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En dépit des affirmations
généreuses de ses initiateurs, le processus de Barcelone s'inscrit dans la
droite ligne et la logique de la mondialisation, dont il constitue un
instrument de domination du monde par l'Occident libéral, triomphant du bloc
communiste constitué par l'ex-URSS.
Ainsi, grâce aux accords d'association (qui sont en fait de véritables contrats d'adhésion, aux clauses léonines) élaborés unilatéralement et proposés individuellement aux pays du Sud et de l'Est de la Méditerranée, l'Union européenne ne vise pas moins que la mainmise sur le bassin méditerranéen, dans tous ses versants. Lancé lors de la Conférence, qui a eu lieu à Barcelone (Espagne), les 27 et 28 novembre 1995, le partenariat euro-méditerranéen, communément appelé «processus de Barcelone» regroupe les 27 pays actuellement membres de l'Union européenne (ils étaient 15 à l'époque) et 10 Etats du Sud et de l'Est de la Méditerranée (Algérie, Tunisie, Maroc, Egypte, Israël, Autorité palestinienne, Jordanie, Liban, Syrie et Turquie. La Libye était exclue de ce processus en raison de son implication dans l'affaire Lockerbie). Il comporte trois volets : politique, économique et financier, culturel, social et humain et remplace les accords de coopération commerciale et financière qui existaient entre ces pays et la Communauté économique européenne, jusqu'en 1996. Ce projet aspirait, entre autres, à rassembler, à l'horizon 2010 (cette échéance a été reportée pour certains pays, et à 2020 pour l'Algérie) les pays membres de l'Union européenne et les pays de la rive sud et orientale de la Méditerranée, dans une zone de libre-échange fondée sur le principe de la réciprocité des intérêts et du partage de la prospérité et non plus sur la règle de l'aide-projet, financé à fonds perdus, sur laquelle reposent les accords de coopération précédents, qui favorisent les concessions commerciales, la coopération financière et l'assistance technique et culturelle. Les nombreuses opérations d'aide au développement, qui étaient inscrites dans des protocoles financiers quinquennaux, ont permis aux pays du Sud de soutenir leurs efforts de développement mais la Commission européenne en a fait une évaluation négative pour ses intérêts et a décidé de leur substituer sa «Politique méditerranéenne rénovée», qui constitue, selon elle, un saut qualitatif dans les relations entre les pays du Nord et ceux du Sud de la Méditerranée, qui sont désormais considérés comme des partenaires à part entière, avec des droits et des devoirs. En plus d'un quart de siècle d'existence, ce partenariat présente aujourd'hui un bilan jugé «satisfaisant» par les pays du Nord et «mitigé», par ceux du Sud de la Méditerranée, qui estiment, à juste titre, que leurs relations avec l'Union européenne devraient connaitre de nécessaires et urgents ajustements pour atténuer leur structurel et perpétuel déficit dans tous les volets de l'accord d'association. Ainsi, toutes les bonnes intentions exprimées et les volontés manifestées, ici et là, par les hommes politiques des deux rives, ne semblent pas avoir résisté aux arguments des technocrates de Bruxelles, préoccupés par leurs seuls intérêts. Aide généreusement promise et chichement distribuée En effet, les mesures d'accompagnement (MEDA) du processus de libéralisation des économies des pays du Sud et de l'Est de la Méditerranée, qui ont signé des accords d'association avec l'Union européenne, prévues par cette dernière au titre des compensations des pertes subies par les partenaires du Sud, en raison notamment du démantèlement de leurs barrières douanières, dans les délais fixés et de la suppression de toutes formes de protection administratives ou fiscales dont bénéficient leurs appareils productifs, ont été distillées au compte-gouttes, quand elles n'ont pas été purement et simplement supprimées pour des considérations d'ordre bureaucratique. Les fonds MEDA constituent en fait des dons (environ 10 milliards d'euros, qui devraient être distribués en 10 