparable par bien des aspects à la révolution française de 1789, à la révolution russe de 1917, à la révolution iranienne en 1979. D'abord parce que ces révolutions ont eu lieu au sein d'un même peuple et qu'il n'y a pas d'interférence extérieure immédiate, celle-ci ne s'est produite qu'après que les révolutions avaient déjà opéré les changements qui «devaient s'opérer en fait dans la logique de l'Histoire». C'est cela qu'il faut faire ressortir; que toute maturation du monde vient de l'état des peuples selon leurs avancées dans le progrès du monde. On comprend pourquoi l'usage massif de la violence dans les révolutions passées et jusqu'au XXe siècle a été nécessaire pour libérer les sociétés humaines d'un pouvoir politique dominant, qu'il soit monarchiste, absolutiste, ou qu'il soit une dictature prolétarienne ou religieuse, idéologique et impériale. A la deuxième moitié du XXe siècle, on assiste à une nouvelle forme de révolution, les «révolutions colorées ou fleuries» où la violence presque bannie a fait place aux manifestations populaires pacifiques. Ces mouvements ont été rencontrés surtout en Europe, et tout progrès d'une aire géopolitique se transfère aux autres régions plus ou moins proches. Pour ne citer que la révolution russe de 1917, cette révolution a été aussi transférée à la Chine puisque en 1949, la république populaire de chine a été proclamée, en fait une république communiste. Pourquoi la révolution russe ne s'est pas transférée à l'Europe de l'Ouest ? Pour la simple raison que la situation politique n'était pas la même, le système politique en Europe dominait le monde, et n'avait pas besoin d'une révolution communiste. Donc tout est en rapport avec l'évolution des peuples et leur prise de conscience. Pour le Hirak algérien, c'est précisément ce haut degré de conscience politique empreint de civisme, de pacifisme, et étendu à l'ensemble du peuple qui, fort du poids du nombre, a changé les donnes politiques en Algérie. Or, lorsque des peuples entiers sortent, occupent la rue, secouent les pouvoirs et font tomber les régimes politiques qui les gouvernent, c'est qu'il y a une avancée politique majeure dans ces pays. Ce qui se joue en Algérie vient en droite ligne de ces révolutions «modernisées dans leur essence et dans l'histoire». Il y a donc mûrissement de la conscience nationale algérienne et le pouvoir politique n'a aucun moyen pour parer à cette évolution, et se trouve soit à s'adapter à la transformation de la conscience nationale, soit à céder le pouvoir qui n'est pas forcément positif pour le peuple, soit à être remplacé par un nouveau pouvoir fidèle aux revendications du peuple. Mais pour l'Algérie, ce mûrissement de la conscience nationale amènera inévitablement le pouvoir à la première option, c'est-à-dire s'adapter aux nouvelles donnes politiques, que nous aurons à préciser dans une étude-prospective. Mais d'emblée, on l'appellera une «adaptabilité herméneutique» Mais cependant, regardons ce qui s'est opéré avec les démocraties populaires qui sont sorties de l'aire soviétique à la fin des années 1980. La détermination du peuple de l'Allemagne de l'Est qui a fait sauter le mur de Berlin, ou «mur de la honte» a suscité l'admiration incrédule du monde libre. Elle a ouvert la voie à la réunification de l'Allemagne, il en est allé de même pour les autres pays socialistes d'Europe centrale et orientale (PECO) qui ont vu tous leurs gouvernements céder à la pression populaire. L'URSS elle-même fut disloquée à son tour. Et ici on ne peut disconvenir, ce sont les lois du progrès dans l'histoire qui commandent les mutations des nations et du monde. Et si ce sont presque toujours les crises économiques qui provoquent les mutations, et avant même ces mutations, la mal-vie, le désespoir des peuples qui sont de puissants moteurs dans leur réveil et leur prise de conscience nationale, il demeure qu'il y a aussi des forces herméneutiques qui ont un impact déterminant dans le progrès des peuples. Précisément, le monde arabo-musulman, paradoxalement, n'est pas étranger à ces formidables avancées en Europe, en Asie et dans les deux Amériques. Évidemment une telle affirmation a de quoi laisser pantois tant dire que le monde arabe a à voir avec ces progrès des peuples est tout à fait déconcertant, voire sans aucun sens, incongru. Mais sur le plan politico-herméneutique, cela a un sens. Dans une analyse que nous aurons à développer, nous montrerons que c'est une «vérité », une donnée rationnelle, relevant du développement historique, et précisément le monde arabe y a joué un «rôle pratiquement central», dans les avancées de l'humanité, sauf qu'il est herméneutique, non dans le sens que le monde arabe l'ait fait et «pensé» volontairement, mais que l'Histoire l'a utilisé pour arriver à ses fins. De même, pour ce qui ressort du Hirak en Algérie qui vient en droite ligne des avancées historiques «propres» au peuple algérien, mais aussi des avancées du monde humain dans sa globalité. Et, ce qui est important est qu'il existe une «adaptabilité herméneutique» inexorable dans la marche des forces dans l'histoire d'Algérie, du monde arabe et du monde. Elle commence déjà avec les présidentielles du 12 décembre 2019, puisque ce rendez-vous historique, quand bien même rejeté massivement par les manifestants, sera une date charnière dans le renouveau de l'histoire d'Algérie. Quel que soit ce qui adviendra. On n'a point besoin de supputer sur ce qui est en puissance à venir. Il est certain que l'Algérie avancera, car c'est inscrit dans l'air du temps, le temps algérien, qui infèrera aussi sur les autres temps des peuples. *Auteur et chercheur spécialisé en économie mondiale, relations internationales et prospective. |
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