ans, aux 10 pays du Sud et de l'Est de la Méditerranée, sur la base de la règle : premier arrivé, premier servi) dont les décaissements obéissent à une procédure jugée lourde et complexe. Seuls quelques pays en ont effectivement tiré profit. Certains experts européens et des pays du Sud considèrent que ces mesures d'accompagnement sont loin de compenser les pertes engendrées par la suppression du système des préférences existant avant 1996 et soulignent que le libre échange intégral, qui est visé par l'Accord d'association euro-méditerranéen entre des partenaires inégalement développés, a eu des conséquences négatives importantes sur les entreprises publiques et privées des pays du Sud de la Méditerranée, déjà fragilisées par les réformes successives que les économies de ces pays ont subies. Malgré la relative mise a niveau dont certaines d'entre elles ont bénéficié, la majorité des entreprises des pays du Sud est encore incapable de faire face à la concurrence des produits de leurs homologues du Nord, massivement importés, sans taxes et librement commercialisés chez eux. Oui à la circulation des marchandises et aux mouvements des capitaux, non à la circulation des personnes ! Si l'Union européenne encourage et facilite au maximum la circulation des marchandises et les mouvements de capitaux, elle affiche, en revanche, de plus en plus de réticences quand il s'agit de la circulation des personnes, notamment dans le sens Sud-Nord. Ces restrictions sont devenues drastiques après les attentats qui ont ensanglanté New York et Washington, le 11 septembre 2001 et Madrid et Londres, respectivement en mars 2004 et juillet 2005 et Paris et Bruxelles, plus tard. En plus de l'impératif sécuritaire, l'Union européenne invoque sa législation interne contraignante et ne voit, dans la question de la liberté de circulation que celle relative aux marchandises, aux capitaux et aux services et au problème de la réadmission (expulsion, extradition ou déportation) vers leurs pays d'origine des immigrants devenus indésirables ou clandestins, de plus en plus nombreux à débarquer sur les côtes ibérique et italienne. Avec sa nouvelle «Politique européenne de voisinage», mise en œuvre en 2007 et remaniée en 2015, l'Union européenne avait tenté de revenir sur les concessions octroyées à ses partenaires du Sud de la Méditerranée, desquels elle s'éloigne subrepticement pour s'ouvrir de plus en plus sur ceux de l'Est de l'Europe, dont plusieurs sont déjà devenus membres de l'Union Européenne, qui fournissent une main d'œuvre qualifiée à bon prix et qui offrent surtout l'avantage d'appartenir à la même sphère culturelle et cultuelle. Un «autre» nouveau partenariat pour les pays du Sud En réponse aux critiques répétées des pays du sud de la Méditerranée, membres de l'accord d'association avec l'U.E, relatives au bilan globalement décevant de cet accord, l'U.E a annoncé, le 10 février 2021, une nouvelle initiative destinée à corriger les carences de sa politique de voisinage, qui se voulait, elle-même une correction de l'accord d'association originel. Ainsi, pour relancer et renforcer le partenariat stratégique entre l'U.E et ses partenaires du voisinage méridional, la Commission européenne et le haut représentant ont publié une communication conjointe proposant un nouvel agenda pour la Méditerranée «ambitieux et innovant». Il repose sur la «conviction que c'est par la coopération, dans un esprit de partenariat, que les défis communs peuvent créer les opportunités à saisir dans l'intérêt mutuel». Les initiatives précédentes n'ont pas réussi à assurer une stabilité durable au sein des pays de la rive sud, dont plusieurs ont été, dans les années 2010, sérieusement déstabilisés par le «printemps arabe», ni à instaurer une coopération mutuellement bénéfique, entre les parties à l'accord d'association. La démocratisation pacifique escomptée n'était pas au rendez-vous. La nouvelle initiative comprend aussi un plan économique et d'investissement visant à «stimuler, à long terme, l'activité socio-économique et industrielle, dans le voisinage méridional, après la grave crise de la Covid-19", dans le cadre du nouvel instrument de voisinage, de coopération, développement et de coopération internationale, IVCDCI.» 7 milliards d'euros seront alloués à ce projet, pour la période 2021-2027. Ce plan pourrait mobiliser jusqu'à 30 milliards d'euros en investissements privés et publics, dans la région, au cours de la prochaine décennie. Promesses, promesses qui n'engagent que ceux et celles qui y croient ! Que faire ? Ce n'est certainement pas en accourant à Bruxelles pour s'y livrer à une surenchère stérile afin de recevoir la bénédiction de l'Union européenne, qu'on arriverait à la convaincre de mieux respecter nos intérêts. Bien au contraire, c'est la meilleure manière d'encourager nos «partenaires» occidentaux unis, face à nous, tiraillés et divisés, dans leur attitude arrogante et belliqueuse. Car lorsqu'ils décident, pour une raison ou une autre, de mettre un pays dans leur collimateur, ils choisissent généralement le plus vulnérable militairement, politiquement et socialement. Les régimes, qui ne croient pas en leurs promesses galvaudées et qui ont une assise populaire réelle, comme Cuba, le Venezuela, la Corée du Nord et l'Iran notamment, sont généralement épargnés, malgré toutes les pressions diplomatiques, économiques et même militaires exercées sur eux. Afin de réduire leur vulnérabilité, sur les plans intérieur et extérieur, les pays du Tiers Monde devraient s'atteler à réaliser les objectifs suivants : 1° Sur le plan interne -Atténuer leur dépendance alimentaire, économique, financière, industrielle, technologique et énergétique grâce notamment à une bonne gouvernance et à une gestion transparente et intelligence de leurs ressources humaines, financières et naturelles ; -Instaurer les mécanismes de mise en œuvre effective de la justice sociale par une juste répartition du revenu national, aussi maigre soit-il, en vue de réduire à leur plus simple expression les maux et fléaux qui minent généralement nos sociétés ; -Favoriser l'émergence ou la consolidation de la classe moyenne ; nécessaire à l'équilibre de la nation ; -Éduquer et bien former la jeunesse dans le cadre d'un système éducatif national rénové et d'universités et de centres de formation dotés d'un encadrement compétent et d'un équipement pédagogique moderne, en complétant cette formation par l'envoi d'étudiants dans les meilleures écoles et universités du monde ; -Associer la diaspora vivant à l'étranger à l'effort de développement national en intéressant les compétences expatriées par des emplois bien rémunérés. Ce qui leur éviterait de recourir à la coopération technique étrangère très coûteuse ; -Encourager l'émergence de médias, d' ONG et d'une société civile indépendants et leur permettre de jouer un rôle réel dans la consolidation de la cohésion et la stabilité nationales ; -Vulgariser l'utilisation de l'outil informatique en le rendant accessible à tous ; -Sensibiliser la population aux enjeux stratégiques de l'environnement et à sa préservation ; -Prendre en charge les soins de base pour assurer, à des tarifs accessibles à tous, une meilleure santé publique et, partant du principe universellement connu «un esprit sain dans un corps sain», généraliser la pratique de l'éducation physique et sportive. 2° Sur le plan extérieur -Revitaliser le Mouvement des pays non-alignés, en le dotant d'un programme d'actions clairement définies. Cet objectif stratégique a été souligné par les chefs d'Etat et de Gouvernement dans leurs différents sommets ; -Favoriser la coopération avec les BRICS, la solidarité Sud-Sud, dans tous les domaines et créer les mécanismes pour les faciliter et transcender les problèmes éventuels auxquels elles pourraient être confrontées ; -Face aux pays industrialisés regroupés et adoptant des positions concertées, les pays du tiers Monde doivent renforcer leur rôle et leur place au sein des organisations internationales, régionales et sous-régionales afin de mieux défendre leurs intérêts politiques, diplomatiques et économiques notamment contre la détérioration continue des termes de l'échange ; -Multiplier les organisations du type OPEP, afin de pouvoir exporter leurs produits de base à leurs justes prix, négociés avec les clients et non pas imposés par eux ; -Les pays arabes et musulmans gagneraient à réformer leur vieille Ligue ainsi que l'Organisation de la conférence islamique pour leur permettre de mieux défendre leurs intérêts diplomatiques, politiques, économiques et culturels bafoués par les pays occidentaux ; -Plus elle est légère (au maximum une dizaine de pays), mieux une organisation est efficace et opérationnelle, dans un monde où la célérité d?exécution des décisions est capitale ; Plusieurs fois reformulée, toujours en faveur de la partie puissante de l'équation, en l'occurrence l'Union européenne, la coopération entre l'Union européenne et les pays du Sud et de l'Est de la Méditerranée déçoit la quasi-totalité de ces derniers, dont la dépendance des produits et équipements européens a considérablement augmenté depuis la signature de leurs accords d'association avec l'U.E et la levée, en conséquence, des barrières douanières. Les maigres avantages acquis antérieurement ont été, l'un après l'autre, remis en cause, sous divers prétextes. Ce bilan au solde négatif continu a poussé les autorités algériennes à demander une renégociation de l'accord d'association signé avec l'Union européenne afin de corriger les incohérences qu'il contenait et de réparer les dénis qu'il inflige à notre pays, en particulier et aux pays du Sud de la Méditerranée, en général. Devant la bureaucratie et le silence du partenaire européen, l'Algérie a multiplié les contacts avec les autres regroupements sous-régionaux et régionaux pour établir ou renforcer ses relations avec eux et a même déposé une demande d'adhésion auprès du Secrétariat du Commonwealth. Demande d'adhésion au Commonwealth En effet, outre l'examen des voies et moyens de relancer la coopération, énergétique, économique et financière algéro-britannique ; la signature d'un accord de coopération judiciaire ; la négociation d'un projet d'accord de déportation de présumés terroristes islamistes algériens, installés au Royaume-Uni, qui n'a pas été accepté par notre pays en raison du contrôle (monitoring) par le juge britannique du processus de retour et de séjour en Algérie, de ces suspects et d'un accord d'extradition d'Abdelmoumen Khalifa poursuivi par la Justice algérienne pour escroqueries, détournements et corruption avérés, l'un des points forts de la visite officielle de travail au Royaume-Uni, en juillet 2006, par le précédent président de la République, a été également la demande officiellement introduite par le gouvernement algérien, auprès de son homologue britannique, pour l'adhésion de notre pays au Commonwealth. La partie anglaise avait promis d'étudier sérieusement cette démarche quelque peu surprenante, en soulignant toutefois que le «club» du Commonwealth était prioritairement ouvert aux anciennes colonies britanniques et aux pays qui avaient l'Anglais comme langue officielle ou de travail. Cette demande git toujours dans les tiroirs du Foreign Office, même si des pays africains francophones, comme le Rwanda, le Gabon et le Togo notamment ont récemment rejoint le Commonwealth. Et des pays comme la Barbade, la Jamaïque et d'autres membres du Commonwealth ont quitté cette organisation ou envisagent de le faire à court ou moyen terme. En tout état de cause, la généralisation de l'enseignement de l'Anglais à partir de la 3ème année primaire, décidée par le ministère algérien de l'éducation nationale s'inscrit-elle dans la perspective d'une future adhésion au Commonwealth de l'Algérie, qui a toujours refusé de faire partie de l'Organisation internationale de la francophonie, pour ses visées néocoloniales flagrantes, qui poussent aujourd'hui plusieurs pays africains à s'en éloigner, les uns après les autres ? *Diplomate à la retraite et écrivain |
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